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Gabon : émirat à l’épreuve de la chute des cours de l’or noir

Plus que jamais le Gabon va devoir compter sur les investisseurs étrangers et les bailleurs de fonds internationaux. En cause, la baisse des prix du pétrole, alors même que la production stagne. Certains projets, néanmoins, avancent dans les télécommunications, le transport ferroviaire ou le ciment.

 

Le Gabon au ralenti et qui bouge. Pour aussi paradoxal que puisse paraître ce jugement, il reflète, pourtant, la difficile équation à laquelle est confrontée la patrie d’Ali Bongo, le président de la République ayant promis à ses concitoyens que le Gabon parviendrait à l’émergence d’ici 2025. Jusqu’à présent, on pouvait penser que bon an mal an, l’investissement allait gagner du terrain sous l’impulsion conjointe de l’État, des investisseurs, locaux et étrangers, et des établissements de financement internationaux.

Mais voilà que la chute des cours de l’or noir a mis à mal les finances de l’Émirat africain. Ce qui se traduit par une réduction du budget public d’investissement, laissant comme seules perspectives des opérations en PPP (partenariat public-privé) et sur fonds multilatéraux. Mais là encore, Libreville doit trouver un accord avec les bailleurs de fonds internationaux. « Or, si des projets sont bien identifiés, explique un économiste, l’État doit quand même contribuer en apportant une part de l’argent, ce qu’il ne semble pas être capable de réaliser à l’heure actuelle ». Et cette situation, selon lui, « peut durer longtemps ». Ce qui inquiète des investisseurs, déjà passablement agacés, ces derniers mois, par les grèves à répétition chez les enseignants, le personnel hospitalier ou encore Gabon Telecom, l’opérateur historique privatisé en 2007 au profit de Maroc Telecom, auquel les syndicats réclamaient le versement de primes et l’amélioration des conditions salariales.

De son côté, pour expliquer les interruptions du service Internet depuis le début de l’année, le gouvernement évoque des sabotages sur le câble sous-marin à fibres optiques Sat 3 de Gabon Telecom. C’est pourquoi le lancement des travaux de réalisation de la dorsale numérique (backbone national) est une très bonne nouvelle. Le projet s’inscrit dans le cadre de l’initiative Central African Backbone (CAB) de la Banque mondiale, dont l’objectif est d’assurer le déploiement d’un réseau haut débit interconnecté dans cette partie du continent.

Depuis 2012, Libreville recevait le câble ACE, réputé plus puissant que le Sat 3, mais faute d’un opérateur d’opérateurs désigné, c’est-à-dire une société privée indépendante de l’État pour gérer le péage et les flux, le câble ACE n’était pas connecté. Mi-avril, le gouvernement a enfin choisi Axione, une filiale de Bouygues Energie & Service, pour assurer l’exploitation, la maintenance et la commercialisation des deux réseaux de fibre optique, terrestre et sous-marin, du Gabon. Et, en particulier, note Dominique Grancher, chef des Services économiques à Libreville, « il est prévu que la fibre optique terrestre emprunte l’emprise ferroviaire du Transgabonais entre Libreville et Franceville, au sud-est, puis s’étire de Franceville à Lekoko jusqu’à la frontière congolaise, la pose du câble étant confiée à la compagnie China Communications Service International ».

Autre bonne nouvelle, alors qu’en juin 2013, dans la commune d’Owendo, le groupe marocain Ciments d’Afrique (Cimaf) avait posé la première pierre d’une usine de broyage de clinker de sa filiale Ciments du Gabon (CimGabon), près de deux ans après, il vient d’annoncer son intention de recapitaliser CimGabon. Parallèlement, Cimaf a indiqué sa volonté de porter la production de 400 000 tonnes par an à plus de 900 000 tonnes. C’est à l’ensemblier français Polysius, filiale du groupe allemand Thyssen, qu’a été confiée la réalisation clé en main des études, de la fourniture des équipements et le montage de toute la partie industrielle de l’usine.

À côté d’un Gabon au ralenti, il y a donc un Gabon qui bouge, comme le montre également les améliorations apportées dans le fonctionnement (procédures simplifiées) et les infrastructures (acquisition de grues mobiles) du port d’Owendo, construit à 15 kilomètres de la capitale. Comme l’ouvrage est saturé et ses coûts sont élevés, un deuxième quai doit être construit, peut-être avec l’aide de la Banque de développement des États d’Afrique centrale (BDEAC), mais Olam pourrait aussi l’autofinancer. Un troisième terminal servirait aussi à Olam et divers industriels (Cimaf…). Au total, d’après nos sources, on parle d’un investissement de 560 millions de dollars.

