En dépit de sa sortie de l’UE et de la crise sanitaire, le Royaume-Uni est toujours une destination de choix pour les produits alimentaires Made in France. Ils doivent cependant soigner leur marketing pour ne pas se faire tailler des croupières par une concurrence accrue, selon une récente étude de Business France sur les opportunités de ce secteur outre-Manche. Revue de détail avec les exemples des fromages, fruits et légumes, charcuteries et produits d’épicerie.
Si la sortie de l’Union européenne (UE) et les conséquences de la crise sanitaire sur les chaînes d’approvisionnement ont compliqué l’importation de produits français, ces derniers tiennent leur position. Mieux : en 2021, la France est redevenue, derrière les Pays-Bas, le deuxième fournisseur de produits agricoles et agroalimentaires du Royaume-Uni, place qu’elle avait cédée en 2018 à l’Irlande.
Traditionnellement présentes dans le vin (25 % des importations en 2021), les produits laitiers (9 %) et la BVP (boulangerie, viennoiserie, pâtisserie), les spécialités françaises ne doivent pas pour autant se reposer sur leurs lauriers. D’autant que les consommateurs britanniques demeurent ouverts à la nouveauté et à l’innovation. Exemple avec le segment des fromages.
Fromages : peut mieux faire en matière d’innovation
Les exportations vers le Royaume-Uni, troisième marché export des fromages français (principalement du bri, du camembert, du comté et du fromage frais), sont à la baisse depuis 2015 et ont connu un net recul en 2020 (- 17,2 %) avant de rebondir de +2,3 % en 2021.
En cause, entre autres (et hors produits haut de gamme) : le facteur prix, toujours très important pour le consommateur britannique. Les fromages français sont en général plus chers que leurs concurrents irlandais, italiens, allemands ou néerlandais.
En outre, les experts de Business France pointent une offre « qui reste très classique et qui risque de se faire dépasser dans un pays où l’innovation et les effets de modes importent énormément ». En témoigne la mode des fromages à griller, en particulier le halloumi, dernière tendance des fromages dits « de spécialité » (+ 2 % de croissance par an).
Consommateurs et importateurs sont particulièrement sensibles à ces innovations. « On recherche tous types de fromages, ça doit juste être quelque chose qui n’est pas encore au Royaume-Uni. Tout est bon à prendre : végan, lait de vache, lait de chèvre, pasteurisé ou non pasteurisé », témoigne un importateur.
Autre reproche souvent formulé par les acheteurs britanniques : le manque de flexibilité dans les commandes qui perturbe la relation commerciale. « Ça nous arrive d’appeler un fournisseur alors que la commande n’est pas partie en leur demandant de rajouter une dizaine de meules et c’est refusé », regrette un importateur régional de produits gourmets.
Fruits et légumes : s’adapter au principe du prix unique
Dans le segment des fruits et légumes frais, c’est le principe du prix unique qui explique la piètre performance des produits tricolores. Les grands acteurs du foodservice fonctionnent par appels d’offre et il est impératif, pour y participer, de proposer des prix fixes sur la durée de la saison. Or, très peu de fournisseurs français acceptent de se plier à cet exercice.
Explications d’un importateur national RHD, anonyme comme toutes les personnes citées dans cette étude : « On raisonne comme ça : on demande au producteur combien sa production a coûté, on lui demande d’additionner le profit qu’il souhaite réaliser (5 ou 7 % par exemple) et d’en tirer un prix qui sera fixe pour 6 mois. Aujourd’hui, on a seulement deux fournisseurs français parce que ce sont les seuls qui acceptent les prix fixes. » Une réticence infondée selon cette même source : « Quand on compare sur la saison, on se rend compte qu’ils entrent dans nos fourchettes de prix et qu’ils sont compétitifs par rapport aux autres pays. »
Résultat : sur ce segment, la France n’est que le 14e fournisseur du Royaume-Uni à qui elle vend essentiellement des pommes. Et cela alors que l’offre française en fruits et légumes conserve une image qualitative avec une offre reconnue et recherchée sur le segment haut de gamme.
La proximité géographique et une bonne maîtrise de la logistique, notamment via Rungis, constituent pourtant deux atouts de poids pour satisfaire ce marché où l’essor des régimes alimentaires alternatifs (flexitariens, végétariens, végans) profite notamment aux légumineuses et aux champignons.
Charcuterie : plus de collectif ?
