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Entretien avec Alain Rousset, président de la Région Aquitaine

Le Moci. Quel est, pour vous, l’enjeu du commerce extérieur au niveau régional ?

Alain Rousset. L’enjeu du commerce extérieur en Aquitaine est le même que pour la France. C’est l’emploi, la croissance des entreprises, le passage de la PME à l’entreprise de taille intermédiaire (ETI), l’innovation, la culture du monde extérieur, bref c’est un ensemble de choses qui s’inscrit dans le mot croissance.

 

Le Moci. Vous vous êtes personnellement penché sur le sujet avant même les réformes engagées par Nicole Bricq. Comment cela s’explique-t-il ?

A. R. Mais comment ne pas s’intéresser au commerce extérieur ? Aujourd’hui, avec un marché intérieur qui est plat, stable, si les entreprises ne vont pas chercher des marchés à l’extérieur, il n’y aura pas de croissance de l’emploi. Dès lors, pour qui considère que l’une des deux ou trois compétences principales des régions – avec la formation – c’est le développement économique, s’intéresser au commerce extérieur va de soi.

Durant ces quinze années d’exécutif à la région, on a structuré simultanément la montée en puissance des capacités de recherche et de transferts de technologie et, d’autre part, la modernisation des procédés de production. Aujourd’hui, sans abandonner ces deux volets, nous avons défini deux priorités que sont la formation et l’internationalisation. Je crois que cela est cohérent.

J’ajoute qu’il me semble que la région est le niveau pertinent pour la connaissance du tissu industriel et l’accompagnement dans la durée des entreprises. Le vrai problème que nous avions jusque-là, c’est que, comme dans tout État centralisé, les responsabilités étaient disséminées. Ce que nous a apporté Nicole Bricq – travail qui avait été entamé par son prédécesseur mais elle a eu le cran de franchir le Rubicon – c’est de dire : « il y a un chef d’équipe », « il y a un patron » de l’action publique. Aujourd’hui, il y a une équipe export qui rassemble tout le monde ; il y a une réelle mutualisation des services entre les chambres de commerce, les douanes, la Bpi. Il existe une réelle « équipe d’Aquitaine » sur l’export.

Le Moci. Le plan régional d’internationalisation des entreprises (PRIE) a été adopté à l’unanimité et sans réserve par l’assemblée régionale, de la gauche à la droite. Est-ce à dire que les enjeux et les solutions font consensus en Aquitaine ?

A. R. Il est exceptionnel, – hormis quelques dossiers qui peuvent gêner les Verts, comme le nucléaire –, qu’il n’y ait pas une unanimité sur ce type de stratégie qui touche au développement économique. Idem pour la recherche ou les transferts de technologies.

Si j’ai pu apporter une chose, avec ce qui est mon histoire personnelle – je me suis occupé dans le passé du développement industriel pour le compte d’un grand groupe et pour le compte du ministère de l’Industrie* –, c’est cette culture industrielle et cette prééminence du développement économique et de l’emploi dans la politique régionale.

Le Moci. Une des spécificités de la démarche a été d’associer très en amont les entreprises régionales à vos réflexions à travers un club ETI mais aussi un comité d’expert qui a été directement associé au PRIE. Pourquoi cette idée ?

A. R. Il faut savoir qu’on a « clusterisé » l’Aquitaine. Autrement dit, on a essayé de regrouper par filière plus que par territoire les secteurs industriels traditionnels et émergents de la région, bien avant d’ailleurs la création des pôles de compétitivité. Ce qui fait que cette tradition du contact avec le monde de l’entreprise est ancienne et bien ancrée. Et encore une fois, c’est aussi ma culture propre.

Une des forces de la décentralisation, c’est de travailler constamment en étant proche des interlocuteurs. Quand vous êtes à Bercy, vous voyez une fois dans votre radar une entreprise, et sauf si c’est un grand groupe qui vient faire du lobbying ou porter la bonne parole, vous ne la revoyez plus. En Aquitaine, au contraire, on travaille constamment ensemble. Il était logique que l’on s’adosse à ces experts de l’exportation que sont les chefs d’entreprises que vous citez, à la fois pour leurs bonnes pratiques et leur connaissance des territoires porteurs. Eux, ils pratiquent l’export au quotidien !

