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Dossier agroalimentaire 2016 : entretien avec Xavier Terlet, président de XTC world innovation

Société de veille et conseil en développement de nouveaux produits, XTC a créé l’espace Sial Innovation du Salon international de l’alimentation en 1996. Cette année 600 produits sur les 2 500 présentés sont sélectionnés. Le fondateur, Xavier Terlet, s’est entouré d’une équipe de 20 experts, permanents à Paris. Dans le monde, son entreprise opère avec des enquêteurs dans quelque 30 pays et des partenaires commerciaux couvrant trois régions du globe : Asie à partir de Shanghai, Amérique du Nord à partir de Toronto et Amérique latine à partir de Mexico.

 

Le Moci. En période de crise économique, quel est l’impact sur l’innovation alimentaire ?

Xavier Terlet. Incontestablement, la crise économique a eu un impact sur l’innovation, mais c’est derrière nous. Avec la crise des banques vers 2009, du jour au lendemain des projets d’innovation ont été arrêtés. Le manque de vraies innovations a été particulièrement sensible dans les années 2011-2012, mais, comme les industriels et les distributeurs perdaient des parts de marché, ils ont dû réagir. Les industriels sont revenus à des stratégies d’innovation, tout comme les distributeurs ont cherché à offrir une nouvelle valeur ajoutée avec leurs marques propres. Aujourd’hui, ce sont 3 000 nouveaux concepts de produits qui apparaissent tous les ans en France, ce qui fait de notre pays un des plus innovants au monde avec les États-Unis et la Chine. Il y a chez nous une vraie diversité de l’offre sur l’ensemble du territoire, des institutions de soutien à l’innovation, – quoique trop centrées sur la R & D et pas assez sur le marketing –, une culture gastronomique qui fait de l’Hexagone une terre d’excellence et de création qui nous pousse à l’audace, à la modernité. Preuve en est la foodtech. De plus en plus de patrons ne venant pas de l’agroalimentaire s’y investissent aujourd’hui et y innovent. Enfin rappelons encore le rôle de la distribution, très puissante en France et au niveau international, assez active ne serait-ce que parce qu’elle a besoin de se démarquer en travaillant avec des TPE-PME.

 

Le Moci. Toutes les enquêtes montrent que les ménages sont plus attentifs à leurs dépenses. Consomment-ils moins ou différemment ?

X.T. Ils consomment différemment. En France, il y a un phénomène d’arbitrage. Le panier moyen d’un ménage dans un supermarché est de l’ordre de 25 à 28 euros, c’est peu. Mais, pour autant, le petit luxe, la petite bulle de bonheur, ne sont pas abandonnés. Ce moment de plaisir indispensable, on le retrouve logiquement dans les nations de culture gastronomique en Europe du Sud. On retrouve cela également en Chine. Pour leurs enfants en particulier, les Chinois savent dépenser. Les Japonais également, ce qui ne peut étonner quand on voit des jeunes filles de 20 ans achetant cher des produits alimentaires pour leur peau et l’éclat de leurs yeux. L’acheteur ne veut pas forcément le moins cher, il arbitre selon ses besoins, selon ses envies. Il est capable d’acheter certains produits plus chers parce qu’il y trouvera un bénéfice et achètera le produit basique dans un autre rayon. Le hard discount a baissé en France. C’était une mauvaise réponse à un vrai besoin de ne pas trop dépenser. À ce titre, les Français sont très anti-gaspi et un produit gaspillé, même le moins cher, sera toujours trop cher. C’est une question économique pour eux, et pas écologique, ils veulent par exemple la bonne dose.

 

Le Moci. Comment réagit la distribution ?
X.T. La distribution, habituée aux volumes, s’adapte encore difficilement, tout comme au souhait des consommateurs de réduction des suremballages. Si en France, mais pas seulement, la cuisine à la maison s’est développée, c’est parce que, au-delà du plaisir qu’on y prend, çà apporte de la sécurité alimentaire et que c’est plus économique. En Asie du Sud-est, la proportion de la population qui concocte ce qu’il mange est très importante. L’appropriation du Web y est plus forte que chez nous. Mais dans cinq ans, la génération Y des moins de 30 ans représentera la moitié des actifs en France. Cette génération, née avec le Web et le numérique, aura des exigences de praticité, d’immédiateté, de citoyenneté, des comportements nouveaux que l’on n’anticipe pas assez. Ce sera tout, tout de suite et quand j’en ai envie, je commande et j’ai. Le bien-être animal ne sera plus une préférence, mais une exigence par exemple. Cette génération, c’est la moitié des clients à court terme… Une révolution est en marche et les industriels de l’alimentaire en France n’ont pas pris la mesure des changements à venir.

 

Le Moci. Est-ce que la France contribue à l’envol des grandes tendances de consommation dans le monde ?
X.T. Oui, la France a ainsi été moteur pour la naturalité par exemple. Elle a résisté à la mode des alicaments, qui voudrait qu’on se soigne par l’alimentation. Non, on se fait plaisir. Et la santé n’est qu’une garantie au service du plaisir que l’on prend. C’est notamment vrai pour le bio. C’est d’abord le plaisir, la santé, et l’environnement après. Les Français et les Chinois sont les plus sensibles au bio. Le prix plus élevé a longtemps été une barrière, mais ce frein tend à disparaître.

 

Le Moci. Est-ce que les exposants du Sial Paris ou ailleurs dans le monde avant d’y participer ont pensé à l’adaptation de leurs produits aux marchés internationaux ?

X.T. Pas assez. Leur grand tort est de ne proposer que ce qu’ils font et non pas ce qu’ils sont capables de faire pour le marché ciblé. C’est un problème de marketing. On est très fort en développement, avec les pôles de compétitivité ou le réseau des instituts techniques agroalimentaires (Actia). Les soutiens sont inégalés dans le monde, mais le marketing de l’export est négligé en France. En visitant de nombreux salons internationaux, je me rends compte que le service, de façon générale, est négligé sur les stands tricolores et les Pavillons France. On n’adapte pas son produit, ses tarifs à sa cible, on participe sans importateur… Du coup, un organisme régional vous finance la moitié de votre participation, vous passez trois jours à Shanghai pour rentrer bredouille… c’est dommage.

Propos recueillis par François Pargny

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