Du 17 au 20 juin, le vice-président de Côte d’Ivoire, Daniel Kablan Duncan, effectuera une visite, à la tête d’une délégation d’une vingtaine de membres (ministres, dirigeants d’entreprises…), dans l’est de la France, à Nancy, Strasbourg et Metz, après un déplacement chez Airbus à Toulouse.
Ce voyage dans le Grand Est doit beaucoup à deux hommes : Bruno Roth, le président du Comité Lorraine des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), et Jean Dollé, délégué général du Cercle franco-ivoirien de coopération économique (Cefice).
Les deux hommes connaissent bien l’Afrique, plus particulièrement le centre et l’ouest du continent pour Jean Dollé, qui fut notamment conseiller économique à l’ambassade de France à Abidjan de 2005 à 2010. Son réseau personnel a été très utile pour organiser ce déplacement initié par les comités des CCEF Lorraine et Grand Est (80 chefs d’entreprises).
B.Roth : « il y a un déficit d’image et d’envie de l’Afrique »
Si tous les leviers ont été utilisés, de l’ambassade de France au Centre de promotion des investissements de Côte d’Ivoire (Cepici), un homme a joué un rôle particulier : Emmanuel Ahoutou, le directeur de cabinet du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, qui avait déjà occupé ce poste lorsque Daniel Kablan Duncan avait lui-même dirigé le gouvernement ivoirien.
Pour sa part, Bruno Roth se rend sept jours par mois sur ce continent pour son entreprise, Net Opportunity, spécialisée dans la promotion des biens de consommation français. Pour préparer la venue du vice-président ivoirien, qu’il a rencontré à six reprises, il a effectué huit voyages en un an et demi, dont le dernier en février avec Jean Dollé.
« Le Grand Est étant naturellement tourné vers l’Europe, il y a un déficit d’image et d’envie de l’Afrique, explique au Moci le président du Comité Lorraine des CCEF. Plutôt que de partir à l’aventure sur tout le continent, nous avons ciblé deux pays avec des similitudes et des complémentaires, l’un au sud et l’autre au nord du Sahara, la Côte d’Ivoire et la Tunisie. Tous deux présentant des économies avec un certain niveau de maturité et d’émergence, comme le montre la création d’un French Tech Hub à Abidjan et dans un futur proche à Tunis. Tous deux ayant aussi de bonnes relations bilatérales, car nous voulons rapprocher ces pays entre eux et avec la France ».
Ce sera pour tous les participants l’occasion de promouvoir une Afrique décomplexée. Le 19 juin à Strasbourg, Daniel Kablan Ducan donnera ainsi une conférence sur le thème de « l’Afrique, la France et l’Europe, une relation de proximité : vers un partenariat repensé ».
Première priorité : l’agroalimentaire, la forêt, l’eau
Il y a deux mois et demi, le 30 mars, le ministre ivoirien des Eaux et forêts, Alain Donwahi, également président de la Nawa, une région à l’ouest d’Abidjan riche en cacao, s’était rendu à Nancy pour entamer des discussions en vue de développer la coopération décentralisée et de nouer des partenariats dans l’agroalimentaire, le bois, l’énergie et la formation.
Dans le prolongement de ce voyage ministériel, la délégation ivoirienne accompagnant le vice-président devrait être accueillie par la Métropole du Grand Nancy, présidée par l’ancien ministre André Rossinot, pour approfondir les questions d’agroforesterie. Abidjan doit notamment résoudre une question latente : la faiblesse de son couvert forestier, qui ne représente plus que 14 % du territoire national.
A Strasbourg, le 19 juin, des rencontres sectorielles seront organisées dans l’agroalimentaire, avec le soutien de l’Aria (Association régionale des industries agroalimentaires) et de l’ Adepta (Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires), et dans l’eau, avec l’appui du pôle de compétitivité Hydreos.