 

Le Moci. Votre stratégie va s’appuyer sur deux plateformes, l’une dédiée à l’accompagnement, animée par CCI international, et l’autre, dédiée au financement, que vous co-pilotez avec Bpifrance. Comment cela se passe-t-il avec Bpifrance ?

A. R. Sur ce plan, je n’ai pas d’alerte.
BpiFrance fait correctement son travail. Ce qu’il fallait absolument éviter, c’est qu’il y ait une équipe des chambres de commerce qui travaille de leur côté sans mettre en place un accompagnement financier de la région, de l’État ou de Bpi, et que la région recrée de son côté un service qui existe déjà à travers la Bpi. Il y a une équipe au conseil régional, animée par Anne-Cécile Petit, qui assure la liaison, fait remonter les problèmes éventuels et anime les réunions.

Nous avons aussi prévu de créer un Observatoire des échanges internationaux de l’Aquitaine pour nourrir nos connaissances, suivre l’impact de nos stratégies et partager les informations avec les entreprises. Tous ces moyens sont mis à la disposition des entreprises. C’est la justification de l’accompagnement public du développement industriel et de l’emploi.

 

Le Moci. Une des nouveautés du PRIE, qui aurait été poussée par les entreprises, est la création de quatre incubateurs dans quatre marchés cibles : États-Unis, Brésil, Allemagne, Chine. Est-ce raisonnable en cette période de restriction budgétaire ?

A. R. Dans une fonction antérieure de maire de Pessac, commune qui avait l’université sur son territoire, j’ai créé un incubateur avant même que Claude Allègre ne l’« invente ». Vingt après, on en est à 250 entreprises créées. Donc ne croyons pas que la décentralisation a entraîné à chaque fois des initiatives redondantes, inutiles, trop chères !

On sait que quand une entreprise va en Chine, en Allemagne, aux États-Unis ou au Brésil, elle est sans repères au début. L’idée de l’incubateur, c’est d’aider le responsable dans ses démarches, et de l’aider également à mûrir son projet. Il s’agit donc de mettre en place des structures légères, souples et efficaces. Le poste pourra être occupé par des VIE, dans un local partagé ou mis à disposition par de grandes entreprises. On regardera toutes les solutions, on sera très pragmatique. Ces incubateurs sont liés à nos marchés cibles mais ils correspondent aussi à une demande émanant des entreprises. On verra très vite si ça marche ou pas.

 

Le Moci. L’objectif fixé par le PRIE sur trois ans, c’est 385 entreprises supplémentaires, exportateurs durables, pour un tissu existant de 1700-1800 entreprises indépendantes exportatrices en Aquitaine. Est-ce réaliste ?

A. R. J’en suis convaincu. Pour deux raisons. Premièrement, je pense que le fait de travailler et d’avoir un suivi commun, sans se disperser, ni doublonner, est essentiel.
Deuxièmement, le monde industriel, le monde des entreprises d’Aquitaine a changé. Il s’est musclé, il s’est diversifié, il s’est modernisé. J’ai la faiblesse de croire que la Région y est pour beaucoup. Aujourd’hui, ce tissu industriel est en mouvement. On retrouve nos entreprises sur des compétitions internationales étonnantes.

Nous parviendrons peut-être à 350 ou à 400 entreprises. Si c’est le cas, on sablera le champagne. Ce qui est important, c’est qu’il s’agit d’un objectif partagé, stimulant pour tous. La principale faiblesse de notre dispositif précédent était qu’il était constitué d’une série de ce que j’appelle les « villages gaulois » ; aujourd’hui, on a une Région mobilisée pour grandir à l’export. C’est toute la différence. Elle est énorme.

Propos recueillis par Christine Gilguy

*Alain Rousset a notamment été délégué à l’industrialisation du bassin de Lacq à la Direction du développement régional du groupe Elf Aquitaine de 1986 à 1998.

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