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Enquête sur l’usage des règles Incoterms 2010

Entrées en vigueur le 1er janvier 2011, les règles Incoterms 2010 de l’International Chamber of Commerce (ICC) sont-elles désormais plus adaptées aux réalités du terrain et mieux intégrées par les entreprises ? Pour répondre à ces deux questions, Le Moci a mené sa propre enquête en sollicitant les experts de ce sujet et en envoyant un questionnaire à des professionnels du transport et de la logistique. Réponses dans ce dossier avec les résultats de notre enquête exclusive Moci analysés par Michel Abgrall-Lévy, auteur du Guide Moci des Incoterms 2010.

En progrès, mais peut mieux faire. C’est la conclusion que l’on pourrait tirer des résultats de notre enquête quant à la cuvée 2010 des Incoterms et à leur utilisation par les entreprises. Ces fameux « termes du commerce international », créés en 1936 par l’International Chamber of Commerce (ICC) et réactualisés régulièrement, régissent le partage des coûts, des risques et les responsabilités incombant aux différents acteurs d’une opération de vente à l’international, à savoir le vendeur et l’acheteur.

D’une manière générale, les experts du Moci sont assez sévères avec la cuvée 2010 des Incoterms par rapport à celle de 2000. Ainsi, souligne Jean-Claude Asfour, consultant et auteur de notre Atlas des risques pays, « comme de nombreux consultants et experts ont pu le constater, la version 2010 n’est pas une très bonne cuvée. Le texte remanié est une simple évolution mais sûrement pas une révolution. La vraie révolution serait de supprimer les Incoterms maritimes et fluviaux qui n’ont plus lieu d’être ».

Un point de vue modéré par l’avocat Christoph Martin Radtke, co-président du comité de rédaction de l’ICC pour les Incoterms 2010. Selon lui, le fait que les Incoterms maritimes, désormais classés dans une catégorie à part, ne soient plus autant utilisés à tort est un succès. De même, pour Maître Radtke, l’EXW (Ex-Works), considéré comme inadapté aux ventes internationales est de plus en plus souvent remplacé par le FCA (Free Carrier).

Ce sont les principaux points positifs mis en avant par les deux consultants que Le Moci a interviewés. Ainsi, souligne Madeleine Nguyen-The, du cabinet International Pratique, « les habitudes commencent à changer. On note un accroissement de l’utilisation des FCA au détriment des EXW ». Toutefois, estime Marc Vissol, de la société Abili-t, « l’EXW continue à être utilisé par habitude ». Pour sa part, Jean-Claude Asfour estime que l’utilisation du FCA à la place du EXW est très courante dans les grandes entreprises, qui précisent le plus souvent « FCA Factory » (« FCA Usine »), mais nettement moins courant au sein des PME.

Et notre propre enquête (même si les résultats ne portent que sur une quinzaine de réponses) confirme que l’EXW reste encore majoritairement utilisé à l’export puisqu’il représente 21 % des Incoterms utilisés par nos répondants. En revanche, à l’import, le FCA détrône l’EXW avec 23 % d’utilisation contre seulement 13 % pour l’EXW. Et à l’import, toujours selon notre enquête, c’est un nouvel Incoterm 2010 qui est le plus utilisé : le DAP (Delivered At Place) avec 38 % d’utilisation de nos répondants. Mais ce constat n’est pas partagé par Jean-Claude Asfour. Pour celui-ci, « le DAP n’a guère de succès sur le terrain. De nombreuses entreprises utilisent le DDU en précisant Incoterm 2000 ». Cela se comprend car selon lui, « la définition du DDU est beaucoup plus explicite en ce qui concerne les incidences fiscales. De plus, ajoute t-il, en tant que nouvel Incoterm, le DAP ressemble curieusement à un vieil Incoterm 1980, le DCP (Delivery Costs Paid) ».

