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Guide business Sénégal 2016 : les PME françaises innovent pour la population

Grâce à de nouvelles infrastructures, aéroportuaires, terrestres, ferroviaires, l’environnement des affaires s’améliore. La demande de modernité est constante de la part des usagers et de la population, comme le montre l’expérience des fondateurs de Moods-Money To Goods et de Sunna Design.

 

Bonne nouvelle, le climat des affaires s’améliore. Le Sénégal a ainsi grignoté trois places dans le classement Doing Business 2016 de la Banque mondiale et se hisse dans le groupe des plus réformateurs. Aujourd’hui à la 153e position, il rêve maintenant d’intégrer le top 100. Dans le classement mondial sur la compétitivité économique, établi par le Forum économique mondial de Davos, le pays gagne aussi deux places et pointe au 110e rang et même au 109e au regard du seul critère des infrastructures.

Dakar a changé. « Cela a commencé avec l’ancien président Abdoulaye Wade qui a lancé de grands travaux notamment dans la capitale », rappelle Étienne Giros président délégué du Cian (Conseil français des investisseurs en Afrique). Depuis plus de 10 ans, la capitale sénégalaise se modernise. « La première autoroute subsaharienne à péage a littéralement changé la manière de travailler dans ce pays. Il y a 5 ou 10 ans, j’allais rarement et difficilement à l’intérieur du pays visiter certains clients. Aujourd’hui, je n’hésite plus. En deux heures un rendez-vous sur Rufisque est honoré et je suis de retour », raconte Bruno Paret, administrateur général de Senemeca, une entreprise de mécanique.

Construite par Eiffage, l’autoroute traverse Dakar et file vers Diamniadio et bientôt le futur aéroport Blaise-Diagne. « La dernière partie est encore en construction, mais cette autoroute est vraiment une infrastructure structurante, qui va permettre d’ouvrir de nouveaux territoires », souligne Aziz Gaye, directeur général du cabinet de Ressources humaines Eco Afrique. « Cela change la donne économique, la manière de se déplacer. On gagne un temps fou. Quand vous prenez cette autoroute et que vous arrivez à Diamniadio, vous ne reconnaissez plus le Sénégal. Cela donne de l’enthousiasme par rapport à ce qui va se passer demain. C’est le Sénégal de l’avenir », ajoute Bruno Paret.

À 30 kilomètres de la capitale, pousse la nouvelle ville de Diamniadio. « Cela a du sens, il y a beaucoup de constructions et il est nécessaire de désengorger Dakar, une presqu’île où la pression foncière est terrible », analyse Bruno Paret. À côté des infrastructures déjà réalisées comme le centre de conférence, des immeubles de bureaux et des logements sociaux sortent de terre. « C’est une démarche volontariste du gouvernement, avec la création d’une zone économique et d’une zone d’affaires et d’énormes investissements », ajoute Aziz Gaye. Certaines entreprises ont prévu de s’installer, comme Atos et Tigo. L’ouverture de l’aéroport, prévu début 2017, devrait pousser d’autres sociétés à suivre le mouvement. « La difficulté c’est de tirer son épingle du jeu dans le dilemme coût du foncier et développement économique. Le foncier est créé, mais l’activité économique est encore inexistante », analyse Bruno Paret. « Certaines entreprises de distribution, qui pourront bénéficier de structures (terrains et hangars), ont probablement intérêt à s’installer dans le centre économique de Diamniadio. Pour des entreprises de services comme nous, ce n’est pas le cas », explique Aziz Gaye.

Le choix de la zone de Diamniadio « une terre argileuse très fertile du Sénégal » laisse ce dernier perplexe. « Lors de la saison des pluies, la terre se transforme en boue, et même un tracteur ne passe pas », précise-t-il. « Si la construction d’un pôle économique et d’une zone de développement hors de Dakar est en soi une bonne chose, en revanche le choix de la zone pose problème », s’inquiète-t-il.

