Dans le vin, le Covid-19 n’aura pas eu d’effet néfaste sur la consommation. « Elle n’a pas baissé », soulignait Ludovic Prevost, directeur du bureau de Business France à Nairobi (notre photo), lors d’un webinaire de l’agence publique avec Vitisphère sur l’Afrique subsaharienne, le 8 juin.
Une des raisons à sa résilience est la forte communauté internationale sur place, la capitale accueillant le siège régional des Nations Unies et un certain nombre de multinationales rayonnant en Afrique de l’Est.
En outre, le gouvernement n’a pas imposé de confinement, mais un couvre-feu de 19 heures à 5 heures, ainsi que la fermeture de certains comtés (Nairobi, Kilifi, Kwale, Mombasa, Mandera) jusqu’au 6 juin.
J. Smith (Le Décanter) : « nous assistons à un changement de culture »
Si le secteur Horeca (hôtellerie-restauration-café) a, néanmoins, souffert, l’e-commerce a pris le relais dans un pays habitué au paiement mobile, depuis la création en 2007 de M-pesa (M pour mobile et pesa, argent en swahili), un système de micro financement et de transfert d’argent par téléphone mobile.
Avant l’arrivée du Covid-19, la tendance était favorable à la consommation de vin, puisque le marché a grossi de 11,5 % en 2018, approchant les 739 millions d’euros. Principale économique d’Afrique de l’Est, diversifiée et plateforme régionale, le Kenya bénéficie aujourd’hui d’une classe moyenne évaluée entre 5 et 8 millions de foyers avec un revenu supérieur à 1 000 dollars, notamment à Nairobi (4,4 millions d’habitants sur une population totale de 51 millions).
« Nous assistons à un changement de culture », assurait Julie Smith, directrice générale de Le Decanter à Nairobi et conseillère du commerce extérieur (CCE). D’abord, avec l’irruption de la femme sur la planète vin. « La femme s’émancipant et travaillant, expliquait cette Française important des vins au Kenya, elle oriente la consommation vers des vins un peu fruités et sur les effervescents ».
Ensuite, le retour de la diaspora et d’étudiants au pays est positif. Ayant évolué pendant plusieurs années à l’étranger, leur intérêt pour le vin s’est développé, souvent pour le plus haut de gamme, comme le champagne et les bulles en général. De façon générale, représentation sociale et image de prestige du vin français sont traditionnellement associées au Kenya. C’est pourquoi toutes les cartes des restaurants y proposent une section de vins de l’Hexagone.
L’offre française, pas compétitive
Si la France a toutes les cartes en main apparemment pour bénéficier d’un marché émergent, elle est, malheureusement, confrontée à un obstacle majeur, « son manque de compétitivité », pointait Julie Smith. Les prix sont trop élevés, avec des coûts de transport qui sont pas négligeables, car faute ligne directe, les navires doivent aborder via l’Égypte. La concurrence est d’autant plus rude, avec les produits en provenance d’Australie ou du Chili.
Comme la clientèle kényane n’est pas composée de connaisseurs, Julie Smith conseillait plutôt aux exportateurs français de l’orienter vers des identifications géographiques ou des bordeaux d’entrée de gamme.
Pour les crus, c’est à un long travail d’information qu’il faut s’atteler, via l’organisation d’ateliers de dégustation. Un outil de communication particulièrement bien adapté, quand il faut expliquer la différence de prix d’un champagne par rapport à un sparkling ou effervescent que l’on appelle ici « champagne ».
Les Kényans consomment dans la même proportion les deux grandes couleurs, rouge et blanc. Le rosé commence juste à se faire une petite place sur le marché. Là aussi c’est un travail d’éducation qui doit être consenti pour sortir de l’image du rosé de mauvaise qualité qui était autrefois écoulé au Kenya.
La patience est, de toute façon, un maître mot dans ce pays africain anglophone, où la dernière visite d’un président français, Emmanuel Macron, date de mars 2019. Entre une commande et une mise en vente, peuvent s’écouler cinq mois, en raison des nombreuses contraintes règlementaires, liées à l’imposition d’une étiquette, l’adaptation à des normes locales ou encore la réalisation de différents analyses.
Le bio, bien que récent sur le marché, aurait peut-être plus de facilité pour percer que le rosé. Ainsi, le site de commerce électronique Green Spoon, qui offre aux Kényans des produits locaux de qualité (légumes…), constitue une entrée pour les vins bio. A saisir rapidement.
François Pargny