Le MIF, salon du Made in France dédié aux produits fabriqués dans l’Hexagone, a fermé ses portes à Paris dimanche 12 novembre. Alors que, sur le marché domestique, l’inflation contrarie les envies d’achats de biens tricolores, certains exposants font valoir l’origine France à l’international. Et y trouvent des relais de croissance. Reportage.
Il y a foule dans les allées du pavillon 3 du parc des expositions de la porte de Versailles. En ce vendredi 10 novembre, elle est essentiellement composée de particuliers venus faire leurs emplettes de Noël auprès de 1 000 exposants et, dans une moindre mesure, de professionnels à la recherche de nouveautés. A voir les visiteurs se presser autour des stands de vêtements, de produits gastronomiques, d’articles de décoration ou de produits d’hygiène et de beauté, on peine à croire que le Made in France traverse une passe difficile.

Et pourtant. Selon un récent sondage réalisé par Opinionway, inflation oblige, si 89 % des consommateurs souhaitent acheter Made in France, ils sont 67 % à déclarer que l’inflation a eu un impact sur les achats de ce type de produits, dont 80 % les ayant restreints. Un coup dur pour les entreprises qui ont décidé de jouer la carte tricolore et justifié des prix plus élevés par un gain de qualité et de souveraineté.
Un marché domestique en berne
Guillaume Gilbault, le président du très médiatisé Slip Français (20 millions d’euros de chiffre d‘affaires), s’est récemment fendu d’une lettre au président de la République, doublée d’une pétition en ligne, dans laquelle il appelle « les pouvoir publics » à prendre « enfin le sujet à bras le corps ». Démarche similaire de la part de Gilles Attaf, président de la certification Origine France Garantie. « Oui, les produits ‘Made in France’ affichent souvent un prix plus élevé que des produits ‘made in Ailleurs‘ mais quel est le vrai coût de ces produits étrangers bon marché ? s’insurge-t-il dans une lettre ouverte. Regardons les faits en face : ces alternatives ont des coûts cachés délétères. »
Chaussettes, barbecues et moquette
Toujours est-il qu’il y a foule sur les stands des jeans 1083, du Parapluie de Cherbourg, du fabricant d’électroménager Daan Tech, des planchas Eno ou des pulls Saint James. Jeans, pulls marins ou sous-vêtements : le textile tricolore à la cote auprès des visiteurs.
C’est le cas de la Maison Broussaud qui a longtemps fabriqué près de Limoges des chaussettes pour d’autres (Le Slip français, Lacoste, Archiduchesse ou encore Carrefour), avant de lancer sa propre marque en début d’année, et de commencer à démarcher l’export.
Aujourd’hui, cette PME familiale qui se fait accompagner par sa CCI et une société spécialisée dans le développement international, réalise 8 millions de chiffres d’affaires dont 5 % à l’export. « Nous travaillons le marché américain où nous avons participé au salon Curve à New York en février, relève Alexandra Broussaud qui dirige l’entreprise avec son mari Aymeric. La culture commerciale est très différente, mais les Américains recherchent l’originalité et le sérieux. Nous sommes également référencés en Corée grâce à des revendeurs locaux rencontrés sur le dernier salon Maison&Objet ».
C’est également sur ce salon au fort rayonnement international que les barbecues Aluvy ont mis le pied à l’étrier du grand export. Fondée en septembre 2020, soit en pleine pandémie de Covid, cette TPE iséroise conçoit et fait produire dans la région (chez Aluthea qui détient 60 % de l’entreprise) des barbecues en aluminium au design épuré et coloré. « En septembre 2022, nous avons remporté le tremplin Future on Stage de Maison&Objet qui nous a donné de la visibilité, explique son cofondateur Jean-Pierre Cauchy. Nous avons été repérés par un importateur australien. Les Australiens ne veulent plus acheter chinois et sont à la recherche d’alternatives et de produits atypiques ».
Des PME qui misent sur des savoir-faire industriels
Une visio et une visite en France plus tard, ce contact australien a passé une première commande « d’essai », mais à l’échelle de cet immense pays : un conteneur entier actuellement en cours d’acheminement. L’entreprise, qui vend également en Italie et en Scandinavie via un agent a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires d’un million d’euros dont 20 % à l’export, une part qu’elle espère faire passer à 50 %. « Nous pensions à l’export dès le départ de l’aventure, mais nous ne pensions pas que ça viendrait aussi vite, se réjouit le dirigeant. Le Made in France marche mieux à l’étranger ! »

Même son de cloche sur le stand de Balsan. Cette maison âgée de plus de 300 ans, ancienne manufacture royale installée près de Châteauroux, est le dernier fabriquant de moquette en France. Elle est notamment la seule en Europe à disposer d’une technologie permettant de broder des fils teintés dans la masse assurant une meilleure résistance. « Les Allemands commencent à nous prendre au sérieux sur le plan industriel », sourit Bruno Sevin, directeur des ventes France.
L’entreprise dispose d’ailleurs d’un bureau commercial outre-Rhin, ainsi qu’aux Pays-Bas, en Belgique, en Pologne et au Royaume-Uni. Ironie de l’histoire : ce dernier pays, champion mondial de la moquette, est aujourd’hui le premier marché à l’export de Balsan qui y a installé un stock déporté après le Brexit pour fluidifier la logistique.
Si l’inflation pèse sur les décisions d’achats des consommateurs nationaux, les relais de croissance se trouvent donc à l’export : le Made in France se fraye ainsi un chemin à l’international et parvient à vendre des barbecues aux Australiens et de la moquette aux Anglais, pourtant grandes spécialités nationales.
Sophie Creusillet