Dans le domaine routier, l’échangeur PK5-¨PK12 à la sortie de Libreville est en cours de finalisation. Dans l’hydraulique, l’État a mis fin à son contrat avec Coder (Compagnie de développement des énergies renouvelables), société chargée de la construction des barrages sur l’Okano et la Ngounié, pour relancer des appels d’offres pour deux barrages au fil de l’eau, le FE2 et des Chutes de l’Impératrice. Pour limiter son exposition financière, Libreville a décidé d’ouvrir les nouvelles offres en PPP.

Le ministre de l’Economie Régis Immongault s’est fixé comme objectif de stabiliser l’économie, « ce qui est rassurant pour les investisseurs, les banquiers et les bailleurs de fonds », se félicite Dominique Grancher. D’ailleurs, ses dernières décisions seraient conformes aux préconisations du Fonds monétaire international (FMI). Les subventions sur les produits pétroliers auraient baissé, offrant au ministre du budget une économie de 7 à 8 % en 2014. En outre, comme le dernier budget a été calculé sur la base d’un baril d’or noir à 40 dollars, la remontée des cours à 60 dollars apporte une bouffée d’oxygène supplémentaire au grand argentier.

Cette autre bonne nouvelle ne lève, pour autant, pas l’hypothèque planant sur la production de pétrole et de gaz. « Après avoir atteint un pic en 1997, la production d’hydrocarbures au Gabon, de l’ordre de 230 000 barils par jour (b/j) actuellement, décroît inexorablement (12,1 millions de tonnes en 2011, 11 millions en 2014) et, selon les prévisions des compagnies pétrolières, devrait chuter à 100 000 b/j en 2024 si aucune découverte majeure n’était réalisée entre-temps », rapporte le Service économique (SE) à Libreville. En outre, des majors, comme Shell et Total, n’ont voulu prendre le risque de s’engager dans le deep offshore.

L’italien Eni aurait, toutefois, découvert du gaz naturel en eau peu profonde au large de Libreville, ce qui pourrait favoriser la production d’électricité et la diversification industrielle. Les groupes Olam et OCP projetteraient de créer une usine d’engrais, la première dans la zone économique spéciale (ZES) de Mandji (Port Gentil) et l’autre dans la ZES de N’kok (Libreville). Total, dont la production aurait légèrement augmenté à 53 200 b/j l’an passé, aurait réduit ses investissements de 32 % à 649 millions de dollars. Cependant, le groupe français effectue à l’heure actuelle des études sismiques dans le champ offshore de Diaba, où certains puits ont été forés en 2013. En septembre dernier, le français CGG a également signé avec le ministère du pétrole et des hydrocarbures du Gabon un accord d’exclusivité multi-clients de sondage dans une zone offshore ultra-profonde. De façon générale, les parapétroliers souffrent à l’heure actuelle. À l’instar de Total, c’est l’ensemble des compagnies pétrolières qui freinent le rythme de leurs investissements. En moyenne cette année, ces injections de fonds reculeraient de 20 %.

La production de manganèse a aussi baissé en 2014 de 10 %, chutant ainsi à 3,7 millions de tonnes et l’objectif annoncé est de remonter à 4,7 millions cette année. La Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), deuxième producteur mondial de manganèse à haute teneur et propriétaire de la Société d’exploitation du Transgabonais (Setrag), a annoncé son intention d’engager 200 millions d’euros dans la réhabilitation des voies de la Setrag avec les bailleurs de fonds, notamment la Société financière internationale (SFI). Proparco probablement et l’Agence française de développement (AFD) devraient faire partie du tour de table. L’intérêt est double : tripler les flux ferroviaires et faciliter les exportations de manganèse des entreprises chinoises et indiennes.

François Pargny

Eramet inaugure le Complexe métallurgique de Moanda

Le 15 juin, le champion français des métaux d’alliage et des aciers spéciaux à haute performance Eramet a inauguré à Moanda un complexe métallurgique, comprenant une unité de production de manganèse métal de 20 000 tonnes par an (t/an) et une usine silico-manganèse de 65 000 t/an, représentant un investissement global de 240 millions d’euros. Selon son président-directeur général, Patrick Buffet, le projet n’aurait pas été possible sans la réalisation du barrage hydroélectrique du Grand Poubara. Il génère 432 emplois directs et devrait apporter aussi de l’activité pour de nouveaux sous-traitants. Une école des mines et de la métallurgie, à vocation régionale, devrait également ouvrir ses portes l’an prochain.

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