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Fromagerie Berthaut : quand l’époisses s’exporte grâce à la pasteurisation

Sans la famille Berthaut et sa fromagerie, l’époisses aurait sombré dans l’oubli. La stratégie qui l’a porté sur les marchés américain et asiatique est pour le moins innovante. 

Il a une drôle de couleur orangée, une odeur puissante et une tendance à couler dans l’assiette. Pourtant, les Américains, réputés hygiénistes, et les Asiatiques, pas vraiment portés sur le fromage, en raffolent. Un tour de force marketing orchestré par la fromagerie Berthaut. Avec 1,4 million de boîtes de 250 grammes par année, elle est le premier producteur de ce fromage certifié AOC (appellation d’origine contrôlée) depuis 1991. Berthaut a entamé une démarche à l’international dès les années 1970, lorsque Jean a pris la succession de son père Robert, fondateur de la fromagerie en 1956. Salons, contacts avec des importateurs en Allemagne, démarchage de crémiers à Bruxelles… Les premiers pas à l’export se font en Europe de manière artisanale, au gré des rencontres. « On en rit maintenant, mais à l’époque, la Belgique et l’Allemagne, c’était le grand export », sourit Hervé Cochard, directeur commercial de l’entreprise bourguignonne. 

Une réussite pour un fromage qui a bien failli disparaître. « A la fin du xixe siècle, rappelle M. Cochard, 300 fermes fabriquaient de l’époisses. Après la Seconde Guerre mondiale, il n’en restait plus que deux. Il fallait nourrir les enfants du baby-boom, produire des céréales, du lait et de la viande, l’agriculture se mécanisait et des produits aussi compliqués à fabriquer n’avaient pas leur place. » Robert Berthaut, qui rentre de la guerre et garde un souvenir ému du fromage de son enfance, apprend l’art complexe du frottage de l’époisses au marc de Bourgogne et le commercialise. Succès.

En 1999, trois personnes décèdent après avoir consommé de l’époisses contaminé par la listeria et provenant d’une autre fromagerie. Berthaut, qui fabriquait ses fromages au lait cru, passe à la thermisation, un procédé selon lequel le lait est chauffé pendant 15 secondes entre 57 et 68 °C. Par rapport à la pasteurisation (entre 62 °C et 88 °C), la thermisation détruit les bactéries pathogènes mais altère moins le lait. Et donc le goût. « Nous avons thermisé pendant un an et nous sommes passés ensuite à la pasteurisation », explique le directeur commercial. Un coup dur pour les amateurs de lait cru. Et pour la fromagerie. Même si l’AOC permet d’appeler époisses un fromage fabriqué à partir de lait pasteurisé.

Mais cette mutation lui a ouvert les portes de marchés comme les États-Unis, où les importations de fromages au lait cru ne sont possibles qu’à des conditions drastiques, de la Nouvelle-Zélande et des pays d’Asie comme la Corée, la Chine et le Japon qui traditionnellement préfèrent le lait pasteurisé. Au total, l’époisses Berthaut est distribué dans une trentaine de pays. 

Vers l’Est à petits pas
La prochaine destination de l’époisses Berthaut ? L’Europe de l’Est ! Le marché tchèque est prometteur et la Pologne se trouve également dans la ligne de mire.
« À Noël, nous avons envoyé des fromages à un importateur polonais pour qu’il les teste autour de lui. Cela n’a pas été concluant car les Polonais ne sont pas encore prêts. En général, les goûts évoluent en partant de la pâte pressée, puis les pâtes molles comme le Caprice des Dieux et ensuite la bûche de chèvre. À ce moment-là, le marché est mûr pour des fromages comme le saint-félicien, le saint-marcellin, le chaource ou l’époisses. »


« En Chine, comme aux États-Unis d’ailleurs, nous nous appuyons sur la tradition viticole française de l’alliage fromage et vin, et l’inscription “au marc de Bourgogne” sur les boîtes », explique M. Cochard. En Chine, Berthaut travaille avec des restaurateurs français qui, s’ils adaptent leur cuisine aux goûts locaux, proposent parfois des produits « typiques ». Aux États-Unis, où l’entreprise vend 100 000 époisses par an et réalise un quart de son chiffre d’affaires export, Berthaut fait du lobbying grâce au French Cheese Club qui regroupe cinq fromageries. Ensemble elles paient une personne qui s’occupe de promouvoir leurs fromages et organise tous les ans un stand sur deux salons, à San Francisco et à New York. Au printemps de chaque année, Berthaut participe également à la French Food Connexion. 

S. C. 

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