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Dossier agroalimentaire 2016 : comment les PME françaises utilisent leurs innovations à l’international (1)

Pour conquérir la Chine, les États-Unis ou le Maroc, innover est indispensable. Huit PME – dans l’industrie, le matériel, les process – livrent ici leurs recettes.

 

Bag2Pack (emballage), 6 salariés, Fromagerie Milleret, 150 personnes, Clauger (froid industriel et conditionnement de l’air), 850 employés, Laiteries H. Triballat (produits laitiers, desserts), 1 300 personnes, et le même souci : innover pour se démarquer de la concurrence. « On fait d’abord du brainstorming, on crée un prototype, on pense à la commercialisation et la réalisation industrielle parallèlement au financement et aux recours éventuels à des industriels extérieurs », explique Daniel Pouyleau, directeur commercial associé de Bag2Pack, qui précise que « dans une petite structure, il faut absolument être polyvalent ». En l’occurrence, ce dirigeant chevronné, 57 ans, ne s’occupe pas seulement de commercial, mais aussi « de recherche, de développement technique ».

Même pour Clauger, qui est numéro un en France, il ne suffit pas de marquer des points dans certains coins de la planète. « Nous ne sommes pas assez grands à l’international pour nous asseoir sur des technologies figées », pointe Laurent Guesdon, le responsable de la zone Europe centrale, des pays russophones et du Moyen-Orient. C’est pourquoi l’entreprise innove malgré la crise économique et étend son champ d’opération. Ainsi, Clauger a, cet été, acquis la société marocaine Afriquia Refrigération. Et pour ceux qui seraient tentés de baisser la voile, en raison de la persistance de la crise économique mondiale, Christophe Février, directeur commercial Export des Laiteries H. Triballat, est catégorique : « l’innovation est un sujet de long terme ».

Bref, pas question d’abandonner le bateau de l’innovation, sous peine de disparaître définitivement. « C’est en période de crise qu’il faut innover et prendre des positions », renchérit Jérôme Leber, directeur commercial et marketing France, export de la Fromagerie Milleret. Une politique que cet homme recruté il y a moins de cinq mois entend bien suivre et faire partager à l’ensemble de la PME.

 

1/ Les producteurs et transformateurs

 

Fromagerie Milleret 
Des formats, des recettes, du packaging pour servir le consommateur

Ancien cadre chez Canderel, Henkel et Danone, Jérôme Leber a été embauché, il y a à peine cinq mois, notamment pour développer l’export de la Fromagerie Milleret. Il ne représentait que 3 % du chiffre d’affaires d’un montant total de 69 millions d’euros en 2015, réalisé principalement en Europe : France, Allemagne, Scandinavie, Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Portugal, Pologne, Ukraine, République tchèque, Slovaquie.

Mais pour exporter, il faut innover. Et pour innover, comme pour exporter, il faut impliquer la totalité de l’entreprise, non seulement le président, Denis Milleret, à la tête de cette société familiale de 150 salariés, mais aussi les responsables de la qualité, de la production ou de la logistique. Basée près de Besançon, la Fromagerie Milleret produit environ 7 300 tonnes de fromage par an, à partir de lait collecté dans un rayon de 26 kilomètres. Opérant ainsi avec quelque 210 exploitations agricoles, la PME franc-comtoise se doit d’exporter pour ne pas avoir à gonfler excessivement ses réserves de lait.

« Il y a trois façons d’innover, assure Jérôme Leber, directeur commercial et marketing France, export. La première, adapter les boîtes, en l’occurrence abandonner les formats habituels de la France, entre 220 et 350 grammes, pour les remplacer par des boîtes de 125 grammes à l’export. La seconde, proposer des recettes différenciantes et, la troisième, s’adapter à tous les usages de la consommation hors domicile avec une offre de boîte de huit portions de 30 grammes chacune ».

Par exemple, l’Ortolan à la truffe est un produit raffiné, parfaitement adapté à des fêtes en France. À l’export, l’objectif est d’en livrer des quantités toute l’année et, à l’heure actuelle, la Fromagerie Milleret réfléchit à des recettes qui seraient appréciées des consommateurs étrangers. Parfois, il suffit simplement d’influer sur le packaging. Ainsi, l’Ortolan devient à l’international Le P’tit Brie – un nom bien connu à l’étranger – pâte molle à croûte fleurie doux au goût en 125 grammes, idéal pour le snacking. Comme la Fromagerie Milleret exposera au Sial (16-20 octobre), elle va pouvoir présenter pour la première fois l’Ortolan en portions de 30 grammes sous le nom de Brie. « Des adaptations, mais toujours la qualité », souligne Jérôme Leber, selon lequel « c’est par la qualité et en ne recherchant pas forcément les volumes à court terme que l’on peut entrer chez certains grands distributeurs étrangers ». Ce qui signifie parfois de petites quantités à livrer. « Nous sommes ainsi entrés au Royaume-Uni chez Mark & Spencer en MDD avec deux fromages à pâte molle il y a deux mois », raconte le dirigeant français. Un succès intéressant, dans la mesure où ce distributeur serait le plus exigeant du pays en matière de qualité. « De quoi espérer à terme de plaire à d’autres, comme le géant Tesco », confie-t-il encore.

