Le e-commerce transfrontière (cross border dans le jargon) a pu donner l’illusion d’éliminer les frontières pour un commerce sans entrave. La réalité est un peu plus complexe. Même dans l’Union européenne, les aspects réglementaires ou fiscaux (TVA…) ne sont pas à négliger et devraient être pris en compte avec soin par les e-exportateurs. L’enjeu ? Garder la maîtrise de son prix de vente au consommateur final.
Alban Gruson, fondateur et dirigeant de Conex, un prestataire de services spécialisé dans les logiciels pour le traitement & la transmission électronique des déclarations douanières, explique la problématique de façon lumineuse : « l’important, pour nos PME, ce n’est pas la plateforme, c’est où elles vendent, en Union européenne ou hors Union européenne, exposait-il dans un entretien au Moci le 5 avril, dans l’enceinte du salon SITL. Dans l’UE, les choses sont réglementées et transparentes, on sait où on va : il y a des plateformes, il y a des numéro IOSS, tout ce qu’il faut d’un point de vue fiscal pour que cela fonctionne bien. A partir du moment où elle sort de l’UE, la réglementation devient celle du pays de destination ».
La prise en compte des droits de douane et autres taxes applicables dans le pays de destination n’est donc pas un élément à prendre à la légère par l’e-exportateur, même si les places de marchés en ligne proposent aujourd’hui de le calculer pour lui. Il va en effet déterminer son prix de vente au consommateur final, un élément stratégique.
Or, « ce ne sont pas des mécanismes simples lorsque vous avez des dizaines de références » observait Thierry Grumeaux, responsable transport et logistique de GS1 France, lors d’une conférence dans le cadre de la SITL le 5 avril.
Garder la maîtrise de son prix de vente à destination
Mais le vendeur doit, dans tous les cas, garder la maîtrise de son prix de vente dans le pays de destination.
Alban Gruson poursuit sa démonstration : « s’il vend un produit à un acheteur chinois, il faut qu’il sache à quel niveau le produit va être taxé en Chine et quelle réglementation particulière éventuelle pourrait s’appliquer ; quand il va constituer son prix de vente, il doit tenir compte de ça. Sinon que risque t-il de se passer ? A l’arrivée un transitaire va faire les opérations douanières, il va faire sa facture et il va la donner au destinataire : si le prix est plus élevé, celui-ci peut contester en disant qu’il a acheté le produit sur un site à tel prix et qu’il veut la marchandise à ce prix. Et c’est autant de cas de retours quand c’est possible ».
La gestion des retours peut d’ailleurs être un nouveau casse-tête lorsque ces derniers doivent retraverser la frontière : « en Allemagne, les taux de retour peuvent atteindre 40 % mais ça va, c’est l’Union européenne, pas de droits de douane ; c’est plus compliqué en cross border : comment faire pour récupérer mes droits de douane » s’interrogeait à cet égard Jérôme Lagree, Category Manager Opérations chez LVMH lors de la table ronde déjà citée. « Ces aspects doivent faire l’objet d’une réflexion de bout en bout au sein de l’entreprises ».
Les connaisseurs savent que pour obtenir le classement tarifaire de son produit dans la plupart des pays, il faut son code SH, du nom de la nomenclature douanière universelle.
Lorsqu’il est immatriculé dans l’Union européenne, il peut même bénéficier de préférences commerciales dans les pays avec lesquels celle-ci a signé des accords de libre-échange, à condition de remplir quelques formalités (certificat d’origine, statut d’exportateur enregistré, etc.) pour lesquelles il peut se faire conseiller et accompagner*.
Christine Gilguy
Focus
Comment ça marche dans l’UE ?Fini les franchise de douane pour les colis de faible valeur venu de l’Union européenne ou de pays tiers : depuis le 1er juillet 2021, la TVA doit être payé au 1er euro dans le pays de consommation, et les plateformes de e-commerce sont responsables. Cette réforme importante menée au niveau de l’Union européenne s’est accompagnée de la mise en place d’un guichet unique de TVA à l’importation, OSS-IOSS (pour « One-Stop-Shop – Import One-Stop-Shop ») qui permet de centraliser ses versements auprès d’une seule administration nationale.
Deux cas de figure :
–A l’importation. L’entreprise qui importe doit donc avoir un numéro fiscal IOSS qui le rattache à un Etat membre : elle pourra s’acquitter de ses devoirs fiscaux à ce seul État membre quels que soient les points de destination finaux des marchandises. Si elle n’a pas de numéro IOSS, elle devra payez la TVA dans l’Etat membre de destination, ce qui signifie qu’une fois qu’elle aura effectué son opération douanière, elle devra réexpédier sous transit la marchandise à destination pour prendre en compte l’aspect fiscal.
Il faut un numéro d’identification EORI, qui est une identification douanière européenne, pour avoir un IOSS, qui est une donnée fiscale.
–A l’exportation, les chose se compliquent : pour chaque pays tiers de destination, une règlementation propre. Il faut donc calculer son prix de vente en fonction des destination possibles. Et quand le client vient sur votre site, l’outil doit permettre d’identifier sa destination et en tenir compte dans le prix de vente. Une autre solution : établir un prix de vente international d’équilibre qui vaudra pour tous les pays.
*Contacts utiles
-Les cellules-conseils aux entreprises de la Douane française pour une première approche : cliquez ICI
-Le site portail européen Access2Market, qui communique de nombreuses informations sur les préférences commerciales et permet de trouver le code SH de son produit : cliquez ICI