Inventrice d’un concept révolutionnaire de baie vitrée courbe, Lumicene a donné un coup d’accélérateur au développement de ce produit en mettant au point le « LumiPod », un habitat préfabriqué mono-cellulaire haut-de-gamme conçu pour l’hôtellerie de luxe. Depuis sa présentation fin 2019, les demandes affluent, aux trois quarts de l’étranger. Elle vient de lever 6 millions d’euros pour changer de braquet.
Le LumiPod, c’est une sorte de petite maison préfabriquée, ronde, à toit plat et à pièce unique, aménagée selon les standards de l’hôtellerie de luxe. Sa particularité : elle est à moitié ouverte sur l’extérieur grâce à une baie vitrée en demi-lune. Posée en pleine nature avec vue imprenable sur l’horizon, une chambre d’hôtel de rêve, surtout depuis les confinements de la Covid-19 qui ont réveillé l’appétit de grands espaces partout dans le monde.
Mais pour Lumicene, PME lyonnaise dont la création remonte à 2003, c’est un coup de génie pour mettre sous le feu des projecteurs l’invention de son fondateur, Laurent Salvaire : cette baie vitrée fondée sur un concept de menuiserie courbe bioclimatique unique au monde, développé avec Saint-Gobain. « On a imaginé un formidable moyen de communication pour parler de nos fenêtres » confie non sans humour Clément Salvaire.
Sortir le LumiPod de l’ombre
Fils du fondateur et frère du codirigeant de la PME Charles Salvaire, il a rejoint l’entreprise familiale en 2015 après avoir participé à la création et au développement de plusieurs entreprises innovantes, dont la dernière en date Photobox, une plateforme offrant des services d’élaboration d’albums photos qu’il a internationalisée dans une vingtaine de pays.
« Lorsque je suis arrivé en 2015, l’entreprise avait 12ans mais j’ai eu l’impression d’être dans une startup » se souvient Clément Salvaire. Car pour être totalement révolutionnaire dans l’univers des fenêtres, le concept mis au point par son père n’avait pas connu la croissance qu’il méritait. « Les cycles de l’innovation dans le bâtiment et la construction sont très longs, avec des processus réglementaires lourds » explique le jeune dirigeant. Sans compter qu’il faut le faire connaître auprès des architectes et ingénieurs, et les convaincre.
« C’est difficile de faire faire parler de nos fenêtres, cela ne fait pas rêver ». Il fallait donc faire sortir cette fenêtre de l’ombre. Quoi de mieux que de la mettre en scène ?
Un marché de niche prêt pour les innovations
Déjà avant la pandémie de Covid-19, l’envie de lieu d’hébergement en pleine nature et offrant des expériences extraordinaires était une tendance de fond planétaire : les réflexions allaient bon train dans les groupes hôteliers pour trouver des concepts de plus en plus originaux pour leur clientèle de luxe en quête de nouvelles expériences.
L’idée du LumiPod a germé dans ce contexte : « la cabane en pleine nature, ça fait rêver tout le monde », relate Clément Salvaire. La niche de l’hôtellerie 5 étoiles était prête à accueillir les innovations, la période de la Covid-19 a encore accentué ce « désir de nature ».
La PME a lancé les études, puis mis en chantier les prototypes, en totalité financés sur ses fonds propres. Lorsque les premiers LumiPod ont été présentés, fin 2019, le succès a été immédiat. « Nous avons eu beaucoup d’articles dans la presse française et anglo-saxonne, nous avons fait des plateaux télé », se souvient Clément Salvaire. De l’Europe à l’Australie en passant par les États-Unis, l’accueil des médias a été enthousiaste, qu’ils soient spécialisés ou non.
L’entreprise a même eu la visite, en octobre 2019, du cinéaste Francis-Ford Coppola, alors qu’il était de passage dans la région comme parrain du festival Lumière. « Il n’est pas venu comme une star en quête de nouveauté de luxe mais comme un octogénaire francophile curieux de découvrir par lui-même ce que ces sacrés Français avaient encore bien pu inventer » sourit le dirigeant.
