Pour la filière française des spiritueux, les États-Unis constituent un enjeu vital. Alors que l’économie américaine affiche sa bonne santé (après + 2,9 % en 2018, la croissance oscillerait entre 2 et 2,5 % cette année, selon les observateurs), il est l’heure pour la France d’y diversifier ses livraisons.
Solidement implanté outre-Atlantique, le cognac représentait à lui seul 77 % des ventes de spiritueux de l’Hexagone en 2017 et 46 % en volume – 82 % avec la vodka. C’est le succès de cette eau de vie de vin, notamment auprès de la communauté afro-américaine, qui explique que la France soit le quatrième fournisseur étranger de spiritueux aux États-Unis en volume, derrière le Canada, le Mexique et le Royaume-Uni, et le 1er en valeur, devant la Canada et le Royaume-Uni.
Whisky, rhum et gin…
Pour autant, certains produits français autres que le cognac ont connu de belles progressions sur des marchés pourtant stables outre-Atlantique, comme le whisky, le rhum et le gin. Ces hausses se sont établies pour le whisky à + 195 % en volume en 2018 et + 174 % en valeur, pour le rhum, respectivement à + 69 % et + 40 % et, pour le gin, à + 17,5 % et + 18,6 %. Aujourd’hui, 50% des consommateurs de téquila, gin, vodka, rhum et brandy sont des femmes, alors que deux tiers des consommateurs de whiskies et de cognac sont des hommes.
Si la France a d’abord le cognac, ses principaux concurrents possèdent aussi leurs spécialités. Ainsi, le Canada se distingue avec des whiskies, notamment aromatisés, le Mexique avec la téquila, le Royaume-Uni, avec le whisky et le gin. Globalement, les Américains sont des consommateurs de vodka (un tiers de la consommation en volume) et de whisky (un quart de la consommation, dont la moitié importée). D’autres fournisseurs importants, comme la Suède et les Pays-Bas, livrent de la vodka, et l’Irlande du whisky.
Progression en volume et en valeur
Globalement, la filière française peut se targuer d’une belle performance. En 2018, ses exportations ont cru de 6,4 % en volume l’an dernier et 2,8 % en valeur. Lors de la présentation du bilan 2018 de la filière à la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (Fevs), le 13 février, Patrice Pinet, le président de Courvoisier, se félicitait de l’évolution du débouché américain. « C’est un marché en croissance de 5 % en valeur, grâce à la bonne santé de l’économie américaine, à la tendance aux alcools bruns – cognac, malt, bourbon, téquila – et à la mode du premium », exposait-il.
Preuve encore de l’importance du marché américain, en 2018, les États-Unis ont absorbé 29,2 % des volumes de spiritueux exportés par l’Hexagone et 36,1 % en valeur, pointaient les experts de Business France, lors d’un webinar, le 28 février, en direct de New York et San Francisco. D’après la Fevs, les États-Unis étaient aussi le premier débouché extérieur de la France en 2018, avec 1,55 milliard d’euros de ventes, représentant plus de 130 millions de litres (environ 15,5 millions de caisses de 8,4 litres chacune).
L’image de qualité des produits tricolores
La France est réputée pour ses vins. Mais, revers de la médaille, ses assemblages peuvent être considérés comme moins accessibles que les cépages d’autres pays. Cette image un peu élitiste n’existe pas pour les spiritueux, où on n’attend pas la France à priori.
« Placés haut de gamme, les spiritueux français possèdent ainsi une bonne image. Ils sont pour les consommateurs un gage de qualité et la tendance à la premiumisation de l’offre sur le marché leur profite », expliquait François Granier, chargé de développement Vins, bières et spiritueux à Business France, basé à New York. « La popularisation des cocktails profite aussi à la consommation haut de gamme », ajoutait, lors du webinar, Manilay Saito, chef du pôle Vins, bières et spiritueux de Business France, basée à San Francisco.
Investir le craft, une nouvelle niche
En jouant sur l’image de la France, l’agence publique souhaite attirer l’attention sur une niche en expansion : le craft (artisanat)*. D’après l’American Craft Spirits Association, les distilleries craft se multiplient. Présentes surtout dans cinq États (Californie, New York, Washington, Texas et Colorado), leur nombre, en hausse de 15,5 % en un an, était de 1 835 en août 2018.
Le craft occuperait ainsi 3,2 % du marché des spiritueux en volume et 4,6 % en valeur, contre 1,2 % en volume et 1,4 % en valeur en 2012. Cette année, Business France a décidé d’organiser deux opérations Tastin’France États-Unis –French Craft Spirits, la première, le 24 juin à New York, et la seconde, le 26 juin, à Chicago.
En termes de consommation de spiritueux en volume, New York est le quatrième marché des États-Unis, avec une hausse de 7,7 % entre 2014 et 2017. « C’est surtout un marché qui a été défriché par les grandes marques et donc, il y a maintenant de la place pour de bons produits différenciés, notamment des craft », assurait Manilay Saito.
S’adresser aux jeunes Américains
Cinquième marché de consommation de spiritueux des États-Unis, Chicago a enregistré une hausse de 7,8 % de 2014 à 2017. La population y est cosmopolite et l’héritage est favorable, avec une tradition de brasseries craft.
Parmi les cibles qu’il convient de privilégier sur le marché américain, les Millénials, c’est-à-dire la génération des 18-35 ans. Ce sont ces jeunes qui sont intimidés par l’offre de vins. En revanche, le côté marketé des spiritueux et le craft les attirent. A saisir.
François Pargny
* Ce sont des établissements de moins de 394 317 caisses de 9 litres.
