La pluie devrait arriver pour le mois de juin en France. Le « ouf » de soulagement exprimé par Benoît Piétrement, président du conseil spécialisé « grandes cultures » de FranceAgrimer en introduction du point presse du 9 juin, illustre les conditions climatiques particulièrement sèches et chaudes qu’a connu la France au printemps. Des aléas qui s’ajoutent aux perturbations du marché mondial, liées à la guerre en Ukraine et marquées par une flambée des prix qui suscite l’attentisme des importateurs.
Le mois de juin chaud et humide devrait « sauver les meubles », espère le président de FranceAgrimer, à l’approche des récoltes d’été.
Les dernières données climatiques fournies par le Centre de recherche de la commission européenne montrent des conditions pour le mois de mai particulièrement sèches, constatées sur une majeure partie de l’Europe, notamment au sud de l’Europe. « En France, un déficit hydrique, combiné à des températures élevées ont impacté les cultures d’hiver », explique Paul Le Bideau, adjoint à l’unité grains et sucre chez FranceAgrimer. Globalement, la situation est contrastée sur les pâturages en Europe qui sont sous surveillance.
Bilan en France
« Il est important de souligner l’importante volatilité des prix sur le marché et l’épisode de grippe aviaire qui rend difficile l’élaboration du bilan d’un mois sur l’autre », ajoute ce dernier.
- Pour le blé tendre : une collecte révisée à la baisse de 146 kt à 32,9 millions de tonnes. L’export au sein de l’Union européenne est en hausse de 24 kt à 8 millions de tonnes. Et dans les pays tiers à 9,1 millions de tonnes. Le stock final est à réviser en très légère baisse de 4 kt à 3,2 millions de tonnes.
Le blé français est particulièrement compétitif. « Cependant, de nombreux importateurs internationaux jugent les prix actuels trop élevés pour se positionner et préfèrent attendre ce que va donner la nouvelle récolte », précise Marc Zribi, chef de l’unité grains et sucre.
- Pour les orges : la production est de 11,46 millions de tonnes, avec une collecte en hausse de 14 kt à 9,9 Millions de tonnes. L’importation représente 50 kt. L’exportation au sein de l’Union européenne est en hausse de 15 kt à 2,7 millions de tonnes et dans les pays tiers à 3,3 millions de tonnes. Le stock final est en hausse de 88 kt à 1,4 million de tonnes.
- Pour le maïs en grains : la collecte est en hausse de 128 kt à 12,7 millions de tonnes. L’importation est en progression de 50 kt à 500 kt. L’exportation dans l’Union européenne est en baisse de 110 kt à 5 millions de tonnes et dans les pays tiers à 600 kt. Le stock final est en hausse de 387 kt à 2,6 millions de tonnes.
« Des clients traditionnels comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal et les Pays-Bas ont réduits leurs importations de maïs français », complète Paul Le Bideau.
- Pour le blé dur : la collecte est revue à la hausse de 6kt à 1,5 million de tonnes. L’importation représente 40 kt. L’exportation au sein de l’Union européenne est de 950 kt et dans les pays tiers à 80 kt. Le stock final est en hausse de 6 kt à 174 kt.
Bilan en Europe
Pour 2021-2022, la production totale en Europe pour le blé tendre est une légère hausse à 0,1 million de tonnes, avec une progression des importations à 3 kt et une baisse des exportations à -1 million de tonnes. Le stock final s’alourdit un peu de 1,4 million de tonnes. Au 30 avril, les cultures de la région méditerranéenne sont dans des conditions favorables (à 77 %), notamment en France et en Turquie. Les perspectives sont cependant médiocres pour le Maroc (60 % mauvaises, 15 % perdues).
Pour le blé dur, le stock final est en baisse de 2 kt en lien avec une hausse des exportations à 0,2 million de tonnes.
S’agissant du maïs, tous les postes (importation, production, exportation et utilisation animale) sont en hausse avec un stock final qui augmente de 0,9 million de tonnes. Ces cultures sont considérées dans des conditions favorables à 63 %.
Les cultures d’orges sont les plus touchées par la sécheresse dans plusieurs pays. En Algérie par exemple, trois quarts des surfaces sont à surveiller. Mais 71 % des cultures restent dans un état favorable au sein du périmètre.
Une production mondiale de céréales supérieure à la moyenne quinquennale
Globalement, la production totale de céréales est supérieure à la moyenne quinquennale, un chiffre légèrement revu à la hausse de 0,2 million de tonnes depuis le mois dernier (pour le blé tendre et le maïs).
Ainsi, le risque de famines dans les pays dépendants des importations de céréales ne va pas dépendre d’une insuffisance des volumes disponibles mais serait plutôt dû à l’envolée des prix sur les marchés internationaux depuis le début de la guerre en Ukraine. Un avis partagé par les auteurs du rapport CyclOpe.
Rappelons qu’entre 20 et 25 millions de tonnes de blé et maïs (de la récolte précédente) sont toujours bloqués en Ukraine (4e exportateur mondial). Kiev prévoit de sortir environ 10 millions de tonnes pour 2022-2023, soit moins de la moitié de ses exportations d’une année ordinaire.
En raison de la situation actuelle, la parité euro/dollar s’est détériorée. Cela reflète une dépréciation de la plupart des monnaies vis-à-vis du dollar qui devient une valeur refuge en période de tensions internationales. En raison du risque inflationniste de part et d’autre de l’Atlantique, la Fed a remonté son taux directeur plus rapidement que ce que la BCE s’apprête à faire. L’euro s’est déprécié de 2,3 % en moyenne sur un mois et de 12 % sur l’année. Et de l’ordre de 4 à 5 % sur la situation d’avant conflit.
Pour information : aujourd’hui, le baril de brent se négocie autour de 120 dollars (110 euros) alors qu’il tournait à 90 dollars avant conflit. Pendant la crise de 2007-2008, le baril de brent culminait à 140 dollars (mais équivalait à 100 euros).
« Le brent exprimé en euros coûte plus cher à importer désormais qu’au sommet de la crise de 2007-2008. C’est un point important qui vaut aussi pour les engrais et autres matières premières importées », met en exergue Marc Zribi. Le prix de l’énergie a un impact très important sur le prix des engrais et intrants. Par ailleurs, en mai, le prix du gaz naturel a fortement augmenté, notamment aux Etats-Unis.
Claire Pham