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Spécial Régions et collectivités territoriales à l’export 2019 : Bruno Grandjean, président de l’Alliance Industrie du Futur

 

 

 

 

 

 

Président de L’Alliance Industrie du Futur, qui regroupe l’ensemble des acteurs de l’industrie, et du directoire du producteur de machines-outils Redex, Bruno Grandjean est partisan d’une décentralisation plus poussée. L’ancien président de la Fédération des industries mécaniques (2016-2019) estime que l’État doit réduire le fardeau de l’impôt sur la production et « donner plus de moyens aux Régions » en matière d’internationalisation. Les Régions doivent encore se renforcer en nouant des alliances européennes.

 

Le Moci. Les Régions sont les pilotes de l’économie et de l’international sur leur territoire. Quel rôle jouent-elles en matière d’industrialisation, de modernisation des PME et d’internationalisation ?

Bruno Grandjean. Nous vivons une période historique. Le mouvement des Gilets jaunes est sans doute révélateur des failles d’un système français très centralisé. On voit se mettre aujourd’hui en place une décentralisation réelle, une responsabilisation des régions, comme cela existe en Italie, en Suisse, en Allemagne, où c’est dans leur culture. La France a un train de retard avec une organisation un peu surréaliste où tout converge à Paris, ce qui conduit à une concentration des problèmes et in fine à alimenter la violence politique. Des décisions, parfois impopulaires, doivent être prises au niveau local. Cette volonté de décentralisation doit s’appuyer sur la loi NOTRe sur l’organisation territoriale de la République.

Le Moci. La loi NOTRe a justement créé 13 grandes régions. N’est-ce pas une avancée ?

B. G. Oui, sauf que ces grandes régions, pensées sous le gouvernement Valls, étaient une démarche purement administrative. Disons que la réalité de la décentralisation commence juste à prendre tournure et cela se fait dans la douleur. Les Régions se rendent bien compte que l’industrie se transforme, se digitalise, que les liens sont croissants avec les services, que les secteurs traditionnels, automobile, ferroviaire ou aéronautique, ont besoin de se moderniser. Mais elles ignorent souvent ce que sont nos attentes et nos besoins : des infrastructures de qualité, de l’attractivité pour nos salariés, des établissements de formation bien dotés et performants…

Le Moci. Est-ce que les Régions font le lien naturellement entre industrialisation et internationalisation ?

B. G. Il y a une demande de responsabilisation, mais l’action internationale passe encore assez mal. Il faut donner plus de moyens aux Régions et certainement diminuer le poids des agences nationales. Il est certain que c’est plus facile pour Auvergne Rhône-Alpes qui a une taille critique que pour Centre Val de Loire qui est spécialisé dans des secteurs particuliers. Faisons du sur-mesure.

Le Moci. On entend souvent parler du retard industriel et technologique de la France, notamment par rapport à la Chine et aux États-Unis. Qu’en pensez-vous ?

B. G. Nous sommes en guerre économique. Tous les pays sont en compétition. Avoir une industrie forte est un enjeu majeur et complexe. La France a commis quelques erreurs stratégiques par le passé. Recréer un modèle prendra du temps, mais la France est un pays créatif. Des signaux encore faibles nous informent que nous sommes sur la bonne voie. Même en dehors du haut de gamme, il y a des industriels qui investissent beaucoup, qui montent en gamme, réussissent à créer de l’emploi, des usines. Mais il y a des freins : les connexions avec la recherche et surtout les universités sont, notamment, encore insuffisantes. Et il y a la compétitivité coût : on taxe toujours le Made in France à travers les impôts de production, alors qu’on a créé un crédit d’impôt pour la recherche.
L’État doit aller plus loin et les Régions doivent se renforcer. L’échelon européen nous paraît adapté. Il y a toujours plus de synergie à créer entre Auvergne Rhône Alpes et le nord de l’Italie, entre les Hauts-de-France et la Belgique, ou encore entre le Grand Est et l’Allemagne. Des passerelles doivent être développées. À l’instar d’Airbus, les champions de demain seront européens. Les Régions pourraient prendre plus en charge l’innovation et le financement, comme c’est le cas des länder en Allemagne. Il faut leur faire confiance.

Le Moci. En tant qu’industriel – vous présidez le groupe de machines-outils Redex, basé dans le Loiret – quel regard portez-vous sur les initiatives de l’État : comités stratégiques de filières (CSF), plan Intelligence artificielle, etc. ?

B. G. C’est bien. Bruno Le Maire aux Universités d’été du Medef a martelé son ambition. Reste que si l’on parle des impôts de production, le différentiel avec l’Allemagne dans l’industrie à périmètre égal est de 7 milliards d’euros chaque année en notre défaveur. La France attire peut-être des investissements étrangers dans la recherche, mais c’est beaucoup moins vrai dans la production. Sans compter qu’elle est championne en matière de surrèglementation. Les CSF et l’IA sont utiles, mais il y a beaucoup d’immaturité dans l’organisation de telles initiatives. Ce n’est pas à Bruno Le Maire de pousser, c’est aux industriels de se prendre en mains. Pour cela, il faut libérer les énergies de l’inutile. Nos PME sont les premières exposées aux taxes de production.

Le Moci. Le Premier ministre a fixé à l’Alliance Industrie du futur de labelliser 100 entreprises
Vitrines du futur en 2020. Où en êtes-vous ?

B. G. L’État est un partenaire. On essaie de trouver un équilibre. Ça peut marcher, l’apprentissage est reparti, l’investissement aussi. Le Premier ministre peut avoir une démarche volontariste en nous poussant à accélérer. L’idée des Vitrines Industrie du Futur, c’est d’inspirer les entreprises industrielles installées en France. Malgré la Bérézina des années 90, nous avons des centres industriels, d’innovation, nous exportons. Le label de « Vitrine Industrie du Futur » est attribué à des usines performantes qui sont prêtes à montrer ce qu’elles ont réussi et à travailler en réseau. L’Alliance Industrie du Futur en a pour l’instant 66, qu’il s’agisse de PME, ETI ou sites de grandes entreprises et elle saura atteindre l’objectif donné par le Premier ministre.

Le Moci. L’internationalisation figure parmi les missions que s’est donnée l’Alliance Industrie du Futur. Qu’en est-il exactement ?

B. G. On est en Europe, avec une zone monétaire unique. Notre vocation est de consolider l’industrie au niveau européen. L’Alliance Industrie du Futur discutera du sujet avec ses homologues allemand et italien, le 29 septembre prochain à Berlin. Ce sera une réunion préparatoire avec des annonces qui pourraient intervenir au printemps. Nos demandes pourraient concerner des aspects techniques : les normes, l’usine intelligente, par exemple. Mais elles devraient être accompagnées de préconisations pour favoriser l’innovation, l’exportation et la constitution d’entreprises européennes. Le statut d’entreprise européenne doit être la norme et pas une exception. L’Allemagne représente 40 % du marché d’une société comme Redex. Les entreprises sont des fédérateurs. Nous devons nous battre pour conserver une production en Europe c’est la condition sine qua non du maintien d’un système social avancé.

Propos recueillis par François Pargny

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