 

Groupe d’aucy
De nouvelles offres à venir pour l’Afrique et pour la Chine

Connue dans le monde pour sa marque d’aucy, le groupe éponyme (ex-Centrale coopérative agricole bretonne/Cecab) se prépare à investir l’Afrique et l’Asie avec des produits adaptés aux marchés locaux (goût, habitudes alimentaires, etc.). Groupe d’aucy a ainsi prévu de commencer avec les conserves de légumes et les plats cuisinés en Afrique, en principe au premier semestre 2017 et en Asie fin 2017-début 2018.

« Innovateur sur le marché français et européen, Groupe d’aucy entend d’abord se démarquer à l’export en mettant en avant son statut de producteur, qui assure aux clients et consommateurs d’obtenir, grâce à ses 9 000 agriculteurs coopérateurs, un produit sain « du champ à l’assiette », avec un sourcing et une traçabilité optimales, tout en garantissant une sécurité alimentaire totale. C’est un produit qui est délivré dans un emballage, la boîte de conserve, qui répond parfaitement à une démarche d’éco conception », explique Nicolas Jauzion, directeur Grand export de la branche conserves/ surgelés de légumes et plats cuisinés de cette entreprise à taille intermédiaire (ETI) : 4 800 salariés, un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros en 2015, dont 16 % à l’export dans 80 pays, principalement en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.

Faute de posséder une connaissance suffisamment fine de la distribution en Afrique et en Chine, Groupe d’aucy prend son temps. Même si le terrain ne lui est pas inconnu, loin s’en faut, en Afrique, continent où elle est déjà présente dans une quinzaine d’États avec d’aucy et des marques propres, elle se montre prudente. Quelles marques utiliser en particulier ? Celles existantes ou de nouvelles ?

En Chine, la situation semble différente. « Les professionnels chinois nous demandent de ne pas adapter nos étiquettes, ce qui compte étant le Made in France et la qualité garantie », souligne Nicolas Jauzion. Récemment, une ingénieure agronome a été recrutée. Ces différents responsables travaillent avec la direction du Marketing, dont l’expertise et l’expérience sont jugées incontournables et qui suit donc les projets. Compte tenu de la taille des marchés africains et asiatiques, l’enjeu est considérable pour Groupe d’aucy.

« En Chine, notamment, il y a une frange de la population avec un pouvoir d’achat élevé qui veut des produits sains. Et de fait, chez de nombreux distributeurs, les rayons des produits importés ne sont plus fréquentés uniquement par les expatriés », observe Nicolas Jauzion. Comme vendre directement paraît compliqué, d’aucy veut opérer avec des distributeurs, y compris des spécialistes de l’e-commerce, ce qui implique aussi de mettre en place des offres adaptées aux différents segments de vente.

 

Independant French Manufacturers
Naturalité et marketing, recettes du succès aux Etats-Unis

« Arrêtons les bricolages ! On n’arrive pas aux Etats-Unis les mains dans les poches », lâche Franck Foulloy, directeur général d’Indépendant French Manufacturers, bureau de représentation pour l’Amérique du Nord, depuis 1992, de quatre PME de l’Hexagone : Biscuiterie de l’Abbaye, la chocolaterie Monbana et les spécialistes des champignons Borde et des sauces à napper viandes et poissons Christian Potier. En particulier dans son approche du marché, pour réussir au pays de  l’Oncle Sam, il faut travailler sur le design, le packaging, le marketing, ce qui implique une réflexion approfondie en amont.

« Christian Potier possède plus de cent recettes, mais nous n’en avons sélectionné que six, comme les sauces béarnaise et hollandaise, qui correspondent au goût du consommateur, relate le dirigeant basé à New York. Nous avons aussi regardé le prix, car le produit peut être de qualité et beau, ce n’est pas suffisant, c’est le mix qui compte. Enfin, nous avons innové en en matière de marketing, de design en faisant ressortir le côté naturalité des produits, des produits sans gluten et sans colorant ».

Ainsi, si les sauces sont vendues dans les épiceries et les supermarchés premium, les prix sont-ils contenus dans une fourchette raisonnable, entre 3,99 et 4,99 dollars.
Toutes les recettes, de tradition française, ont fait l’objet d’un nouveau packaging, qui est un étui contenant trois dosettes. « Pas besoin de réfrigération ! Les dosettes peuvent être conservées à température ambiante pendant douze mois », assure Franck Foulloy.

En outre, ce sont des produits pratiques, puisque les sauces sont prêtes à consommer après dix secondes en micro-ondes.

Autre exemple d’innovation marketing avec la Biscuiterie de l’Abbaye : l’entreprise normande vend sous la marque Pierre Biscuiterie, plus facile à prononcer par des anglo-saxons, ses produits naturels, French Pure Butter cookies ou ses French Butter cookies coated in dark chocolate, dans un packaging alliant design moderne et fondamentaux de la marque française. Sur les paquets, apparaissent ainsi Tour Eiffel et béret posé sur un gâteau.

