En Égypte, la France veut retrouver une place de choix. « La situation est paradoxale. Notre relation est exceptionnelle, d’une incroyable densité. Pourtant, nous sommes un partenaire insuffisant de l’Égypte, la France étant même tombée en 2019 de la 10e à la 11e place comme partenaire commercial », expliquait l’ambassadeur de France au Caire, Stéphane Romatet, devant un parterre d’une centaine d’entreprises françaises réunies par Business France, à Paris le 10 février.
La France conserve, néanmoins, un excédent commercial confortable. L’an dernier, d’après les Douanes qui ont dévoilé les chiffres du commerce extérieur de la France le 7 février, il atteignait avec l’Égypte 1,57 milliard d’euros, les exportations se montant à 2,3 milliards contre 730 millions pour les importations.
Au total, 4 000 exportateurs français opèrent en Égypte et 160 entreprises y sont implantées dans toute une série de secteurs. Pour autant, Stéphane Romatet et Philippe Garcia, le directeur du bureau de Business France au Caire, en ont convenu : il faut exporter et investir plus pour ne pas se laisser distancer par la concurrence.
Un MOU entre Business France et le groupe El Sewedy
Certes, les projets pharaoniques sont légion et ne sauraient être ignorés des grandes entreprises tricolores qui peuvent décrocher des affaires juteuses. Tout en restant discret sur la question, Stéphane Romatet a laissé entendre que la signature de grands contrats en 2020 permettrait de relever la présence de la France en Égypte.
Au-delà des grands projets (la nouvelle capitale administrative, la nouvelle ville d’Alamein, la création de la ville de Galala, etc.), il y a aussi tout l’enjeu du commerce courant et de l’implantation des PME et ETI tricolores au pays des pharaons.
Pour jouer sur les deux tableaux, grands contrats et exportations, Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, a signé pendant l’atelier du 10 février un memorandum of understanding (MOU) avec Ahmed El Sewedy, président d’un groupe très impliqué dans la politique énergétique (accès à l’électricité, énergies renouvelables…) et industrielle (création de zones franches, technologiques…) de l’Égypte.
Deuxième groupe privé égyptien après Orascom, El Sewedy, qui travaille déjà avec des entreprises françaises (EDF, Vinci, Engie…) en Afrique, dont l’Égypte, pourrait aussi être un relais pour des PME et ETI françaises.
Quatre secteurs au menu d’un forum bilatéral fin mars
Dans un pays qui affiche une croissance économique d’environ 6 % depuis deux ans, la « meilleure performance enregistrée dans la Méditerranée » selon Stéphane Romatet, Business France va également organiser au Caire, du 31 mars au 1er avril, un forum franco-égyptien des affaires et de l’innovation, comprenant une séance plénière, des tables rondes sectorielles, des rendez-vous ciblés (le 1er avril) et des visites de sites.
Dans ce grand pays de 100 millions d’habitants situé à 4 heures de la France, quatre secteurs ont été ciblés : industrie de réseaux, santé, agroalimentaire, industries créatives et culturelles. « Nous poserons aussi une question : l’Égypte est-elle protectionniste ou veut-elle être une plateforme industrielle pour exporter dans la région ? », a indiqué Philippe Garcia.
Le pays des pharaons rappelle à l’envi sa volonté de se projeter en Afrique. Membre du Marché commun d’Afrique de l’Est et australe (Comesa), il a développé, pour ce faire, de grandes infrastructures, comme le port de Ain Sukhna sur la côte ouest du golfe de Suez ou la zone du Canal du Suez qui a été doublé, où l’objectif est aussi d’attirer des investisseurs internationaux.
Des réformes, mais encore de la bureaucratie
Ainsi, Amr Noureldin, conseiller du président de l’Autorité générale de l’investissement et des zones franches (Gafi), a affirmé que son pays est « la porte d’entrée de l’Afrique ». Pour séduire les étrangers, il mettait en avant les réformes favorables à l’environnement des affaires déjà prises (lois sur l’investissement, sur les sociétés, sur les faillites, les licences, les mines, réforme de l’assurance maladie…) ou en discussion au Parlement (loi bancaire…).
« Pour autant, il y a toujours de la bureaucratie et encore beaucoup de chemin reste à faire, notamment dans le domaine fiscal et l’encouragement du secteur privé », a nuancé Karim Wissa, conseiller senior chez Gide Consulting Egypt, faisant ainsi écho à certains propos tenus par le président Abdel Fattah al-Sissi, qui souhaite ouvrir une économie égyptienne toujours dominée par l’Armée et le secteur public.
Quant à la bureaucratie, Maged El Sayed, membre du conseil d’administration de Sanofi Egypt, s’est félicité de la fondation de deux nouvelles entités dans la santé : une Agence du médicament pour fluidifier le processus d’enregistrement des médicaments et une entité unique compétente en matière d’achat de médicaments.
J-P. Boffy (Steam France) : il faut « beaucoup plus de temps qu’au Maghreb »
Pour les PME et ETI qui abordent le pays, il est conseillé d’avoir au moins un agent sur place. « C’est un marché compliqué, mais énorme. On ne peut y aller seul, l’objectif doit être de trouver un partenaire », a témoigné ainsi Jean-Pierre Boffy, P-dg de Steam France, une PME qui propose des autoclaves ou des stérilisateurs à des établissements médicaux, laboratoires et industries.
Le patron français conseille de se rendre sur place « pour comprendre le pays ». En outre, assure-t-il, il faut « du temps, beaucoup plus de temps qu’au Maghreb, par exemple pour trouver un partenaire ».
L’ambition de Steam France est « de réaliser une partie de la production avec un partenaire local et de fournir donc une partie de notre expertise », a encore exposé Jean-Pierre Boffy. A échéance, cette implantation en Égypte pourrait servir de plateforme de distribution en Afrique.
François Pargny