Spécialiste des simulateurs de vol de loisir, la TPE créée il y a dix ans s’apprête à conquérir les États-Unis après une escale au Canada où elle rencontre un franc succès. Après un passage à vide en raison de la crise sanitaire, l’international a redonné des ailes à AviaSim.
« Je ne peux travailler que dans ce que j’aime », lance d’emblée Thomas Gasser. Et ce qu’aime le jeune dirigeant, « depuis tout petit », ce sont les avions. « A la sortie de mon école de commerce, je savais que je voulais être indépendant, c’est dans mon ADN et j’ai créé AviaSim en 2013 d’abord pour m’amuser avant que cela ne devienne un business, explique-t-il. En même temps, j’étais convaincu que le produit marcherait car il était complètement nouveau dans l’univers du loisir. »

En l’occurrence, le jeune diplômé, lui-même pilote privé, souhaite proposer une expérience de pilotage d’avion de ligne dans des simulateurs de vol ultraréalistes avec des instructeurs. Pari gagnant, puisque le carnet de réservation du premier simulateur, installé à Lyon, se remplit à « vitesse grand V ».
Rapidement, naît l’idée d’ouvrir des franchises pour satisfaire la demande : « Des gens venaient de loin pour une séance de pilotage et nous avons développé des licences de marque en parallèle de centres en propre pour répondre à la demande. Cinq ans plus tard, ce modèle stagnait et cherchait un second souffle quand le Covid est arrivé ».
Un salutaire changement de modèle de développement
A la veille de la crise sanitaire qui allait mettre son activité à l’arrêt, Thomas Gasser se sépare de son associé investisseur, ancien franchisé, avec lequel il cogérait depuis cinq ans AviaSim. Il reprend la responsabilité de l’entreprise à 100 % et se retrouve seul à la barre pour affronter la pandémie de Covid-19. « Il nous fallait assurer le coût des baux commerciaux des lieux que nous gérions en propre, soit les deux tiers de nos 13 centres, mais aussi rembourser les emprunts. Nous nous sommes retrouvés en situation d’urgence absolue d’autant que nous n’avons pas touché d’aides du fonds de solidarité. »
AviaSim, qui compte aujourd’hui 10 salariés, relance très tôt le marketing malgré les confinements et son dirigeant « prend le temps de réfléchir à un autre modèle de développement ». Son directeur songe alors aux mètres carrés inoccupés dans les hôtels et passe un premier accord au sortir du premier confinement avec un Mercure à Bordeaux.
Aujourd’hui, sur les 19 centres de pilotage virtuel, 7 se situent dans des établissements de la chaîne Accor. « Je ne voulais plus m’occuper de la gestion de lieux, qui n’est pas le cœur de métier d’AviaSim, mais me concentrer sur la vente de tickets et le marketing », confie-t-il. Ce changement de braquet permet à l’entreprise de passer la tempête et de se projeter à l’international.
Préparation du plan de vol pour Montréal

« Avec la reprise de l’activité, le marché s’est retrouvé saturé et la question de l’étranger s’est posée à ce moment-là, explique Thomas Gasser. J’ai pensé à l’Amérique du Nord car c’est un marché qui me faisait rêver, parce que le secteur des loisirs y est très important et que l’effet d’échelle est plus intéressant qu’en Europe et nous aurions dû tout recommencer à zéro dans chaque pays. »
En avril 2022, il effectue une mission de prospection avec Business France à Montréal, ville qui a l’avantage d’être en partie francophone, mais où l’on travaille à l’américaine. Bingo : le consommateur local est enthousiaste et la concurrence inexistante.
AviaSim signe son premier partenariat sept mois plus tard, en novembre 2022, avec l’hôtel Marriott Terminal Aéroport de la capitale économique du Québec. « Le succès a été énorme : c’est le meilleur lancement qu’on n’a jamais fait en dix ans ! », se félicite le jeune dirigeant qui a recruté un instructeur sur place, non sans avoir auparavant travaillé avec lui en France pour « s’imprégner de la culture de travail ».
Cette part de local concerne également la production des simulateurs. « Nous faisons le même métier qu’Airbus : nous sommes des assembleurs et n’avons pas d’usine. Notre job c’est de faire travailler des gens ensemble et de mixer des technos très différentes venant du jeu vidéo et de l’aéronautique. » L’équipe de la maîtrise d’ouvrage d’AviaSim est d’ailleurs localisée à Toulouse, la ville de l’aéronautique en France. « C’est une grande spécialité française et il y a beaucoup de sous-traitants, je n’allais pas réinventé la roue », sourit le dirigeant.
Les États-Unis dans la ligne de mire
Au Canada, où les fournisseurs sont moins nombreux, c’est le cockpit du premier simulateur qui a été fabriqué localement tandis que les prochains le seront en France, histoire de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. Cette présence au Canada devrait permettre à l’entreprise d’attaquer le marché états-unien. Des discussions sont en court avec des entreprises de la côte Est, mais la question du financement de ce déploiement se pose actuellement.
« Nous sommes un peu courts sur nos fonds propres et il nous faudra lever 3 ou 4 millions d’euros cette année pour nous lancer sur ce marché où il n’y a pas beaucoup de concurrence, mais où le marché est très exigeant, où il faut faire les choses bien, à l’américaine et où nous ne pouvons par être artisanaux comme à nos débuts en France ». Pour s’y préparer, l’entreprise a réalisé une mission de prospection sur place, toujours avec Business France, et s’estime « quasi prête ».
Depuis qu’il a goûté à l’international, Thomas Gasser veut élargir les horizons de son entreprise et ainsi trouver des relais de croissance à son activité. Sur les 2 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés en 2022, 10 % l’ont été sur le marché canadien, une part qu’AviaSim est appelé à faire grossir. A cet égard, des discussions sont actuellement en cours en Afrique du Sud et à Singapour…
Sophie Creusillet