 

Moods-Money To Goods
De l’argent transféré pour sélectionner des produits

Les deux co-fondateurs de Moods-Money To Goods repensent le transfert d’argent traditionnel. Au lieu de voir le « money to money » comme une fin en soi… Ils proposent le « money to goods ». « Moods, c’est une place de marché qui permet aux diasporas d’envoyer gratuitement de l’argent sous forme de bons d’achat électroniques utilisables directement chez les commerçants locaux », explique Stéphane Poutcheu, cofondateur. Avec Arslan Touba, ingénieur marketing et commercial dans l’informatique, il a lancé Moods-Money To Goods, une start-up qui a bien l’intention de concurrencer Western Union et Moneygram. Tous les deux, franco-africains, ont cerné un besoin.

Le transfert d’argent coûte cher, avec des commissions autour de 10 % qui pèsent sur l’expéditeur et qui pénalisent les envois de petites sommes. « Dans le monde, ces commissions sur les transferts d’argent des diasporas représentent 4 milliards de dollars, soit le PIB d’un pays comme la Mauritanie ou du Togo », insiste Stéphane Poutcheu. En outre, l’expéditeur qui souvent répond à une demande spécifique de la famille restée au pays – pour l’achat de médicaments, de travaux, d’équipements, etc. – n’a pas de regard sur l’utilisation effective de cet argent.

Moods-Money To Goods redonne à l’expéditeur un droit de regard en transformant l’argent en bons d’achat. Sur la plateforme de marché, il sélectionne les commerçants et effectue un paiement sécurisé sur le site de la plateforme Moods. Le bénéficiaire reçoit un SMS avec un code qui lui permet de réaliser ses achats chez les commerçants sélectionnés. La commission ne pèse plus sur la personne qui envoie l’argent, mais sur le commerçant. « Ce système permet d’envoyer de l’argent gratuitement. Et nous apportons des revenus supplémentaires aux commerçants locaux », détaille Stéphane Poutcheu. À Dakar, une centaine d’enseignes (pharmacies, alimentations générales, boulangeries, librairies…) ont adhéré à la plateforme, dont le groupe Casino.

Fin juin, Moods-Money To Goods a été lancé officiellement au Sénégal. Pour expliquer le choix de cette première implantation, Stéphane Poutcheu rappelle que « les fonds transférés de la diaspora sénégalaise, bien représentée en France, représentent environ 10 % du PIB national ». « En outre, techniquement cela est plus facile avec la parité fixe du FCFA », ajoute-t-il.

Depuis le début de l’année, Moods-Money To Goods a ouvert une filiale à Dakar. « Dans nos démarches, nous avons été accompagnés par un cabinet d’expert-comptable et un notaire, sur les conseils de la Chambre de commerce et d’industrie », explique Arslan Touba. Finalement, les choses se sont bien passées et plutôt rapidement. En revanche, il reste encore étonné par la lenteur de certains services, comme l’ouverture d’un compte bancaire. « Cela peut-être frustrant, mais il faut être patient. Prendre en compte la culture orale, savoir que dans les négociations, il faut se revoir et surtout que tout se négocie », détaille-t-il.

À Dakar, Moods-Money To Goods a fait appel à une société qui gère les commerciaux. Une douzaine ont été formés pour démarcher les commerçants. D’ici la fin de l’année, ils espèrent bien pouvoir embaucher, au nom de la société, un ou deux représentants commerciaux et poursuivre leurs objectifs de développement, d’abord dans les grandes villes du Sénégal mais aussi en Côte d’Ivoire et au Mali. Pour cela, les deux co-fondateurs ont lancé une levée de fonds de l’ordre de 400 000 euros auprès de fonds d’amorçage et de Business Angels.

