Les fédérations patronales n’ont pas encore publié de position officielle concernant le Plan climat pour les financements export présenté le 12 octobre par le ministère de l’Economie et des finances au Parlement. Il est sans doute encore trop tôt, d’autant plus que certaines mesures vont faire l’objet de discussions pour être votées par les parlementaires dans le cadre de la Loi de finance pour 2021 dans le cadre de discussions budgétaires dominées par le plan de relance.
En attendant, Le Moci a sondé quelques interlocuteurs pour avoir un premier retour. Si le sentiment général est que cela va dans le bon sens, compte tenu des enjeux climatiques actuels, demeurent des interrogations sur le calendrier et les modalités d’application.
Trop vite trop tôt ?
Trop vite trop tôt ?
Concernant l’abandon programmé des soutiens aux projets d’exploitation pétrolière et gazière, échelonné de 2021 à 2035, et la promesse de Bercy d’aller défendre une harmonisation des règles au niveau de l’OCDE, c’est la question qui est posée d’emblée. « N’aurait on pas pu rechercher une position commune au niveau de l’Union européenne, avant même d’aller défendre une harmonisation des règles de l’Arrangement OCDE » interroge Henri d’Ambrières, consultant spécialiste des financements export, actif dans les réflexion du Medef sur ces sujets.
Certes, le nombre d’emplois en jeu en France est peu important, 6000, certes, le nombre d’intervenant du secteur s’est réduit et les encours du portefeuille de Bpifrance assurance export ne sont qu’à 4 % sur le secteur pétrole & gaz, mais pour autant, la France a, selon lui, encore quelques acteurs dynamiques et des solutions d’excellence, notamment dans le gaz. Or, l’on se prive dès à présent d’un moyen de le promouvoir. « N’aurait-il pas été préférable de promouvoir un dispositif qui encourage à produire du pétrole et du gaz de façon plus propre ? » interroge Henri d’Ambrière.
Les critères d’éligibilité
Par ailleurs plutôt favorable à ce « verdissement » des aides, ce consultant espère également de plus amples clarifications sur les critères d’éligibilité aux « bonus » proposés par l’administration aux projets verts. N’y en aura-t-il que pour les secteurs évidents comme les énergies renouvelables ? « Les Industriels qui fournissent des équipements permettant d’améliorer le taux d’émission de CO2 des usines seront-ils éligibles ? » interroge-t-il.
Normalement oui. Bercy a indiqué lors de sa présentation qu’il utiliserait la taxonomie européenne pour examiner les projets et décider s’ils entrent dans la catégorie « durable » ou pas, taxonomie qui sera en vigueur en 2021 mais qui est encore incomplète.
Dans son rapport au Parlement, le ministère précise (p. 83) qu’outre les « projets directement vertueux pour l’environnement » – typiquement les énergies renouvelables-, sont considérés comme « verts » « les projets dans les industries structurellement émettrices de CO2 permettant toutefois une amélioration significative de l’empreinte carbone par rapport aux standards de l’industrie ».
Tout résidera donc dans la manière dont l’administration appliquera cette taxonomie lors de l’examen des projets. Et les industriels ne manqueront pas de demander des clarifications une fois les mesures du plan adoptées.
L’assouplissement des exigences de part française appréciée
Parmi les entreprises qui rentrent directement dans la cible de ce plan, c’est clairement l’assouplissement des règles de part française pour l’obtention des soutiens financiers publics qui est appréciée en premier lieu.
« C’est plutôt une bonne chose de réduire le prérequis en matière de part française de 50 à 35 % pour les prêts directs du Trésor car c’est compliqué d’obtenir un tel taux de part françaises en raison des difficultés à trouver des fournisseurs en France, voire en Europe, sur certains composants », souligne Pierre Vergnes, Responsable Financements Institutionnels & Internationaux chez Fonroche Lighting, une société spécialisée dans la conception et la production de lampadaires solaires pour les collectivités basée à Roquefort, dans le Lot-et-Garonne.
Exemples, les panneaux photovoltaïques, dont la production mondiale est concentrée en Chine, ou encore les cellules de batterie. « Pour atteindre l’efficience et la durée de vie – 10 ans- que nous exigeons de nos batteries, nous sommes obligés de nous approvisionner en Asie », explique Pierre Vergnes. Et dans l’hypothèse où une filière française ou européenne serait encouragée, elle mettrait du temps à se développer.
Même accueil positif pour la réduction de l’exigence de part française de 70 à 60 % pour les prêts concessionnels du Trésor, autre mesure du plan climat : « Atteindre 70 % était infaisable, en revanche, 60 % c’est possible », souligne le responsable. Ces prêts à de meilleures conditions que les prêts directs peuvent faire la différence dans une offre financière accompagnant une offre commerciale, alors que les gouvernements de nombreux pays émergents ou en développement font face à de fortes contraintes budgétaires.
Reste à savoir comment ces nouvelles règles de part française seront appliquées par l’administration française : « je suis prudent », souligne Pierre Vergnes. Enfin, la perspective d’une harmonisation des règles au niveau de l’OCDE est une bonne chose, mais dont l’échéance apparaît bien lointaine pour cette ETI : « Nous, il faut que l’on se projette très vite : on est d’ores et déjà en train de réfléchir à des projets pour 2022 et 2023 » souligne Pierre vergnes.
Quelle prospection en temps de crise sanitaire ?
En revanche, concernant les bonus relevant de l’assurance prospection ou du FASEP, qui privilégieront les projets de plus en plus les projets durables, Pierre Vergnes est plutôt dubitatif : « Dans notre secteur, après une année 2020 dramatique, il n’y a plus aucun salon professionnel en 2021 », déplore-t-il. Et l’organisation des déplacements professionnels internationaux restent encore un casse-tête en cette période de reprise de la pandémie, avec les obligations de tests PCR ou mesures de quarantaines exigées de nombreux pays : « j’ai un collègue brésilien qui devait ouvrir une nouvelle filiale au Chili et qui est bloqué depuis un mois et demi au Brésil ».
Quant aux démonstrateurs que finance le FASEP, là encore, notre responsable en voit les limites : « dans notre métier, ce qui est déterminant, c’est le coût du projet et les modalités de financement ». Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de cette mesure pour d’autres secteurs, par exemple en lien avec le développement urbain.
A suivre…
Christine Gilguy