« Un Incoterm mal choisi peut rogner sur vos marges »
Membre de la Compagnie nationale des experts MCTH, partenaire du cabinet allemand Schwens Consulting, Marc Vissol travaille comme consultant spécialisé dans le management de l’export pour des entreprises des secteurs de l’industrie et du luxe exportant aux quatre coins du monde selon des modes de transport variés. Il donne au MOCI son appréciation concrète de l’utilisation sur le terrain des Incoterms par les entreprises.
Le Moci. Quel constat faites-vous de l’utilisation des Incoterms par les sociétés que vous accompagnez ?
Marc Vissol. J’observe un déficit de connaissance et de maîtrise des règles Incoterm. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle bon nombre de conditions générales de vente stipulent la règle ExWorks. Un Incoterm mal choisi ou mal négocié peut rogner vos marges.
Par exemple, pour certains utilisateurs, la règle ExWorks semble simple d’utilisation et donne une impression de sécurité notamment au niveau du point de transfert des risques (à l’usine). Un transfert rapide des risques n’est pas négligeable. Mais le transfert des fonds en temps et en heure est déterminant. Je vends pour être payé et non pour transférer des risques. Or, par définition, le transport est inhérent au commerce international et peut conditionner la bonne fin du règlement de la facture.
Dans certains cas, vendre ExWorks, c’est-à-dire en confiant la responsabilité du transport à l’acheteur, revient à lui confier la maîtrise des délais de livraison, de paiement et donc la maîtrise de votre trésorerie. Autant que faire se peut, il faut conserver une bonne maîtrise du transport dans les opérations internationales. La mise en œuvre d’un Incoterm doit être adaptée au schéma de production de l’entreprise. J’entends par « schéma de production » l’ensemble des opérations techniques, commerciales et administratives qui conditionnent le paiement de vos factures et le respect de vos marges. L’Incoterm fait partie de ce schéma. S’il est mal choisi ou négocié, vos marges pourront en souffrir.
Le Moci. Quelles règles de base préconisez-vous ?
M. V. Pour opérer le bon choix (ou le moins mauvais !), établissez et confrontez, pour la même opération, plusieurs scénarios avec un Incoterm différent à chaque fois afin de mesurer et de définir précisément les termes de l’opération (temps, coûts, risques). Vous pourrez ainsi choisir l’Incoterm le plus adapté. Ce travail préparatoire constituera également une excellente base de travail pour élaborer vos stratégies de négociations commerciales et anticiper les demandes de vos clients.
Attention, soyez très prudent lorsque votre paiement est sécurisé par crédit documentaire. Il est nécessaire de garder une main sur le transport et de privilégier les Incoterms vente départ : par exemple FCA, FOB, CIF. Dans ce même registre, soyez très attentif quant aux documents que requiert le crédit et leur adéquation avec les termes de l’Incoterm sélectionné.
Votre transitaire est un partenaire de votre société. N’hésitez pas à le consulter notamment sur les conséquences du choix de la règle Incoterm appliquée d’une part, et, d’autre part au regard de la destination (par exemple en termes de frais, d’usage de tel ou tel port ou aéroport, etc).
N’hésitez pas non plus à solliciter les cellules « conseils aux entreprises » des douanes (voir liste sur http://www.douane.gouv.fr/page.asp?id=427). Celles-ci sont bien informées et donnent des conseils pertinents et gratuits, ce qui n’est pas négligeable.
Le Moci. Faut-il absolument ne plus utiliser l’EXW comme le demande l’ICC (International Chamber of Commerce) rédactrice des Incoterms ?
M. V. Il n’est jamais rien d’absolu. J’observe cependant que beaucoup d’entreprises utilisent encore la règle EXW par habitude alors que selon leur système de production, elles devraient adopter un Incoterm beaucoup plus adapté. Je pense à des sociétés qui vendent ExWorks mais organisent le transport et assurent le dédouanement à l’export pour le compte de leur client. La règle FCA semblerait plus cohérente avec ce schéma.
Propos recueillis par Isabelle Verdier