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Trois questions à Philippe Bonnevie, AUTF*

*L’Association des utilisateurs de transport de fret

« Les chargeurs sont de plus en plus nombreux à vouloir travailler avec des taux à long terme « all in »

Le Moci. Les alliances entre les armateurs expliquent-elles selon vous la hausse des taux de fret alors que les volumes n’étaient pas au rendez-vous en début d’année ?

Philippe Bonnevie.
Il est vrai qu’on a connu au premier semestre 2012 une situation étonnante. Les compagnies maritimes ont réussi à augmenter les prix alors que les volumes baissaient. Mais les deux hausses de tarifs, en mars et en avril-mai, ont eu lieu alors que les alliances commençaient à peine à se structurer. C’est avant tout la coordination des actions des armateurs pour augmenter les taux qui a rendu ces hausses possibles, en tout cas sur les marchés « spot ».

D’ailleurs la tentative de hausse en juin-juillet a échoué. Bien sûr, il n’y a pas eu de « peak season » cette année. Mais je pense que si cette troisième augmentation n’est pas passée, c’est parce qu’il n’y a pas eu la même solidarité entre les armements. Ceux-ci sont repartis dans une « bagarre » pour conquérir des parts de marché, peut-être liée aux restructurations de services, chaque grande alliance essayant de faire sa place. Depuis un certain nombre de semaines, les taux spot déclinent fortement car cette discipline ne joue plus. Il y a de nouveau une pression sur les prix comme en 2011. Ce n’est pas à moi de dire si la discipline observée en début d’année entre armements a été organisée ou non. Mais on constate clairement que, lorsque les armateurs adoptent des stratégies de décisions similaires au même moment, cela a un effet sur les prix.

Le Moci. Comment réagissent les chargeurs à ces mouvements de prix difficiles à appréhender ?

Ph. B. Les importateurs, notamment ceux qui travaillent avec l’Asie, en ont assez des fluctuations brutales de taux et des stratégies de raréfaction de capacités qui les accompagnent généralement. En effet, la grande distribution ou les importateurs de matières premières s’accommodent mal des montagnes russes tarifaires et des comportements hiératiques des armateurs concernant l’allocation d’espace. Les chargeurs sont de plus en plus nombreux à vouloir travailler avec des taux à long terme « all in » (incluant toutes les surcharges) contractualisés. Nous les y encourageons car globalement ils s’y retrouvent. Nous discutons de plus en plus de la possibilité de travailler avec des contrats plus longs, sur deux ou trois ans, avec des clauses de révision de prix. Cette idée progresse chez les chargeurs qui travaillent en direct avec les armateurs. Elle concerne aussi bien les engagements sur les prix que les cadencements d’exécution. Il faut que ces contrats prennent également en compte des éléments qui clarifient les besoins de chargeurs, qu’il s’agisse des problèmes de pré-transport, de structure tarifaire, de gestion des stationnements à quai, ou de règlement du fret. Les chargeurs les plus en avance sur ces questions doivent aussi intégrer dans les contrats des clauses plus juridiques afin de contrer ou de contester certaines clauses pré-imprimées des connaissements, par exemple celles concernant les déviations ou les retards. A l’AUTF, nous essayons de développer ces pratiques car nous pensons que c’est l’avenir.

Le Moci. Dans quelle mesure cela peut-il contribuer à stabiliser le marché ?


Ph. B.
Ce ne sont pas les chargeurs qui font le marché. Les tarifs dépendent de la situation économique et de la stratégie des compagnies. Or les armateurs ont parfois des comportements un peu infantiles en termes d’investissements notamment, et le marché est loin d’être stabilisé. La Chine ne flambe plus et la course au gigantisme des porte-conteneurs créent une surcapacité latente que les armateurs arrivent à résorber pendant un certain temps grâce à des mesures artificielles. Mais cette surcapacité est structurelle et elle perdurera jusqu’en 2014 au moins. Les chargeurs n’en profitent pas en raison de variations tarifaires absurdes découlant de la structuration actuelle du marché, alors qu’ils ont besoin avant tout de visibilité et de stabilité.

Propos recueillis par Ph.D.

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