Une nouvelle étape importante a été franchi le 6 juin dans le projet de nouvel instrument anti-coercition destiné à contrer les pressions économiques éventuelles de gouvernements tiers sur des États membres de l’UE : le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord politique final sur ce projet.
D’entrée, la Commission européenne veut insister sur l’aspect préventif de cette nouvelle arme de défense économique : « l’instrument anticoercitif est conçu d’abord et avant tout pour servir de moyen de dissuasion contre toute contrainte économique éventuelle venu d’un pays tiers » prévient-elle dans un communiqué.
Qu’est-ce que la coercition économique ?
La coercition économique est définie par la Commission européenne comme « une situation dans laquelle un pays tiers cherche à faire pression sur l’UE ou sur un État membre pour l’inciter à opérer un choix particulier, en appliquant ou en menaçant d’appliquer, à l’égard de l’UE ou de l’État membre, des mesures qui affectent le commerce ou les investissements ». Une définition suffisamment générale pour permettre un champ d’application très large.
Mais si une telle coercition économique a néanmoins lieu, il va offrir une possibilité de réponse graduelle : d’abord par le dialogue et la coopération avec le pays tiers, dans le cadre d’une structure dédiée, puis, en cas d’échec du dialogue, le recours à une série de contre-mesures possibles à l’égard du pays qui exerce la coercition. Parmi ces contre-mesures : droits de douane, restrictions au commerce des services, restrictions d’accès aux investissements directs étrangers ou aux marchés publics.
Rappelons que ce chantier a été lancé par la Commission européenne en décembre 2021 pour faire face aux pressions économiques délibérées dont ses États membres ont été la cible ces dernières années, notamment de la Chine. On se souvient notamment des vives tensions entre les pays baltes et Pékin depuis leur retrait d’un groupe de pays d’Est dit « 17+1 » initié par la Chine dans le cadre de son initiative sur la nouvelle route de la soie. La Lituanie avait notamment reçu les foudres de Pékin après l’accueil sur son sol d’un bureau de représentation de Taiwan, en 2021.
Le nouvel instrument anticoercitif fait aussi partie de l’arsenal de mesures mises en place dans le cadre la nouvelle stratégie commerciale de l’Union européenne, moins « naïve » qu’auparavant.
Un nouveau règlement à l’automne
L’accord conclu entre les institutions européennes le 6 juin à vocation à devenir un nouveau règlement européen. Il tombe à point nommé pour nourrir la présentation par la Commission européenne de sa nouvelle stratégie en matière de sécurité économique, prévue le 20 juin prochain.
Il comprend un cadre juridique permettant à l’UE de demander au pays tiers de réparer le préjudice causé par sa coercition économique. Il porte également sur les modalités de prise de décision, en particulier le rôle du Conseil dans la détermination de la question de savoir si l’UE ou un État membre est la cible d’une coercition économique, ainsi que les délais d’action de l’UE au titre de l’instrument.
Concernant le déclenchement d’une procédure anticoercitive, la Commission indique qu’elle s’appuiera sur les contributions des parties prenantes et qu’elle encouragera les entreprises « à présenter des informations pertinentes ».
« L’UE continuera de coopérer avec des partenaires et alliés partageant les mêmes valeurs afin de lutter contre la coercition économique, et l’instrument anticoercitif constitue un élément important venant s’ajouter aux efforts internationaux dans ce domaine » complète la Commission.
Concernant le calendrier, le Parlement européen et le Conseil vont devoir achever les procédures d’approbation du nouveau règlement pour que celui-ci puisse entrer en vigueur, à l’automne prochain, comme l’espère la Commission.