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Dossier Liban 2016 : une économie qui doit s’ajuster à la crise syrienne

La fin de la guerre en Syrie est un préalable pour que le pays du cèdre puisse retrouver sa prospérité. Les bailleurs de fonds internationaux et bilatéraux, comme la France, jouent un rôle crucial pour soutenir une économie en souffrance, confrontée à l’afflux de réfugiés syriens.

 

La France en première ligne. Lors de son passage à Beyrouth, le 18 avril, dans le cadre d’une tournée au Moyen-Orient, le président Hollande a chargé Jean-Marc Ayrault, le ministre des Affaires étrangères et du développement international (Maedi), de réunir un « groupe international de soutien au Liban pour fédérer tous les dons ». Joignant le geste à la parole, le chef de l’État a annoncé que la France allait verser 100 millions d’euros dans les trois prochaines années pour aider le pays du cèdre, qui a reçu plus d’un million de réfugiés syriens, soit l’équivalent d’un tiers de sa population.

Les événements en Syrie sont la principale cause des mauvaises performances économiques de 2015. Selon Annalisa Fedelino, la chef de mission du Fonds monétaire international (FMI) pour le Liban, qui s’exprimait sur le blog du FMI le 10 mars, « tant que la crise syrienne ne sera pas résolue, les chances d’une relance durable au Liban sont limitées et la confiance des consommateurs et des investisseurs restera hésitante ». L’économiste, qui prévoyait alors une mission du FMI au Liban en mai, remarquait ainsi que la croissance du produit intérieur brut (PIB) s’était effondrée en passant de 5 % pendant la période 2008-2010 à environ 1 % en 2015, en raison de l’écroulement des secteurs phares de l’économie (immobilier, bâtiment, tourisme).

Pour la Banque mondiale, cette croissance était légèrement supérieure, de 1,5 % exactement. D’après un rapport publié en janvier par cette institution, qui s’inquiète de la corruption de la classe politique et du blocage des institutions (pas de président depuis mai 2014 et d’élections législatives depuis 2009), la croissance du PIB a été amputée de 2,9 % par la guerre en Syrie. « La montée de l’insécurité s’est traduite par le repli des investissements étrangers et nationaux », souligne encore la Banque mondiale, qui table, néanmoins, sur une légère reprise de l’économie en 2016 (+ 1,8 %) et 2017 (+ 2,3 %).

Pour ne rien arranger, l’Arabie Saoudite sunnite s’en est pris au Liban, lui reprochant le soutien du Hezbollah au régime syrien de Bachar-el-Assad, allié de l’Iran chiite. Selon la banque d’investissement américaine Merrill Lynch, la décision de Ryad de suspendre son aide de quatre milliards de dollars aux forces spéciales libanaises, dont trois milliards pour un méga-contrat à la France, reste « relativement symbolique » et ne devrait pas entraîner « d’instabilité financière ».

Pour la France, un moment inquiète, la voilà rassurée, puisque l’Arabie Saoudite tiendra vis-à-vis d’elle ses engagements en devenant le client final. L’affaire en question concerne à la fois des équipements terre, mer et air. Déjà l’an dernier, 48 missiles antichars Milan ont été livrés au Liban. L’armement est un secteur dans lequel l’Hexagone est tout feu, tout flamme. Mais ce n’est pas le seul. Dans les biens de consommation, le Made in France est particulièrement apprécié. « Tout en étant un pays de grand export, le Liban nous est un marché de proximité. D’abord, par ses modes de consommation qui ressemblent à ceux des Européens. Ensuite, par un penchant naturel pour le Made in France », confirme Henri Castorès, conseiller commercial et directeur de Business France Liban, selon lequel Beyrouth est devenu « une vitrine  du luxe et du savoir-faire français ». L’Hexagone est aussi représenté dans les services. Par exemple, le transporteur maritime CMA CGM vient de conforter la place de numéro un au Liban tant à l’export qu’à l’import, en choisissant Beyrouth comme escale pour son nouveau service Wemed dédié aux échanges dans la Méditerranée.

D’après les Douanes françaises, les exportations de biens de l’Hexagone ont perdu environ 10,5 % en 2015, tombant ainsi sous la barre du milliard d’euros (997,66 millions exactement), mais cette baisse est liée à la chute de plus 35,6 % du premier poste d’exportation, les combustibles et produits raffinés (plus de 28 % du total), dont l’évolution varie en fonction de l’activité du géant Total. À l’inverse, les livraisons de machines-chaudières et produits mécaniques ont quasi-doublé (+ 93 %), ce poste dépassant ainsi la pharmacie, les parfums et cosmétiques et le matériel électrique, pourtant, tous en hausse également. « 93 % des exportateurs français au Liban sont des PME », se félicite Henri Castorès. Les expéditions tricolores de vêtements ont aussi augmenté de 13,7 % en 2015 et les animaux vivants de près de 65,7 %, d’après la base de données GTA (groupe IHS).

