La date n’est pas encore tout à fait arrêtée mais le nouveau plan export évoqué à plusieurs reprises par Olivier Becht, ministre délégué en charge du Commerce extérieur, pourrait être annoncé entre les 17 et le 20 avril. Objectif : face au déficit commercial abyssal, relancer la dynamique d’internationalisation des PME et ETI après la fin des mesures du plan de relance export.
Depuis quelques semaines, Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères en charge du Commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, mentionne régulièrement sont intention de lancer un nouveau plan export visant à dynamiser le développement international des entreprises, en particulier des PME et ETI, sans plus de précision ni sur ses orientations ni sur une date d’annonce.
Côté orientation, lors de sa conférence de presse de présentation des résultats du Commerce extérieur le 7 février dernier, le ministre s’était contenté d’indiquer préparer « des mesures très concrètes » visant à doper « le nombre de PME à l’export » et à augmenter « l’export des entreprises qui exportent déjà ».
Un portage politique par la Première ministre
Concernant la date, d’après nos informations, elle n’est pas encore arrêtée mais cette annonce pourrait être faite entre le 17 et le 20 avril. Quant au portage politique, il pourrait être assuré par la Première ministre Elisabeth Borne elle-même, pour donner encore plus de poids aux nouvelles mesures. Une information à prendre au conditionnel car elle n’est pas encore confirmée officiellement.
Si c’était le cas, cette option aurait l’avantage de montrer la haute importance accordée par le gouvernement, et sans aucun doute l’Elysée, à cet enjeu de l’export au moment où la France bataille avec un déficit commercial abyssal de -164 milliards d’euros (en 2022). S’il a été largement plombé par la flambée des prix des importations d’hydrocarbures, il ne donne aucun signe d’amélioration sur ses causes structurelles, malgré une augmentation notable du nombre d’exportateurs (à 144 400). Le déficit commercial hors énergie s’est ainsi maintenu autour d’un tiers de ce déficit global, sanction d’une courbe de désindustrialisation qui mettra du temps à être redressée.
Cela rappellerait notamment le lancement de la nouvelle stratégie de commerce extérieur il y a cinq ans, avec à la clé une importante réforme du dispositif public de soutien à l’export. Pour la première fois dans l’histoire récente du commerce extérieur français, elle avait été annoncée par le Premier ministre de l’époque en personne, Edouard Philippe, lors d’un événement inédit à Roubaix le 23 février 2018, faisant du redressement de la balance du commerce extérieur une « cause nationale ».
A l’époque, le Premier ministre déplorait un déficit commercial de -62,3 milliards d’euros pour 2017, « le plus haut niveau depuis 2012 », mais dont rêverait sans aucun doute le gouvernement actuel … Rappelons que cette réforme avait abouti à à la création du « guichet unique » de la « Team France Export » pour les aides aux PME et ETI, réunissant les Régions, les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) et Business France, mettant fin à des années de rivalités de chapelles.
Les opérateurs demandent plus de moyens
Sur le contenu de ce nouveau plan, peu d’informations précises ont filtré jusqu’à présent. L’enjeu, en revanche, est connu : il s’agit de donner une nouvelle impulsion à la stratégie de soutien à l’export des PME et ETI, alors que s’éteignent progressivement les derniers programmes de subvention (chèques relance export et V.I.E, budget supplémentaire à l’assurance prospection) des plans de soutien et de relance export de 2020 et 2021, qui avaient permis de relancer la machine après la sidération du Covid, à l’automne 2020. Avec sans doute, une meilleure articulation de la stratégie de commerce extérieur avec les priorités sectorielles de la politique de réindustrialisation, et celles du Plan France 2030.
Les milieux d’affaires attendent cette nouvelle impulsion tout en relativisant l’importance des aides, et sont surtout favorables à davantage de clarté dans la stratégie et de simplification dans les outils, ainsi qu’un tournant un peu plus offensif dans la politique.
Concernant les opérateurs, l’on sait que les deux piliers de l’arsenal étatique que sont Business France et Bpifrance, ont poussé pour voir augmentés et pérennisés, dans un cadre pluriannuel, les budgets supplémentaires qui leur avaient été alloués durant la période de la crise sanitaire pour mener un certain nombre de missions et mettre en place de nouveaux dispositifs…
Pour Business France, c’est notamment les 15,6 millions d’euros de subventions supplémentaires obtenues dans la Loi de finance 2023 (programme 134), portant à 109,2 M EUR le total de l’enveloppe budgétaire allouée à l’agence pour cette année. Elle doit permettre de financer diverses missions, dont le développement des outils digitaux de prospection, l’augmentation des programmes « booster » d’accompagnement collectif intensif, la réduction du « reste à charge » pour les entreprises clientes, le nouveau programme visant à faire venir des acheteurs étrangers sur les salons français.
Business France, qui a vu sa subvention globale rognée chaque année depuis cinq ans, doit signer avec l’État son nouveau contrat d’objectif et de moyen 2023-2025, signature qui a été retardée pour des raison d’agenda ministériel : elle interviendra logiquement après le lancement officiel du nouveau plan export.
Pour Bpifrance, c’est la volonté affichée par ses dirigeants de disposer de plus d’autonomie et de moyens, notamment vis-à-vis de Bercy, pour accompagner les PME à l’export, et de voire davantage simplifiées un certain nombre de procédures, comme les règles de calcul de part française par exemple, qui déterminent l’éligibilité d’un projet d’exportation à un certain nombre de dispositifs d’aide. Ces règles, réformées récemment, sont en l’occurrence toujours considérées comme complexes par les milieux d’affaires, qui citent en exemple les Allemands, qui n’exigent qu’un simple certificat d’origine.
Autre exemple, l’assurance-prospection, un dispositif d’avance remboursable soutenu par une dotation budgétaire qui avait été fortement augmentée et « pluri-annualisée » durant la crise sanitaire, mais qui a été à nouveau réduite et annualisée pour 2023 à son niveau d’avant crise sanitaire. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, n’avait pas caché, lors de la présentation de son bilan 2022 le 16 février dernier, sa frustration à propos des 1501 entreprises accompagnées en 2022 grâce à ce dispositif : « Pour améliorer la situation du commerce extérieur français, il faudrait que nous en accompagnions dix fois plus. C’est une question de puissance du moteur. Avec des budgets supplémentaires nous pourrions en accompagner beaucoup plus car la demande est là. Il s’agit de produits administrés et subventionnels qui gagneraient à être simplifiés.»
Autant d’éléments qui, sans aucun doute, montrent que ces questions ont fait l’objet de négociations au plus haut niveau gouvernemental ces dernières semaines … Plus qu’une dizaine de jours à attendre pour avoir une idée du sens vers lesquels ont penché les arbitrages.
Christine Gilguy