Si, dans le domaine économique, tout reste à faire entre le Grand Est et la Côte d’Ivoire, les liens humains existent. Deux CCEF du Comité Côté d’Ivoire, prévus dans la délégation du vice-président, sont lorrains : Jean-Louis Ménudier, par ailleurs, président d’Uniwax (fabrication de pagnes et dérivés), de l’Union des grandes entreprises de Côte d’Ivoire (Ugeci) et porte-parole de la Confédération générale, et Jean-Luc Ruelle, par ailleurs, président de KPMG Côte d’Ivoire et de la Chambre de commerce européenne.
Deuxième priorité : la formation
Le ministre Donwahi est marié à une Alsacienne. Quant à Daniel Kablan Duncan, le vice-président est un ancien élève de l’école de commerce de Nancy ICN Business School, qui a noué un partenariat avec l’Université privée des Lagunes à Abidjan. Une coopération qui pourrait en appeler d’autres, peut-être avec le réputé Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INP-HB) à Yamoussoukro ?
Pour la France comme pour la Côte d’Ivoire, la formation est un sujet majeur. « Paris a l’intention de faire de ce pays et de la Tunisie des hubs de formation en Afrique », assure Bruno Roth. Le 18 juin, après une réunion d’échange avec le secteur privé du Grand Est, la délégation ivoirienne pourra visiter le Centre de formation des apprentis de l’industrie (CFAI). Le lendemain, Daniel Kablan Duncan donnera, de son côté, une conférence, intitulée « La Côte d’Ivoire, pôle économique de l’Afrique de l’Ouest : le défi de la formation ».
Troisième priorité : la santé
Outre le secteur primaire et la formation, une troisième filière sera à l’honneur : la santé. La délégation ivoirienne sera ainsi reçue par l’équipe e-chirurgie du pôle digestif du Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy Brabois et à l’Hôpital virtuel de Lorraine le 18 juin, en présence du maire, Laurent Hénart, et à l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad) à Strasbourg le 19 juin. C’est le 23 janvier que le hall de l’Hôpital Virtuel de Lorraine a été ouvert sur le futur Campus Santé à Brabois. Il pourrait être utilisé pour former, par exemple, des formateurs ivoiriens.
La délégation ivoirienne, qui sera aussi reçue par le président du Conseil régional Jean Rottner, terminera son séjour par la visite du site de PSA à Trémery-Metz et la présentation du projet d’usine du futur Future of Factory Lorraine (FFLOR). Une visite qui n’est pas anodine, au moment où l’on prête à au groupe tricolore de nouvelles ambitions en Afrique. Notamment dans le montage. Et pourquoi pas en Côte d’Ivoire ?
Les CCEF entendent donner une suite rapide au déplacement de la délégation ivoirienne, avec l’organisation d’une mission à Tunis (5-6 novembre) puis Abidjan (7-9 novembre) avec une trentaine de sociétés. A l’heure actuelle encore en projet, cette mission serait généraliste mais « en priorité industrielle, avec aussi de la formation », souligne Bruno Roth.
De même, les CCEF souhaiteraient prolonger la séquence africaine, « avec la tenue à Nancy d’un forum d’affaires Afrique Grand Est », précise Jean Dollé. Il ne s’agirait pas, selon lui, d’un évènement global, mais « bien ciblé ». L’e-santé pourrait être retenu, mais d’autres domaines semblent également possibles, à l’instar du numérique.
François Pargny
Pour prolonger :
–Côte d’Ivoire / Consommation : la classe moyenne est très fragile
– Afrique / VivaTech : avec le label Digital Africa, la France parie sur les entrepreneurs africains de la tech
–Afrique / Innovation : Bpifrance accompagne cinq startups en Afrique du Sud et en Côte d’Ivoire
–Enquête : Afrique de l’Ouest, un grand marché à petit pas
Et aussi
Rapport CIAN 2018 – Les entreprises internationales en Afrique
Guide business Côte d’Ivoire 2016
Et notre Fiche pays Côte d’Ivoire