 

Laiteries H. Triballat
Des process de conservation pour gagner au grand export

« L’innovation est au cœur de notre réflexion, c’est un élément de différenciation pour élaborer des recettes et concevoir un packaging », affirme Christophe Février, directeur commercial Export des Laiteries H. Triballat, spécialisées dans les produits laitiers frais et desserts commercialisés sous la marque Rians.

Le bureau de R&D a mis au point une technologie de conservation sans conservateurs pour étendre la durée de vie des produits en allongeant leur DLC (date limite de consommation) afin qu’ils tiennent la durée de l’expédition par bateau. Le roulé ail et fines herbes de Rians au lait entier de vache pasteurisé se conserve ainsi 125 jours à l’emballage, une fois expédié. De quoi tenir les distances par voie maritime jusqu’à New York (une semaine), Houston au Texas (deux semaines), Los Angeles (trois semaines) et Tokyo au Japon (cinq semaines). Pour vendre sa crème brûlée Rians, produit phare de la marque, aux États-Unis, les six ingénieurs en R&D ont développé un process spécifique de congélation instantanée, appelée « Flash ». « Il faut congeler vite !, révèle Christophe Février. Les cristaux d’eau qui se forment à la congélation sont plus petits, et ils déstructurent moins le produit à la décongélation ». Le procédé permet ainsi de restituer le goût et l’aspect visuel du produit.

Il aura fallu deux années à l’équipe R&D de la laiterie pour développer ce procédé qui permet de transporter la marchandise congelée, de la stocker congelée et de la décongeler sur place. « Une fois le produit décongelé, sa DLC est supérieure à 40 jours », indique Christophe Février. Soit une durée suffisante pour vendre la crème brûlée Rians dans les magasins de la chaîne américaine de distribution grossiste Costco à Thanksgiving et Noël.

La recette a également été adaptée au goût des consommateurs. « Notre crème brûlée pour les États-Unis est moins riche », précise le directeur Export. Et les marquants de vanille, pour lesquels Rians a déposé un brevet afin qu’ils ne retombent pas et restent en apesanteur sur la crème, ont été enlevés de la recette originale.

Quel changement ! Il y a 11 ans, lorsque Christophe Février est arrivé dans l’entreprise basée au cœur du Berry, dans le Cher, célèbre pour sa faisselle et ses fromages blancs, l’innovation n’était pensée que pour la France. Les produits destinés au marché français partaient aussi à l’étranger, mais aucune étude de marché sur les habitudes alimentaires des consommateurs à l’étranger n’était réalisée. « La gastronomie française ayant une renommée internationale, on pensait que cela pourrait suffire à justifier le lancement d’un produit sur un marché », raconte Christophe Février. Il y a eu des échecs et des succès aussi.

« Aujourd’hui, précise-t-il, ça a changé, on a des gammes spécifiques pour l’export qui n’existent pas en France » et l’entreprise familiale présidée par Hugues Triballat livre sur tous les continents dans une soixantaine de nations, parfois des pays lointains comme l’Australie ou le Japon.

 

Naturex   
Un spécialiste des ingrédients au fort parfum de naturalité

« Naturex est un pionnier du naturel », affirme d’emblée Éric Villain, Senior Vice President (SVP) Marketing and Business Development du groupe Naturex, un spécialiste de l’extraction, la purification et la formulation d’ingrédients naturels servant de base notamment à la fabrication d’aliments plus sains et plus sûrs. « C’est dans notre ADN ! », assure le dirigeant du groupe né en 1992 à Avignon dans le Vaucluse, réalisant aujourd’hui 51 % de ses ventes dans la zone « Amériques », 37 % dans la région Europe-Afrique et 12 % en Asie-Océanie.

Naturex surfe sur la tendance mondiale qui porte les industries agroalimentaires vers le naturel. « Notre mission est d’offrir des solutions pour accompagner nos clients dans cette transition de produits hier synthétiques vers des produits, demain, naturels », explique encore Éric Villain. C’est, selon lui, un mouvement global engagé sur tous les continents. « Il est universel. En Europe, ça a commencé il y a longtemps. En revanche, aux États-Unis le changement s’effectue maintenant. En Asie et en Amérique latine, ça commence ».
« Nos clients, complète-t-il, sont demandeurs de ‘clean labels’, c’est-à-dire d’étiquettes sans ingrédients artificiels ». Ce qui importe, c’est de démontrer les avantages de l’innovation. Ainsi, les utilisateurs de l’extrait de romarin sauvage de Naturex sourcé au Maroc ont pu constater que cet ingrédient augmente la durée de vie des produits de charcuterie.

L’importance des origines explique le réseau étendu de ce groupe qui pesait 400 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015. Outre huit bureaux d’achats (Côte d’Ivoire, Inde, Chine, États-Unis et en Europe), qui sourcent les matières premières végétales, le spécialiste français dispose également de 15 sites de production dans le monde, en l’occurrence au Chili, au Brésil, aux États-Unis, en Inde et en Europe.

Venice Affre et François Pargny

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