Présente sur le segment des préparations et conserves de viande de volaille, des saucisses et des saucissons, la France est l’un des rares fournisseurs à avoir affiché une croissance en 2021 (+ 5,5 %), avec l’Italie (+ 1,5 %) et la Pologne (+ 19,8 %).
En revanche, les jambons français ne parviennent toujours pas à trouver leur place sur ce marché. « Je n’arrive pas à comprendre comment le jambon de Bayonne n’est pas parvenu à s’imposer, se désole un industriel français. Les Français ne travaillent pas ensemble, il n’y a pas l’unité nécessaire pour concurrencer les Espagnols et les Italiens. Il y a 30 ou 40 ans vous parliez de charcuterie espagnole on rigolait. Aujourd’hui dans les linéaires anglais, les Espagnols font 20, 30, 40 fois plus que les Français ! »
« Les Espagnols et les Italiens ont quelques appellations qui ont bonne presse, mais le produit français aura toujours une aura qualitative qui s’accompagne d’un prix plus élevé, nuance un producteur et importateur britannique. Est-ce que ça en fait un produit compétitif ? Ça dépend comment il sera mis en marché ». Le fameux marketing, pour lequel les Frenchies semblent avoir un appétit modéré.
Epicerie : des efforts à faire dans le marketing
Ainsi de l’épicerie, secteur dans lequel la France se positionne avant tout sur les segments des boissons sans alcool (eaux minérales et soft drinks, 1er fournisseur), des chocolats et des glaces (1er fournisseur également). Même si les importations en provenance de France ont augmenté de 17 % entre 2016 et 2021, permettant au pays de conserver une part de marché stable sur la période, des efforts en matière de marketing permettrait à l’offre française de briller un peu plus.
« Elément important pour aborder le marché britannique, un bon marketing est une absolue nécessité pour réussir sur l’épicerie sucrée, d’autant plus que l’offre française reste généralement peu connue, estime Business France. Largement plébiscités par des consommateurs qui aiment se faire plaisir et découvrir de nouvelles saveurs, l’épicerie sucrée est, davantage que les produits frais, l’occasion de mettre en avant des éléments de storytelling (savoir-faire, tradition artisanale, qualité, etc.). Bien présentés, les produits français sont en mesure de se positionner tant sur le milieu de gamme que sur le segment premium. »
Un budget conséquent pour la promotion (storytelling, échantillons, etc.) et le packaging est donc à prévoir pour conquérir ce marché où le marketing est roi, et justifier des prix de vente élevés. « En France, on a du mal à faire autre chose que du luxe, du très compliqué ou de l’exportation de masse. Il y a une place au milieu pour de très belles marques qui seraient très bien accueillies ici. Tout ça, ce n’est qu’une question de marketing », résume un industriel français.
Surgelés : une offre trop premium ?
Le choix du bon distributeur est également primordiale, y compris dans l’e-commerce, canal de distribution privilégié pour les produits surgelés, qui ont une image moins qualitative qu’en France et ne font en général pas l’objet d’opérations marketing. L’offre française, qui se concentre notamment sur des produits perçus comme typiques (desserts, pâtisseries, viennoiseries…) est en général plus chère que la concurrence locale.
« Picard est un exemple notable : l’offre, jugée trop onéreuse pour Tesco et Sainsbury’s est en revanche très visible sur Ocado et rencontre un certain succès malgré un positionnement prix plus élevé que la concurrence », note Business France. Un positionnement premium à l’image de celui de la marque française dans la distribution physique.
« Nous avons examiné la gamme Picard par le passé. C’était cher et ça contredit fondamentalement notre vision du surgelé, confie un acheteur de la grande distribution. Oui, un détaillant haut de gamme pourrait se permettre d’afficher de tels produits. Nous sommes bien sûr toujours intéressés pour rencontrer ce genre d’opérateur mais on a déjà essayé par le passé d’afficher des produits à ce prix et ça n’a jamais fonctionné. »
Des pommes aux croissants surgelés en passant par le saucisson et les confiseries, les produits français doivent donc faire l’objet d’un marketing soigné pour attirer l’attention des acheteurs britanniques. « Les distributeurs sont réputés pour être particulièrement difficiles dans ce pays. La concentration des distributeurs britanniques est l’une des plus fortes au monde, rappelle le représentant d’une fédération professionnelle. Le pouvoir des acheteurs est immense et s’est encore accru avec le Covid. »
Sophie Creusillet
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