Les Incoterms sont souvent mal utilisés

Au-delà de la rédaction des nouveaux Incoterms 2010, c’est la question de leur mauvaise utilisation en général qui est mise en avant par tous les experts du sujet. Le constat dans ce domaine est unanime. « Pour savoir utiliser les bons Incoterms il faut avoir des compétences dans de multiples domaines : commerce international, transport, douane, outil de paiement, assurance, etc », souligne Michel Abgrall-Lévy. « Les vendeurs et les acheteurs devraient être le plus au courant des Incoterms à utiliser à leur avantage. Mais ce n’est pas le cas, car bien souvent ceux-ci n’ont qu’un objectif en tête : obtenir la meilleure marge possible sans penser à négocier le bon déroulement du contrat », ajoute t-il. Comme partout, c’est lorsque les problèmes surviennent que l’on pense à mieux « border » ses contrats en utilisant les Incoterms appropriés. La liste des Incoterms utilisés à mauvais escient est longue. Ainsi parmi les erreurs les plus communément commises, Jean-Claude Asfour cite :

– Vendre en EXW et charger la marchandise à bord du camion envoyé par l’acheteur. Or la définition de l’ICC est très précise : le vendeur doit mettre la marchandise, non chargée sur un quelconque véhicule d’enlèvement, à la disposition de l’acheteur au lieu de livraison convenu. En cas d’incident lors du chargement, le vendeur n’est pas couvert. La solution aurait été d’utiliser une variante de l’Incoterm : « EXW chargé » ou « EXW loaded » ;

– Utiliser le FOB ou le CIF pour d’autres modes de transport que le transport maritime : comme le « FOB avion », qui est le plus fréquent, mais également le FOB route ou rail, utilisé lors de ventes intracommunautaires ;

– Utilisation massive des incoterms FOB et CIF
pour du transport en conteneurs. Depuis 1990, l’ICC rappelle que le transport en conteneur relève des Incoterms multimodaux et surtout pas des Incoterms maritimes, mais les mauvaises pratiques perdurent.

Autres erreurs constatées : Madeleine Nguyen-The cite le fait de ne pas préciser le lieu exact de livraison ou plus précisément le « lieu convenu » de destination. Il y a alors risque de confusion avec le client. C’est notamment arrivé à un exportateur qui a vendu en CIP Istanbul (Turquie) sans préciser sur quelle rive du Bosphore il devait envoyer la marchandise. Les coûts de transport n’étant pas les mêmes, on imagine toutes les complications que cela a entraîné… Marc Vissol cite pour sa part un cas qu’il a souvent rencontré : utiliser un EXW pour un transport maritime adossé sur un crédit documentaire entre la France et l’Algérie alors qu’il faut utiliser dans ce cas un FOB ou un CIF. Maître Radtke lui même constate une mauvaise pratique lors de l’utilisation des Incoterms 2010 en D.. Ainsi, signale-t-il, « les entreprises qui achètent en Asie avec les Incoterms DAT (Delivered At Terminal), DAP (Delivered At Place) ou DDP (Delivered Duty Paid) se retrouvent à payer deux fois les frais de manutention : une fois en payant le prix « D » qui les inclut, et une fois à l’arrivée quand le transporteur leur présente une facture ».

Que faire pour mieux choisir son Incoterm ?

Comme l’explique Marc Vissol, il est important de bien savoir choisir l’expert qui va accompagner l’entreprise et de savoir procéder par étapes. « On ne confie pas tout de suite des dossiers stratégiques à des consultants extérieurs ». Il est également possible de bénéficier de conseils gratuits venant des cellules « conseil aux entreprises » des douanes.