« Au total, la France se situe toujours dans le Top 5 des fournisseurs du Liban, entre la deuxième et la cinquième place selon les années, souvent au coude à coude ou après l’Italie, son principal concurrent dans l’agroalimentaire et la construction », précise le directeur de Business France Liban. Ainsi, en 2015, d’après les Douanes libanaises, sur un total d’importations supérieur à 18 milliards de dollars, les cinq premiers fournisseurs étaient la Chine, avec 2,07 milliards, et dans un mouchoir de poche l’Italie, avec 1,28 milliard, l’Allemagne, avec 1,22 milliard, la France, avec 1,08 milliard, et les États-Unis, avec 1,02 milliard.

La France est encore très active en matière de coopération. Depuis ses débuts en 1999, l’Agence française développement (AFD) annonce avoir signé 27 accords de financement pour un montant cumulé de 1,033 milliard d’euros, dont 283 millions dans des projets, auxquels s’ajoutent 60 millions par Proparco, sa filiale dédiée au secteur privé. Trois gros secteurs concentrent ces fonds : eau-assainissement, secteur productif, développement urbain. À titre d’exemple, en 2015, une convention de 30 millions, dans le cadre d’un programme international de 150 millions, pour promouvoir les investissements des entreprises dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables ; et, cette année, un projet d’appui de coopératives agricoles, appelé Daman, dans le sud du pays, avec divers volets (formation, modernisation de l’outil de production, etc.).

Compte tenu des événements régionaux, les bailleurs de fonds sont très attentifs à l’évolution du Liban. Le 25 mars dernier, le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a annoncé l’octroi d’une enveloppe de 100 millions de dollars pour aider le pays du cèdre à « améliorer la qualité du système éducatif et à scolariser la totalité des enfants libanais et réfugiés syriens d’ici la fin de l’année scolaire 2016-17 ».

À l’instar des autres bailleurs de fonds, comme l’AFD, la Banque mondiale met de plus en plus l’accent sur la paix et la stabilité au Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena). Ce qui l’a amenée, notamment, à nouer un partenariat avec les Nations Unies et la Banque islamique de développement (Bid) afin de mobiliser l’ensemble de la communauté internationale autour d’initiatives conjointes. En février dernier, cette institution a annoncé sa volonté de tripler ses investissements dans la région par rapport aux cinq années passées, les divers programmes dans la région Mena devant ainsi recevoir près de 20 milliards de dollars pendant les cinq ans à venir. D’autres fonds sont prévus, notamment des dons ou des programmes pour la formation et l’accès à l’emploi en Jordanie et au Liban.

Les volets sociaux sont importants, mais les infrastructures aussi. Comme le rappelait dans le blog du FMI Annalisa Fedelino, l’investissement public au Liban est particulièrement faible, représentant 1,5 % du PIB. Les bailleurs jouent donc un rôle considérable. La Banque mondiale a financé des routes, des systèmes d’éclairage dans les rues. Dans la Bekaa, plus de 134 kilomètres de système d’eau ont été installés et 194 kilomètres rénovés, ce qui était indispensable en raison de l’afflux de réfugiés syriens dans la région. La chef de la mission du FMI au Liban estime aujourd’hui que le secteur privé doit monter en puissance dans la construction d’infrastructures, car celles-ci sont « déficientes ». Pour cela, encore faudrait-il que le Parlement accepte de voter quelques lois, comme la loi-cadre sur les partenariats privé-public, en souffrance depuis plusieurs années. La responsable italienne du Fonds monétaire international estime que « quelques changements concrets d’orientation pourraient suffire à changer considérablement la donne ». Un message qu’elle passera certainement à l’occasion de la mission prévue courant mai.

François Pargny

Chiffres clés

Superficie : 10 452 km2
Population : 6,185 millions d’habitants en 2015
Croissance économique (*) : 1 % en 2015
Dette publique (**) : 70,3 milliards de  dollars en 2015 (36 % du PIB)
Inflation (***) : + 0,3% en février 2016
Chômage (****) : 25 % en 2014
Importations (*****) : 18,1 milliards de dollars en 2015
Exportations (*****) : 3 milliards de dollars en 2015

Sources : (*) A. Fedelino, chef de mission du FMI, (**) ministère des Finances, (***) Administration centrale des statistiques (ACS), (****) Banque Mondiale, (*****) Douanes libanaises.

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