 

Sunna Design  
Des lampadaires adaptés pour les villages de Casamance

« Nous rendons un service énergétique absolument nécessaire aux populations que nous équipons, aussi bien avec l’éclairage public qu’avec l’éclairage intérieur et la recharge USB qui correspondent aux besoins d’aujourd’hui et de demain », affirme en un éclair Thomas Samuel, fondateur de Sunna Design. Niomoune, un village de Basse-Casamance ravitaillé par les pirogues, est devenu le terrain d’une belle expérience, la sienne. Loin de tout, sans accès à l’électricité, Thomas Samuel a apporté la lumière à Niomoune et une solution ingénieuse pour raccorder les foyers à un lampadaire solaire. Bruno Paret, président de la section Sénégal des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), prévenait : « pour venir au Sénégal, une entreprise doit apporter une vraie valeur ajoutée, tout en prenant en compte les contraintes ». Thomas Samuel fait encore mieux. Il transforme une contrainte en business, sur fond de technologie innovante.

À à peine 34 ans, Thomas Samuel tient à préciser, « je suis un entrepreneur, pas un humanitaire ». Après un tour du monde, et un séjour en Inde où il découvre les atouts du solaire, crée sa propre entreprise de lampadaires solaires, il décide de rentrer en France pour améliorer le volet technique et crée Sunna Design. Les lampadaires doivent être adaptés aux conditions tropicales, résiste aux pluies et à la chaleur. Après plusieurs années de recherche, avec Saft (leader mondial des batteries) et le laboratoire public CEA-INES, il met au point un lampadaire solaire intelligent. Adapté à leur environnement, il résiste pendant 10 ans, sans maintenance. Sur le continent africain, on compte déjà 6 000 lampadaires Sunna.
Autour du lampadaire intelligent, Sunna développe un nano réseau, avec logiciel intégré, qui permet de gérer l’électricité générée par le lampadaire solaire à 4 foyers raccordés (8 pour le dernier modèle). L’énergie est stockée grâce à des batteries à base de nickel. En deux mots, Thomas Samuel définit son dispositif comme « une rupture technologique ».

Il revient alors en Casamance en 2015, 10 ans après son premier passage, noue un partenariat avec la société sénégalaise Sud Solar Système. Sunna peut ainsi s’appuyer sur son partenaire local, pour l’installation et la maintenance des nanoréseaux. Depuis 1996, Sud Solar Système a installé en Casamance des milliers de systèmes solaires domestiques et agricoles et procède à leur maintenance avec son équipe de techniciens locaux. Pour accéder au service, une fois le lampadaire monté, le foyer doit payer le raccordement (la Sunna Box), environ 30 euros, puis un abonnement pré-payable au jour (20 centimes d’euro), à la semaine ou au mois, via mobile. « Les habitants ont vite compris les économies qu’ils pouvaient réaliser par rapport aux anciens moyens d’éclairage : piles, bougies, lampe kérosène… Près de 200 euros économisés, par an », détaille Thomas Samuel.

Avant d’arriver à Niomoune, Thomas Samuel a dû conquérir le Conseil municipal de Ziguinchor, « Au départ, nous étions sceptiques, car le Sénégal a dépensé des milliards de francs CFA en pure perte dans des systèmes solaires », raconte le député et maire Abdoulaye Baldé au Journal La Croix. Les cinq lampadaires installés ont fait l’unanimité. Entre-temps, Sunna et son partenaire casamançais sont allés frapper à la porte de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale. Rapidement, une convention a été signée pour l’électrification de 20 000 foyers d’ici 2018. Une première phase pilote dans deux villages prévoit d’équiper 320 foyers d’ici à la fin 2016. La moitié a été équipée. Pour mener à bien cette première phase, une levée de fonds de 500 000 euros a été réalisée sur une opération de crowdlending, en partenariat avec le site lendosphere.com. Le particulier qui apporte son épargne se voit offrir en échange un taux d’intérêt de 6 % sur la somme prêtée. Et, il est remboursé progressivement tous les six mois, pendant trois ans. De l’autre côté, pour un habitant de Nioumoune, « la lumière c’est l’espoir, un premier pas vers le progrès. »

Sylvie Rantrua

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