Mais, avant tout, souligne Madeleine Nguyen-The, il est impératif de former au sein d’une entreprise toutes les équipes à l’utilisation des Incoterms. « Les impacts des Incoterms sont nombreux : logistique, financier, douanier, comptable, fiscal, documentaire», déclare t-elle. « Il est donc impératif de former toutes les personnes concernées par les opérations internationales à l’utilisation des Incoterms. Pas seulement l’administration des ventes, mais surtout les acheteurs et les vendeurs qui négocient les prix. Ceux-ci seraient alors plus à même de négocier un Incoterm au mieux de leurs intérêts ». Pour Jean-Claude Asfour, l’utilisation des Incoterms est très complexe et la PME ou ETI se doit de former un ou deux de ses collaborateurs, soit auprès de l’ICC, soit auprès de consultants homologués par l’ICC. Mais l’entreprise ne doit surtout pas se contenter des conseils de son transitaire ou de son banquier. cet expert pointe du doigt le nombre de crédits documentaires émis en dépit du bon sens (EXW avec présentation d’un connaissement, par exemple), et ceci quelque soit le pays du banquier émetteur. Ce qui n’est guère rassurant, c’est de constater que les erreurs sont commises non seulement par les acheteurs et les vendeurs, mais aussi par des transitaires, voire des banquiers lors de « conseils » à leurs clients, signale Jean-Claude Asfour. Et ceci dans quasiment tous les pays du monde. Il suffit de surfer sur des sites de consultants américains, anglais ou indiens, au hasard, pour s’apercevoir que ces mauvaises pratiques sont universelles, ajoute t-il.

Le mieux est de prendre en compte tous les facteurs (temps, risques et coûts) comme le conseille Marc Vissol. Avec un point essentiel pour les exportateurs, comme l’avait signalé l’année dernière au Moci la Fédération TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France) dans ses « 7 recommandations pour exporter en toute sécurité » : il est impératif de vérifier que les formalités de douane de sortie du territoire communautaire ont bien été effectuées au point réel de sortie. Or, trop souvent, les contraintes du terrain sont oubliées. A ce titre, un cas d’école est souvent mentionné dans les cours de commerce international. Une société avait utilisé l’Incoterm « FOB arrimé » pour expédier sa marchandise en Pologne. Elle avait dans ce cas la responsabilité d’arrimer la marchandise sur le navire. Mais le pont du bateau choisi n’était pas assez solide pour recevoir le matériel. Du coup, l’exportateur a dû faire renforcer le navire à ses frais pour pouvoir charger et présenter son crédit documentaire !

Autre cas bien réel : il y a une vingtaine d’années, une société avait signé un CIF débarqué au port fluvial de Mossoul, en Irak, mais sans vérifier que ce port disposait d’infrastructures suffisantes pour décharger la marchandise. Autant de cas qui montrent l’importance de bien choisir son Incoterm au moment de la signature du contrat de vente.

Isabelle Verdier


Repère

Incoterms 2010 multimodales

EXW… = Ex Works / A l’usine
FCA… = Free Carrier/ Franco transporteur
CPT… = Carriage Paid To/ Port payé jusqu’à
CIP… = Carriage and Insurance Paid to/ Port payé assurance comprise jusqu’à
DAT… = Delivered At Terminal (remplace DEQ)/ Rendu au terminal
DAP… = Delivered At Place (remplace DDU, DES, DAF)/Rendu au lieu de destination
DDP… = Delivered Duty Paid/ Rendu droits acquittés

Incoterms 2010 maritimes

FAS… = Free Alongside Ship/ Franco le long du navire
FOB… = Free On Board/Franco à bord
CFR… = Cost and Freight/Coût et fret
CIF… = Cost Insurance and Freight/ Coût assurance fret

Les trois constats de Christoph Martin Radtke

En tant que co-président du comité de rédaction de l’ICC des Incoterms 2010, Christoph Martin Radtke, avocat aux Barreaux de Lyon et de Munich et associé du cabinet Lamy & Associés, dresse pour Le Moci trois constats principaux concernant l’utilisation des Incoterms 2010.

1er constat. Les entreprises ont largement adapté leurs conditions de vente en faveur du FCA 2010 à la place de l’EXW. Les efforts de l’International Chamber of Commerce (ICC) pour expliquer les nouvelles règles ont payé et le message selon lequel l’EWX n’était pas adapté à une vente internationale est passé.

