Trois questions à Marc Prikazsky, président du club ETI Aquitaine

Le Moci. Comment la nouvelle stratégie régionale d’internationalisation des entreprises est-elle accueillie par les entreprises d’Aquitaine ?

Marc Prikazsky. L’avancée essentielle est la simplification par la création d’une porte d’entrée unique dans le dispositif d’aide, qui doit permettre aux entreprises de passer d’un système à l’autre sans avoir tout leur dossier à refaire. La complexité des dispositifs, leur éparpillement était un frein majeur. Un autre point important est de faire de la région un maillon essentiel. Chacun d’entre nous à un référent à la région. Vous obtenez un rendez-vous dans la journée avec votre interlocuteur. C’est aussi le bon niveau pour agir sur notre environnement : on ne se développe à l’international que lorsqu’on a des racines fortes, un écosystème.

Le Moci. Vous présidez un club ETI de 34 membres. Comment avez-vous contribué au PRIE ?

M. P. Le Club ETI a été créé en novembre 2011 à l’initiative d’Alain Rousset, le président du Conseil régional. J’avoue que j’étais sceptique sur son intérêt car je raisonnais en filière comme beaucoup d’autres dirigeants d’entreprises en Aquitaine. Depuis, j’ai changé d’avis : fondamentalement, malgré la diversité des secteurs représentés et des niveaux d’internationalisation très différents – nos 34 membres pèsent 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont en moyenne 34 % à l’international –, nous sommes confrontés aux mêmes problématiques de développement et de compétitivité. Il n’y a pas plus de 70 ETI en Aquitaine, nous venons de recruter 6 membres supplémentaires et nous espérons atteindre les 50 en 2014.

De fait, le club a vraiment démarré lorsque nous avons créé des sous-groupes de réflexion autour de thématiques transversales mais concrètes : développement international, innovation, financement, ressources humaines. C’est de ces réflexions que sont sorties les pistes que j’ai présentées au conseil régional le 24 juin 2013, dont certaines ont été retenues. Nous avons par exemple fait une enquête pour identifier les pays prioritaires, États-Unis, Brésil, Chine, Allemagne. De là, nous nous sommes interrogés sur l’utilité d’avoir des plateformes locales, dans ces grands pays prioritaires, pour accueillir et aider les entreprises dans leurs démarches. D’où le principe de ces incubateurs, retenue dans le PRIE. J’ajoute que certains d’entre nous ont participé au comité d’expert qui a directement planché sur le PRIE, aux côtés de patrons de PME.

Le Moci. La région mise aussi sur le coaching des PME par les ETI pour les faire grandir à l’international. Sont-elles prêtes à franchir ce pas ?

M. P. C’est une question de responsabilité. Personnellement je suis prêt à y consacrer du temps. Il y a un important besoin de « coaching ». Lorsque j’ai pris la direction de Ceva Santé Animales, je venais d’une entreprise de 900 salariés. Ceva, c’est 3 000 personnes et 90 % de son chiffre d’affaires à l’international. C’est un autre job, une autre organisation, je sais de quoi je parle. Même passer de l’export à l’internationalisation est un cap nécessaire mais qui modifie les problématiques auxquelles le chef d’entreprise est confronté : dans mon groupe, j’ai 43 filiales et seulement 25 % de mes effectifs sont en France.

Déjà entre nous, au sein du club ETI, nous avons découvert que communiquer, échanger conseils et points de vue nous apportait beaucoup. « L’intercoaching », entre ETI, est un acquis important, pour faire grandir certaines d’entre nous à l’international. S’agissant des PME, le club des ETI va essayer d’en sélectionner une dizaine pour les « coacher » et leur faire bénéficier de notre expérience terrain. Cela ne sera pas une tâche facile : je connais des patrons de PME qui ne veulent pas grossir, ouvrir leur capital. Il s’agira aussi de lever des freins psychologiques. La région a prévu un budget pour les encourager à faire des diagnostics stratégiques. Cela nous aidera beaucoup.

Propos recueillis par Christine Gilguy