L’événement phare sur l’entrepreneuriat et l’innovation de Bpifrance, BIG (BPI Inno Génération) fêtait cette année sa neuvième édition, avec pour thème « fierté ». Ce 5 octobre, à l’Accor Arena de Paris, les thèmes de l’internationalisation et des opportunités à l’export ont occupé une place de choix, signe que ce ne sont plus des préoccupations secondaires ni des dirigeants d’entreprises, ni des politiques publiques, et qu’elles s’imposent comme des leviers de croissance comme les autres.
Dans cette gigantesque Arena parisienne transformée en ruche durant une journée la première semaine d’octobre, se côtoient dirigeants d’entreprises, créateurs de startups, porteurs de projets innovants, financeurs, consultants, tous participants de près ou de loin à ces écosystèmes créés au fil des années autour des « communautés » French Tech, French Fab et French Touch, et leurs logos en forme de coq. Les entrepreneurs français y sont venus, chaque année, de plus nombreux, autour de 70 000 inscrits cette année, en présentiels ou à distance.
« Nous avons créé un écosystème de malade » s’est enthousiasmé le 5 octobre Xavier Niel, entrepreneur multirécidiviste fondateur de Free et de l’incubateur géant Station F, parmi d’autres, un habitué de cet événement. Il intervenait après le coup d’envoi donné sur la scène du « Bang » – réservée aux pitch de personnalités qui se succèdent toute la journée- par Nicolas Dufourcq, le directeur général de Bpifrance. Ce dernier venait d’expliquer le choix du thème « fierté » pour cette 9ème édition (après «métamorphose» l’an passé), expliquant qu’il s’agissait non seulement de saluer le chemin accompli, 10 ans après la création de Bpifrance, mais aussi ce sentiment qui donne, selon lui, «l’élan vital» nécessaire pour entreprendre et réussir, et doit être toujours « collectif ».
C’est donc, à travers BIG, l’entreprise, l’industrie, la créativité, l’innovation qui ont été réhabilités en dix ans, la fameuse « politique de l’offre » voulue par le président Emmanuel Macron. Ce dernier s’est montré déterminé, dans un message vidéo diffusé à l’ouverture, « à continuer à porter haut et fort » cette stratégie. Il est vrai que malgré les accès de mécontentement social, elle commence à porter des fruits : ce sont les centaines de startups qui ont émergé, parmi lesquelles 30 licornes, des usines qui se remontent sur le territoire français dans les domaines de l’industrie du futur, mais aussi ces « plus de 145 000 entreprises qui exportent », un record à souligné le président français.
L’international s’installe, les mentalités changent
Le fait est qu’au-delà de l’entrepreneuriat et de l’innovation, c’est aussi l’international qui s’est désormais bien installé dans cet événement BIG, irrigant une part importante des programmes, alors que Bpifrance est devenue, à partir de 2017, une véritable banque publique du soutien à l’export. Un signe que les mentalités changent, que l’internationalisation se banalise aussi, en tant que levier de croissance des entreprises, aux côté de l’innovation ou du capital investissement.
Ce sont les « campus » géographiques où se succèdent les ateliers pays ou zones, l’Agora internationale où l’on explique les dispositifs publics d’aide à l’export et les bonnes pratiques en matière d’internationalisation, l’espace de rencontres BtoB avec les acteurs de la Team France Export et ses partenaires, les focus marchés comme cette année autour de l’Afrique et de ses entrepreneurs de la tech …
A tel point que parmi les ministres qui ne manquent pas une édition (Economie et finance, Industrie, PME, Numérique) celui du Commerce extérieur est devenu un habitué.
Financement de l’export : un continuum qui gagne à être mieux connu
Il manquait de places assises ce matin du 5 octobre pour accueillir tous les inscrits à l’atelier sur les financements export de Bpifrance, sur l’espace Agora Internationale. Un signe que malgré les efforts faits ces dernières années pour faire mieux connaître ces outils aux dirigeants de startups, TPE, PME et autres ETI, il reste encore beaucoup à faire.
