La Méditerranée a des soucis à se faire. Déstabilisée par des conflits à répétition, elle perd pied face à l’Asie dans le textile-habillement, pourtant un de ses pôles d’excellence, et ce, plus encore, dans les pays européens, qui constituent ses débouchés de proximité. Bien sûr, tous les États du sud de la mare nostrum « ne sont pas touchés de la même manière », explique à la Lettre confidentielle Jean-François Limantour, rédacteur-en-chef de la nouvelle publication de Messe Frankfurt France, Textile News *. Et de dévoiler les fournisseurs qui souffrent le plus.
La pilule est particulièrement amère pour la Turquie, au moment où elle s’engage dans la guerre en Syrie et est confrontée à une vague d’attentats. Si pour le textile, derrière la Chine, ce pays conforte sa position, au même titre que l’Inde et le Pakistan, ce n’est pas le cas dans l’habillement, malgré une hausse de ses exportations vers l’Europe de 8 % au premier semestre 2016 par rapport à la même période en 2015. « En fait, il perd du terrain par rapport à une Asie qui va beaucoup plus vite », commente Jean-François Limantour, qui préside aussi le Centre euro-méditerranéen des dirigeants textile-habillement (Cedith) et l’association Europe-Vietnam Alliance (Evalliance).
La Tunisie s’effondre…
Les coûts de production ont bondi en Turquie depuis plusieurs années. Le Smic mensuel y a encore augmenté en janvier, passant ainsi à 572 dollars. En outre, confie Jean-François Limantour, « l’Asie n’est plus seulement sur le bas de gamme et la sous-traitance, mais aussi sur les produits de qualité ». Enfin, l’emploi de milliers d’enfants réfugiés syriens dans les ateliers de confection commencerait à altérer l’image du pays.
Si, toutefois, la Turquie parvient malgré tout à demeurer sur le podium des premiers exportateurs de vêtement en Europe, juste devancés par la Chine et le Bangladesh, la Tunisie est, pour sa part, tombée du quatrième au neuvième rang, devancée par l’Inde, le Cambodge, le Vietnam, le Maroc et le Pakistan. « D’ici la fin de l’année, confie Jean-François Limantour, on doit s’attendre à une montée sensible des livraisons du Vietnam avec l’accélération de la mise en œuvre de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne ».
Moins d’entreprises locales, moins d’exportations et moins d’investisseurs étrangers. Les lendemains du printemps arabe sont amers pour le pays du jasmin, dont la situation politique reste incertaine et qui est confrontée à des tensions sociales fortes et à une insécurité constante.
… le Maroc résiste
Pour Jean-François Limantour, le Maroc, s’il est en recul relatif, tire néanmoins son épingle du jeu de la concurrence, grâce à une politique nationale d’appui à l’investissement et de soutien de ses exportations lisible et structurée. Le Centre marocain de promotion des exportations (CMPE, ex-Maroc Export) mène ainsi des actions sur tous les continents : Europe, Amérique, Asie. Dans la nouvelle charte de l’Investissement, qui prévoit des zones franches pour tous les exportateurs, quel que soit leur nationalité, il est prévu que même les sous-traitants peuvent bénéficier du statut de point franc, dès que leur production va servir à exporter, ce qui est particulièrement important pour les sous-traitants de deuxième et troisième rang dans le textile-habillement.
En juillet, le français Decathlon a conclu une convention d’établissement. Donneur d’ordre de plusieurs sous-traitants marocains, il s’est engagé à construire une plateforme de sourcing local pour favoriser l’export et alimenter ses magasins dans le Royaume, au nombre de quatre à l’heure actuelle, mais qui devait passer à 30 au terme de son plan de développement.
François Pargny
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