A l’occasion de la journée mondiale de la lutte anti-contrefaçon, le 5 juin, l’Union des Fabricants (Unifab) a réuni ses membres et les acteurs institutionnels de la défense de la propriété intellectuelle pour une conférence sur le rôle des influenceurs. Avec l’essor de l’e-commerce, des réseaux sociaux et une inflation au plus haut, la diffusion de produits contrefaisants a en effet explosé ces deux dernières années.
Jouets, vêtements, médicaments, cosmétiques, films, articles de luxe, petit électroménager, pièces détachées automobiles, vins fins… La liste des produits contrefaisants saisis chaque année par la Douane a des airs d’inventaire à la Prévert. En 2022, les saisies ont augmenté de 27 %, après avoir bondi de 60 % en 2021, pour un atteindre 11,5 millions d’articles retirés du marché, un point haut historique. Au total, elles ont doublé en deux ans.
« Ce fléau est alimenté par la situation du commerce international en raison des difficultés d’approvisionnement et de la hausse des matières premières, ainsi que par l’essor de l’e-commerce », a analysé le ministre délégué aux Comptes publics Gabriel Attal dans un message préenregistré. Selon les chiffres de la Douane, 30 % des saisies concernaient des petits colis, résultats d’achats sur Internet.
Le business des « influvoleurs »
Cauchemar des marques en France comme à l’international, la contrefaçon met on seulement en jeu la sécurité et la santé des consommateurs, mais constitue un important manque à gagner pour les entreprises. En 2019, selon l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), elle a en effet coûté 6,8 milliards d’euros à l’économie française. La Douane estime la perte fiscale à quelque 2 milliards d’euros.
Si les cyberdouaniers sont sur le pied de guerre à l’approche des Jeux olympiques de 2024 à Paris, la lutte contre ce fléau passe également par l’implication des professionnels des réseaux sociaux. Bénéficiant d’un public démultiplié par l’essor des plateformes et converti aux achats en ligne depuis le début de la pandémie de Covid-19, les influenceurs sont parfois tentés de faire la promotion de produits contrefaits moyennant finance et de devenir des « influvoleurs ».
Un phénomène qui peut désormais être quantifié grâce à l’enquête réalisée par la créatrice de contenus May Berthelot auprès de ses 166 000 abonnés (consommateurs et influenceurs) et dont les résultats ont été présentés lors de cette conférence de l’Unifab.
20 % des influenceurs déjà sollicités pour vendre des contrefaçons
Les résultats sont sans appel. 49 % des consommateurs sondés ont déjà été ont été confrontés à des contenus promouvant des produits de contrefaçon. Côté influenceurs, 20 % ont déjà été sollicité en ce sens et 3 % ont accepté le contrat en toute connaissance de cause. Un écart au devoir d’information du consommateur largement dû à l’appât du gain.
« Il y a 150 000 créateurs de contenus en France dont 80 % font moins de 5 000 euros de chiffre d’affaires annuel, a ainsi rappelé Carine Fernandez, directrice de l’agence Point d’Orgue qui représente 40 influenceurs et un total de 50 millions de followers. Il y a une campagne de sensibilisation à faire auprès des influenceurs pour qu’ils ne se transforment pas en influvoleurs ».
Outre ce travail de prévention, l’information des consommateurs est également primordiale. La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a ainsi mis en place une politique du « name and shame ». Elle a publié à ce jour sur son site une trentaine de sanctions et injonctions émises contre des influenceurs affichant des publicités trompeuses sur l’origine des produits dont ils faisaient la promotion. Objectif : dissuader les consommateurs de faire aveuglément confiance aux discours rémunérés des « influvoleurs ».
Des progrès sur le plan législatif
Depuis le 1er juin et le vote définitif par le Sénat de la Loi contre les dérives des influenceurs, ces professionnels du marketing en ligne, risquent 2 ans de prison, 300 000 euros d’amende et une interdiction d’exercer leur profession, y compris s’ils vivent à l’étranger. La loi stipule en effet qu’ils devront désigner « une personne morale ou physique pour assurer une forme de représentation légale sur le territoire de l’Union européenne » pour répondre, au besoin, « à toutes les demandes émanant des autorités administratives ou judiciaires compétentes ».
Ces représentants devront souscrire une assurance civile « auprès d’un assureur établi dans l’Union européenne » afin de garantir « les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle » et ne pas laisser les personnes flouées le bec dans l’eau sur le plan légal. Les plateformes de réseaux sociaux comme Instagram ou Tik Tok sont également concernées. Obligation leur est faite d’appliquer les injonctions et sanctions décidées par la justice à l’encontre de ces influenceurs peu regardants.
Cette loi, première du genre en France, devrait, espèrent les législateurs, remette un peu d’ordre dans la jungle du marketing d’influence en ligne. Et protéger le consommateur des dérives de l’e-commerce et de ses produits contrefaisants.
Sophie Creusillet