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Commerce mondial : le coronavirus perturbe un début d’année 2020 sous tension

Les chaînes d’approvisionnement souffrent de l’épidémie de Covid-19, qui vient s’ajouter aux guerres commerciales et aux incertitudes sur l’après-Brexit. Un cocktail anxiogène pour les responsables logistique et transport.

 

La croissance du commerce mondial des marchandises devrait rester faible au début de 2020, d’après le Baromètre du commerce des marchandises de l’OMC publié le 17 février, et ce hors effets du coronavirus qui devrait accentuer cette tendance. La plupart des prévisionnistes tablent, à l’heure où nous bouclons cet article, sur une progression des échanges mondiaux supérieure à 1 % mais très inférieur à 2 %.
Le 30 janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré une urgence de santé publique de portée internationale du fait de l’épidémie du nouveau coronavirus, dont la maladie a été baptisée « Covid-19 » et dont l’épicentre est à Wuhan, capitale de la province chinoise du Hubei.

 

L’usine du monde paralyse les supply chain
L’épidémie de coronavirus bouleverse les supply chain de bout en bout dans le monde entier.

« Les impacts du coronavirus sont gigantesques sur la logistique internationale, prévient France Beury, déléguée aux affaires européennes et internationales du syndicat professionnel TLF Overseas. Le blocage de l’usine du monde a des conséquences sur toute la chaîne logistique. Entre les ports chinois fermés ou dont le personnel travaillant sur la logistique portuaire sont absents, les chaînes d’approvisionnement internationales sont en grave péril. Les clients de nos membres craignent les prochaines semaines. En cas de retour à la normale, la question se pose : qui va pouvoir passer en premier ? »

 

Déterminer les flux prioritaires
A court et moyen termes, les chargeurs et organisateurs de transport ont beaucoup de travail pour déterminer quels sont les flux prioritaires dans les ports, aéroports, terminaux ferroviaires. Les négociations sont en cours pour assurer la meilleure efficience opérationnelle.

Yann de Feraudy, directeur adjoint du Groupe Rocher, en charge des opérations et de l’IT, explique les mesures prises par le groupe de cosmétique et de textile : « les perturbations des supply chain relatives au coronavirus risquent d’être longues. Nous avons mis en place une cellule de crise et sommes en train de réaliser des analyses d’impact. Certaines de nos marques et aussi certains de nos fournisseurs sourcent des composants en Chine, et selon la durée des perturbations, les impacts sur la production seront de plus ou moins grande ampleur, suivant notre capacité à mettre en place des alternatives. »

Damien Vinet, délégué aux affaires aériennes de TLF Overseas, voit tout de même un aspect positif à cette crise : «  elle va obliger les chargeurs à perfectionner leurs stratégies de sécurisation de la supply chain en renforçant les processus de gestion de crise et en diversifiant leurs stratégies d’approvisionnement. Le tout dans un but de limiter au maximum les risques et d’assurer un pragmatisme économique. Quelles solutions de secours peut-on mettre en place immédiatement, à deux mois, à trois mois ? Quel impact sur le choix des modes de transport ? Quelle position et quelle force dans l’entreprise pour les services spécialisés dans le Risk Management ? »

Jean-Michel Garcia, délégué aux transports internationaux de l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), fait une analyse similaire : « Au-delà de l’impact conjoncturel, cette crise représente un enjeu important : les industriels doivent travailler sur la résilience de la supply chain dans leur stratégie d’achat. » Les importateurs membres de l’association sont particulièrement inquiets.

 

Tensions commerciales persistantes
Le coronavirus ferait presque oublier les tensions géopolitiques et commerciales de ces dernières années, notamment entre l’Amérique de Donald Trump, la Chine et l’Europe. Elles ont des conséquences directes sur la santé du commerce international et sur l’usage des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Par rebond les supply chain internationales, de la production à la distribution au client final, doivent s’adapter.
« Nous assistons à une phase protectionniste de ‘démondialisation’, constate Yann de Feraudy. Ainsi, les homologations des produits plus compliquées, avec des restrictions à l’importation de certaines typologies de produit dans certains pays ».

Et France Beury de regretter : « le commerce international a de moins en moins recours aux règles générales de l’OMC, au profit d’accords bilatéraux. Plus de règles, c’est plus de complexité et c’est chronophage pour les opérateurs. Il y a dix ans, des règles étaient créées pour supprimer des entraves, aujourd’hui c’est pour en créer avant de négocier un accord bilatéral, comme le montre l’exemple de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. Certaines industries sont particulièrement touchées, ainsi des menaces américaines sur le vin français ou sur le luxe.

Certains choisissent de contourner les nouvelles taxes, par exemple en expédiant des cubitainers au lieu de bouteilles de vins. Ceci nécessite une ingénierie douanière que les petites PME du secteur n’ont pas. »

 

Le serpent de mer du Brexit
Dernier facteur d’incertitude : le Brexit, qui a enfin eu lieu le 31 janvier 2020 et semble moins un sujet d’inquiétude pour les acteurs du monde logistique.