Parmi les outils présentés : le prêt croissance international (PCI) sans garantie ni affectation mais toujours en cofinancement avec les banques, pour financer les dépenses immatérielles d’un projet d’internationalisation, autrement dit le BFR ; la Garantie de projet international, qui peut se cumuler avec le PCI, qui protège contre le risque économique, et peut couvrir à hauteur de 50 % un investissement dans une filiale à l’étranger (pour une prime annuelle de 0,5 à 2 % du montant) ; et enfin les crédit export directs, qui permettent de financer le client d’un exportateur français jusqu’à 85 % du montant de son achat, à condition que le produit ait un minimum de 20 % de fabrication françaises… Il a permis par exemple à un industriel grenoblois de vendre à une société de leasing ouzbèque une ligne de production de textile non tissé… Parmi les nouveautés, un dispositif de financement de projets internationaux, pour soutenir les développeurs de projets de production et d’infrastructures d’énergie renouvelable. « Quatre projets ont été signés, dont un en Espagne ».
D’autre outils du catalogue « export » de Bpifrance, ainsi que les services de conseils et d’accompagnement Team France Export, ont été mentionnés dans un autre atelier consacré, lui, aux opportunités pour l’industrie de défense, en particulier les PME de ce secteur, qui bénéficient d’un programme d’action de la Direction générale de l’armement (DGA). L’assurance prospection, qui réduit les risques financiers ; la garantie de change, qui fournit des solutions contre le risque de change en complément des banques, par exemple, à cette PME lyonnaise qui a pu ainsi accepter un contrat en monnaie locale au Botswana ; la garantie de caution, qui permet de faciliter l’obtention des garanties bancaires exigées par les clients étrangers…. « Le monde a changé, a souligné Sylvain Masiero, Director Procurement Global Sustainability chez Thales, faisant allusion au regain de compétition internationale. Ca milite pour la Team France, le chasser en meute ».
C.G
Pas de « label » export,
mais « parler à toutes les entreprises »
Olivier Becht n’a pas manqué le rendez-vous, venu dès l’ouverture, pour petit déjeuner avec des jeunes dirigeants africains du programme Pass Africa, lancer l’Agora internationale, mais aussi saisir l’occasion de promouvoir les mesures du plan « Osez l’export » de 125 millions d’euros qu’il porte avec tous les représentants du dispositif public de la Team France Export et de ses partenaires, et qui vise à atteindre 200 000 exportateurs d’ici 2026.
La veille et l’avant-veille, deux de ces mesures avaient été précisées lors d’un événement Business France, dont le parcours export dédié aux lauréats de France 2030 et les futures Team France filières.
Pourquoi pas un jour « un coq de l’export ? » a lancé Nicolas Dufourcq dans son pitch d’ouverture dans une allusion aux bienfaits des dynamiques créées autour des communautés « French ». Olivier Becht, qui était présent dans le public, n’a pas réagi en direct. Mais il a confié au Moci qu’il n’était pas « pour les labels », estimant au contraire qu’il faut « parler à toutes les entreprises », l’internationalisation, problématique stratégique transverse, étant une nécessité pour toutes.
« Nous n’avons pas le choix, nous devons aller à l’international » a-t-il d’ailleurs insisté sur l’Agora internationale, avec à ses côtés les représentants des principaux acteurs de la TFE, soit Alain Di Crescenzo, président de CCI France, Laurent Saint-Martin, directeur général de Business France et Olivier Vincent, directeur exécutif export de Bpifrance. « On a la chance d’avoir la Team France Export : ce sont des moyens humains et des moyens financiers pour vous aider ». Pour lui, « il n’y a aucune raison pour que la France ne redevienne pas une grande puissance exportatrice », et un jour rééquilibre son commerce extérieur. L’objectif de faire émerger 50 000 exportateurs supplémentaires et de viser les 200 000 est « à sa portée ».
Au vu de l’affluence constatée sur les différents ateliers de l’espace international, aucun doute que le développement sur les marchés étrangers n’est plus considéré comme un levier de croissance secondaire dans l’esprit de bon nombre de dirigeants et porteurs de projets d’entreprises aujourd’hui. C’est au minimum un sujet de leur réflexion stratégique.
Christine Gilguy