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Dossier Roumanie 2019 : Eric Stab*, président du comité Roumanie des CCEF

 

 

 

 

 

 

Le Moci. La Saison culturelle croisée s’est tenue en France de fin novembre 2018 à fin mars 2019. Quelle est l’importance de cet événement qui se déroule maintenant en Roumanie jusqu’à la mi- juillet ?

Éric Stab. Clairement, la Roumanie souffre d’un déficit d’image en France. La réalité est bien meilleure que la représentation que l’on en a trop souvent. La Saison culturelle devrait faire tomber un certain nombre de stéréotypes et renforcer les liens étroits entre les deux pays. Sur le plan économique, cette nation de 19 millions d’habitants bénéficie d’une croissante forte et récurrente autour de 4 % par an. La Roumanie est un pays riche qui s’ignore. Elle dispose de ressources humaines de qualité. Ses ressources naturelles, notamment énergétiques, sont réelles. Les paysages y sont beaux, le pays a une riche histoire ainsi que de belles traditions et la population y est accueillante et chaleureuse.
J’ajouterais que les Roumains sont francophones et francophiles et que la France dispose auprès d’eux d’un capital sympathie important. Les entreprises françaises y sont très présentes. Nos échanges commerciaux, relativement équilibrés, se montent, au total, à environ huit milliards d’euros et quelque 3 000 sociétés à capital français sont établies sur place. Trente-six des entreprises du CAC 40 sont implantées en Roumanie, comme Renault, Orange, ENGIE, mais aussi la Société Générale ou, dans la grande distribution où la France est puissante, Carrefour et Auchan. Les investissements directs français sont de l’ordre de 4,2 milliards d’euros, ce qui fait de la France le quatrième investisseur étranger.

 

Le Moci. La réforme judiciaire voulue par Bucarest a beaucoup fait pour ternir l’image d’un pays qui assure la présidence de l’Union européenne jusqu’à fin juin. Faut-il que les entreprises françaises s’en inquiètent ?

E. S. La Roumanie est confrontée, comme d’autres, à une montée des courants populistes, mais la population reste, au fond, europhile. Ce que demande le secteur privé local et étranger, c’est de la stabilité, de la prédictibilité et de la transparence.
À cet égard, si l’État avait une meilleure capacité d’absorption des fonds européens, la Roumanie pourrait s’attaquer plus facilement aux trois grands défis auxquels elle a à faire face : le manque d’infrastructures routières, ferrées, portuaires, aéroportuaires et sanitaires ; un capital humain à renforcer ; et l’efficacité limitée de l’Administration. Dans les infrastructures, seules les télécommunications sont à la pointe. En matière d’accès à Internet, la Roumanie occupe ainsi l’un des premiers rangs en Europe pour le haut débit.
S’agissant du capital humain, l’accent doit indéniablement être mis sur l’éducation et la santé pour retenir les forces vives du pays. On trouve des diasporas un peu partout dans le monde, notamment en Europe de l’Ouest et du Sud, comme en Italie et en Espagne. Outre le problème de l’émigration, le taux de natalité n’est pas assez élevé. Il faut donc trouver les moyens de lutter contre le déclin démographique. Enfin, les obstacles bureaucratiques au développement et aux affaires sont une réalité. Il convient de redéfinir le rôle de l’État et des collectivités publiques avec des ressources humaines appropriées. Une meilleure efficacité de l’Administration permettrait aussi aux secteurs public et privé d’améliorer leur productivité.

 

Le Moci. La Roumanie est parfois présentée comme un hub régional. Que faut-il en penser ?

E. S. La Roumanie est la 15e ou 16e économie de l’UE à 28 en termes de produit intérieur brut, mais peut viser la 10e place, bien plus conforme à son 7e rang de pays européen le plus peuplé, en maintenant ses taux de croissance actuels. Il lui faut converger davantage sur le plan économique au sein de l’Union européenne en s’attaquant aux trois grands défis décrits ci-dessus. En Europe du Sud-est, la Roumanie est numéro un, avec une localisation géographique favorable qui en fait un hub régional malgré son déficit d’infrastructures. Nombre de grandes entreprises, y compris françaises, y ont établi leur siège régional pour cette zone, voire pour l’Europe centrale et orientale. L’industrie logistique est en plein essor. Des centres, des entrepôts sont construits pour desservir le pays. Un pôle logistique important est développé autour du port de Constanța sur la Mer Noire.
Toutefois, les montagnes qui traversent le territoire, les Carpates, ne sont pas faciles à franchir. Si en partant de Bucarest, vous vous dirigez par la route vers la Bulgarie, les Balkans du Sud, la Grèce, vous n’aurez pas de problème. En revanche, si votre destination est la Hongrie, de Bucarest, il faudra franchir ou contourner les Carpates. Ce qui ne sera pas le cas, par contre, si vous partez de Cluj ou Timisoara à l’ouest du pays. Par exemple, Renault Dacia aurait bien besoin d’une liaison autoroutière entre Pitesti, où se trouve son usine, et Sibiu pour exporter plus aisément ses véhicules vers l’Europe de l’Ouest, beaucoup d’autres investisseurs exprimant aussi cette attente.

 

Le Moci. Dans quels secteurs conseilleriez-vous aux PME françaises d’investir ou d’exporter ?

E. S. Ils sont nombreux. Il y a un besoin de rattrapage dans beaucoup de domaines. Dans les technologies de l’information et la communication, la Roumanie est historiquement très avancée, avec une licorne comme UiPath dans la robotique et un porte-étendard comme Bitdefender dans la sécurité informatique. La production et la transformation agricoles sont aussi attractives. Toutes les terres fertiles ne sont pas valorisées. Il y a de nombreux investissements étrangers, notamment de la part de fermiers français.
Il faut par ailleurs regarder les services, un segment en forte croissance, et l’industrie en général. L’automobile dispose d’un écosystème très développé aujourd’hui. Le gaz en Mer Noire a incité les groupes OMV, Exxon Mobil et Black Sea Oil & Gas à investir. Il y a encore beaucoup à faire dans l’efficacité énergétique et les villes intelligentes. Dans les énergies renouvelables, il y a eu un boom entre 2010-2014, qui s’est ensuite tari, suite à un changement de réglementation. Toutefois, avec les ambitions affichées par l’UE, une relance est attendue. C’est un domaine à suivre.

Propos recueillis par François Pargny

* Éric Stab est P-dg d’ENGIE Romania et directeur d’ENGIE pour la Roumanie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie

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