La négociation d’un accord de partenariat économique ou de libre-échange entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, a priori d’ici la fin de la période de transition le 31 décembre 2020, doit effacer le spectre du no deal. Mais il reste à peine dix mois pour faire ce qui est censé prendre plusieurs années à faire ; en sus il y a un changement de paradigme, puisqu’il s’agit pour la première fois de négocier avec un ancien pays membre.
Il devrait vraisemblablement y avoir un accord restreint sur les thèmes les plus importants, les autres sujets étant négociés plus tard.

Le 21 février, la Freight Transport Association (FTA), syndicat professionnel qui rassemble chargeurs et opérateurs de la supply chain britannique, a prévenu le gouvernement de Boris Johnson que la logistique était un thème prioritaire, sous peine d’effets dévastateurs sur l’économie nationale. « Le gouvernement doit donner la priorité aux besoins de la logistique dans le premier cycle de négociations, afin que nous ayons le temps d’adopter les arrangements futurs et de nous y adapter. L’objectif est de maintenir les échanges commerciaux entre la Grande-Bretagne et l’UE après la période de transition. Décembre n’est qu’à quelques mois et nous avons besoin de mois et non de minutes pour nous préparer. »

La FTA espère que le risque de perturbation aux frontières soit atténué par des accords commerciaux et des procédures de simplifications ; ainsi, le besoin de contrôles physiques serait réduit. Elle réclame de la visibilité : « Les acteurs logistiques doivent savoir maintenant quelles procédures et quels processus seront utilisés pour traverser les frontières, pour avoir du temps pour faire des retours sur les propositions et des tests, puis procéder à la mise en œuvre et former le personnel. » Il faut également remédier à la pénurie d’agents des douanes.

Du côté français, TLF Overseas se veut pragmatique : « notre objectif en tant que syndicat professionnel est de peser afin de fluidifier les flux de marchandises, donc d’éviter le plus possible des formalités de sûreté et sécurité, trop compliquées et difficiles à répartir entre les opérateurs économiques, met en avant France Beury. Notre groupe de travail sur le Brexit a réalisé une grande enquête auprès de nos adhérents pour connaître leurs besoins et attentes. Une des craintes qui remontent est que le Royaume-Uni devienne une plateforme de réexpédition avec des zones franches, voire qu’il y ait de la concurrence déloyale. »

On a coutume de dire que le supply chain manager, métier de l’ombre par définition, démontre ses compétences lorsqu’il doit gérer les aléas sur la chaîne d’approvisionnement. La conjoncture internationale lui permet cette année de prouver à sa direction sa pleine et entière capacité.

Ch. Calais

 

La frontière intelligente, née du Brexit

Le travail réalisé en lien avec le Brexit par les douanes françaises sur la frontière intelligente n’est pas perdu ; il pourrait même devenir le modèle de frontière de demain. Dans le cadre du rétablissement de la frontière entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, la Douane a développé un système informatique permettant aux opérateurs d’automatiser le passage de la frontière par les poids-lourds. Cette solution innovante sera appliquée à tous les points d’entrée/sortie de la Manche et de la Mer du Nord et est basée sur trois principes : 
– l’anticipation des formalités en douane avant d’arriver en frontière en donnant au transporteur le code à barres de la déclaration en douane ;
– l’identification du moyen de transport et le code-barres de la déclaration en douane des marchandises qu’il transporte ;
– l’automatisation des notifications de passage vers les déclarants pour éviter un arrêt des poids-lourds.
Un système similaire est mis en place côté britannique.

 

Le coronavirus pèse particulièrement lourd sur le transport aérien

Le manque à gagner est particulièrement important pour toutes les compagnies de transport qui travaillent avec la Chine, au premier chef les compagnies aériennes. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a indiqué ainsi qu’au 13 février, 70 transporteurs aériens ont annulé tous leurs vols internationaux à destination et en provenance de la Chine continentale et 50 autres ont réduit les opérations aériennes connexes.
Damien Vinet, délégué aux affaires aériennes de TLF Overseas, passe en revue les trois principales conséquences de ces suppressions de vols passagers et cargo :
– les goulets d’étranglement sur les plateformes aéroportuaires de départ ont un impact direct sur l’écosystème du pré-acheminement et de l’export aérien en général ;
– le coût du fret aérien, du fait des restrictions de capacité, explose, avec des tarifs qui peuvent passer d’un ratio de 1 à 5, si ce n’est plus, en fonction des situations. Cela aura un impact sur le coût de revient du produit livré et donc un impact sur le prix de vente final de la marchandise ;
– pour pallier au manque de vols passagers, les organisateurs de transport affrètent, pour ceux qui ont les moyens financiers de le faire, des vols charters tout cargo afin de transporter les marchandises mettant en risque la chaîne logistique de leurs plus grands clients.

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