2ème constat. Les entreprises ont également bien intégré le fait qu’il ne faut pas utiliser les Incoterms maritimes pour la vente de produits industriels et manufacturés car ils ne sont pas livrés à bord d’un navire. Les Incoterms maritimes disparaissent des conditions générales et sont destinés uniquement à une catégorie de produits bien précise : celle des matériaux en vrac et des matières premières.

3ème constat. Les Incoterms multimodaux CPT (Carriage Paid to) et CIP (Carriage and Insurance Paid to) sont désormais beaucoup utilisés. Auparavant, il y avait une source de confusion avec les autres Incoterms maritimes en “C”. Ce n’est désormais plus le cas, les Incoterms maritimes étant désormais classés dans une catégorie à part.

Le bêtisier des Incoterms

Voici un florilège de contre-vérités écrites sur des sites censés être spécialisés sur le sujet.
• Dans un récent appel d’offres émis par un organisme de la Commission européenne, le texte précise : « La Mission ……RD Congo bénéficie d’un statut diplomatique et est exemptée, pour les produits et services importés, de tous impôts et taxes nationaux ou communaux. Importation en DDU (Incoterms 2010 – Delivery Duty Unpaid) ». Or le DDU est un Incoterm 2000 !

• Le site d’une banque marocaine dresse une liste des Incoterms 2010 en les traduisant en français, ce qui est interdit, et en mentionnant que la table d’équivalence utilisée est celle du JO du 14 août 1998. Or le DAT et le DAP, nouveaux Incoterms 2010, n’existaient pas à cette époque !

• Le site d’une société d’expertise en logistique, revendiquant de nombreux clients « grands comptes » parle de « FOB Aéroport » (Franco à bord aéroport) en expliquant que le fournisseur remplit ses obligations en livrant la marchandise au transporteur aérien à l’aéroport de départ. Or le FOB est uniquement maritime !

• Le site d’un consultant en logistique explique le FOB de la manière suivante : « Free on Board « Franco bord » (lieu d’embarquement convenu). La marchandise “Free on Board” doit être placée à bord du navire, avion ou véhicule au port, aéroport ou point d’embarquement désigné dans le contrat de vente. C’est l’acheteur qui choisit le moyen de transport et paie le fret ». Là aussi rappelons que le FOB est uniquement maritime !

Le Moci réédite son Guide des Incoterms 2010

Bonne nouvelle : le Guide Moci des Incoterms 2010, qui était épuisé, va être réédité le 4 octobre. Les règles Incoterms de l’International Chamber of Commerce (ICC), souvent (mal) connues, sont une excellente base pour définir, lors d’une opération internationale : le partage des coûts ; le partage des responsabilités ; et la fourniture des documents. Quoi de plus dangereux pour un acheteur et un vendeur que d’utiliser des mots dont l’acception peut différer selon la langue, la culture, le pays, le marché, la génération ? Ce guide de 50 pages, rédigé par Michel Abgrall-Lévy, décrypte le texte rédigé par l’ICC concernant les onze Incoterms 2010. Chacun des Incoterms 2010 est passé au crible avec ses avantages et ses inconvénients et un exemple concret de rédaction du contrat. Véritable outil pratique, ce guide explique comment choisir le bon Incoterm à travers une grille de dix critères d’appréciation. Un tableau fait le récapitulatif des coûts et risques concernant les règles Incoterms 2010 pour le vendeur comme pour l’acheteur. Ce guide comprend en outre un chapitre expliquant les contrats, les acteurs et les règles Incoterms et un autre chapitre détaillant les différences entre les Incoterms 2000 et 2010. Il s’agit d’un véritable guide pratique destiné à tous les opérateurs du commerce international : directeurs logistiques, directeurs export, cadres opérationnels des entreprises de prestation logistique et de commission de transport, etc. A commander d’urgence !

Email : Abonnement Le Moci – [email protected]
Tél. : 01 49 70 12 04

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