Plusieurs milliers de demandes en 3 mois
En attendant, les concepteurs ont réussi leur coup : « en deux ou trois mois, nous avons reçu 3000 à 4000 demandes, à près de 80 % de l’étranger » se souvient le dirigeant. L’intérêt suscité par ce concept ne s’est d’ailleurs jamais démenti depuis. « Aujourd’hui, nous recevons une centaine de demande par semaine ! ».
Les commandes affluant, il a fallu passer à l’industrialisation. Dans le projet initial, l’équipe dirigeante pensait se contenter de produire en interne les prototypes et de sous-traiter la fabrication. Cette idée a été abandonnée très vite. « Nous avons changé d’avis car nous visions le haut de gamme, souligne Clément Salvaire. Il y a une vraie valeur ajoutée à maîtriser de bout en bout le processus, de la conception à la fabrication ». D’autant que cela rassurait la clientèle fortunée mais exigeante que vise l’entreprise.
C’est ainsi que l’entreprise a décidé de ne sous-traiter que la fabrication des composants et de garder en interne la maîtrise des études, de la conception des composants, et de leur assemblage final. Et de monter en puissance à son rythme. Entre artisanat et industrie, quelque 50 exemplaires du LumiPod sont sortis de son site de production en deux ans. Parmi les références, des 5 étoiles prestigieux en Europe tels que le Château de la Gaude à Aix, le Domaine de Rymska en Bourgogne ou encore le Priesteregg Premium Eco Resort en Autriche.
Une levée de fonds pour accroître la capacité de production
Cette année, l’objectif est d’en produire 50 en une seule année. « Nous avons doublé la production chaque année » remarque le dirigeant. Trop lent, trop peu ? « Oui, mais sans aucune frustration » explique Clément Salvaire, qui reste discret sur le chiffre d’affaires engrangé par le LumiPod. « Nous avons pris le temps et en trois ans, nous avons construit une belle équipe ». De 8 salariés en 2019, l’effectif du site est passé à 30.
Reste que la capacité de production actuelle ne pouvait plus répondre à la forte demande, en France comme à l’export. C’est justement pour passer à la vitesse supérieure que l’entreprise vient de lever 6 millions d’euros auprès du Family Office Entheos, un Fonds d’investissement de long terme dédié à des PME éco-responsables, et de ses partenaires bancaires.
Clément Salvaire connaissait ce nouveau partenaire pour avoir été en contact avec l’une des associées d’Entheos, Kathrin Parmentier, du temps de son aventure chez Photobox. Ce fonds ayant déjà investi dans des projets liés à la construction modulaire, il avait tôt fait de détecter le potentiel du LumiPod. « Fin 2023, nous déménagerons sur notre nouveau site, se félicite Clément Salvaire. Notre objectif est de produire entre 200 et 300 Lumipod chaque année ».
Sur le plan commercial, la PME a également décidé de conserver la maîtrise de la relation directe avec ses clients, sans passer par des agents ou des distributeurs. Il est vrai que la forte demande la met dans une situation confortable : « on a la chance de n’avoir à gérer que des flux entrants, sans efforts, souligne Clément Salvaire. A nous de sélectionner les bons projets ». Son site Internet en deux langues, français et anglais, lui sert de vitrine.
Au grand export, nécessité de trouver un partenaire industriel
Toutefois, les ambitions de la PME, internationales dès le début, sont pour le moment contraintes pour des raisons logistiques. « Nous ne sommes pas prêts pour le grand export » confirme sans détour Clément Salvaire, « nous nous concentrons pour le moment sur des projets en Europe ».
Les LumiPod sortent en effet de l’atelier une fois assemblés et sont acheminés par la route vers leurs destinations finales en deux parties, deux demi-lunes arrimées sur des camions. Ils sont réassemblés une fois sur place par des techniciens envoyés par l’entreprise. L’expédition de ces produits totalement « hors gabarit » par voie maritime sur des destinations plus lointaines s’avère trop complexe et trop coûteuse.
Ce qui n’empêche pas la PME de voir plus grand et notamment les États-Unis, voire l’Australie pour après-demain. « Cela fait partie de nos priorités mais un tel projet passera par un partenariat avec un industriel local, pour assurer l’assemblage final sur place », explique Clément Salvaire. Nous travaillons à trouver une solution ».
Pour l’heure, le Lumipod est bien passé à la lumière.
Christine Gilguy