La PME lyonnaise Genoway, spécialiste des modèles précliniques génétiquement modifiés pour l’industrie pharmaceutique, s’est taillé une place dans un secteur aussi internationalisé que concurrentiel. Son credo : prendre pied rapidement sur des marchés en plein essor, adapter ses stratégies de distribution et travailler la relation client. Vingt-cinq ans après sa création, elle entend devenir leader mondial.
Direction Shanghai. Fin 2023, Genoway a fait une entorse à sa stratégie de distribution habituelle en créant sa première entité à l’étranger : une coentreprise en Chine. « Nous avons appris de nos erreurs », sourit Alexandre Fraichard fondateur et directeur général de cette entreprise de 130 personnes installée à Lyon. Présente sur ce marché en plein essor via des distributeurs locaux avant la pandémie de Covid-19, elle a finalement changé son fusil d’épaule.
« Le distributeur avec lequel nous travaillions en Chine n’investissait pas dans les compétences scientifiques et nos modèles étaient pour eux un produit parmi d’autres, explique le dirigeant. Ils ont fini par baisser les bras au bout de 18 mois, lassés par la faiblesse des ventes. » Car ce n’est pas un hasard si les commerciaux de Genoway ont tous un doctorat en sciences. Le sujet requiert de solides connaissances, en sciences mais aussi de l’écosystème de de la recherche pharmaceutique.
90 % de l’activité à l’international, et 50 % aux États-Unis
L’entreprise s’est spécialisée dans les modèles génétiquement modifiés utilisés lors des essais précliniques en immuno-oncologie. Souris, rats et cultures cellulaires miment l’humain et ses maladies pour contribuer à prévenir et guérir. A Shanghai, c’est via un investisseur français (Eximium) que l’entreprise a pu rencontrer ses partenaires et commencer à recruter des équipes commerciales de haut niveau scientifique. La PME lyonnaise détient 45 % du capital mais conserve un droit de veto sur les choix stratégiques de la coentreprise, y compris les recrutements.
A l’inverse, elle commercialise ses modèles via des distributeurs notamment en Corée du Sud (Central Lab Animal Inc), au Brésil (Veritas) ou encore en Europe du Nord (Timeline Bioresearch). Elle travaille en revanche en direct sur ses principaux marchés à savoir l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse et surtout les États-Unis, où elle réalise 50 % de son activité à l’international qui représente elle-même 90 % de son chiffre d’affaires global (20,2 millions d’euros en 2023).
Pas de présence physique aux États-Unis
Cette prépondérance de l’export, en particulier à destination des États-Unis, s’explique par la mondialisation de ce marché que Genoway estime à 2 milliards de dollars. « En 20 ans, nous avons vu des centres de recherche et développement fermer en Europe et rouvrir aux États-Unis, qui représentent aujourd’hui la moitié du marché mondial, tandis que l’Europe et la Chine en capte 25 % chacune », résume Alexandre Fraichard. Le tout premier contrat de Genoway n’a pas été signé en France, mais avec une entreprise… britannique.
Alors que le volume d’affaires réalisé outre-Atlantique pourrait logiquement exiger une solide présence commerciale sur place pour la prospection et le suivi des clients, il n’en est rien. Le marché est géré depuis le fief lyonnais de l’entreprise. Une aberration sur un marché où une présence locale est en général primordiale ?
« Ca étonne toujours, mais nous n’avons en fait pas besoin d’une implantation sur place, qui coûterait cher, précise le dirigeant, lui-même issu de la recherche académique. C’est aussi une question de positionnement : nous donnons de l’importance à l’activité de conseil. Le prix unitaire d’un modèle est élevé et nous préférons prendre l’avion. Il faut se voir, démontrer la valeur ajoutée d’un produit. La confiance est primordiale d’autant que nous intervenons au début d’un projet, sans données de référence puisque nos modèles sont utilisés lors de la phase préclinique ».
Une prospection tous azimuts
Ce travail de prospection commerciale à forte composante scientifique et à laquelle la PME est désormais rompue, devrait servir une nouvelle cible fixée par son nouveau plan de développement à 5 ans : les sociétés de recherche contractuelle, ou CRO (Contract Research Organization), qui réalisent les manipulations des phases précliniques pour le compte de l’industrie pharmaceutique ou biotechnologique. « Elles ont des réflexes de sous-traitants et ont tendance à ne pas bouger tant que l’industrie pharmaceutique ne le réclame pas, mais, comme avec nos autres clients, une fois qu’on a réussi à les convaincre il y a ensuite beaucoup de ‘repeat business’ et les CRO constituent un relai commercial intéressant », observe le directeur général.
Dans ce contexte, le travail de défrichage des opportunités d’affaires se fait essentiellement lors de congrès spécialisés, via le réseau et par le démarchage d’entreprises identifiées. « L’activité de R&D est très confidentielle et bouge vite, il ne faut pas arriver après », souligne Alexandre Fraichard. Cette ligne directrice conduit Genoway à s’intéresser très tôt à des marchés encore modestes mais appelés à se développer. « L’Amérique latine est composée de petits marchés où l’activité est très récente dans notre secteur mais nous sommes présents via des distributeurs de manière un prospective. Les contrats prévoient une année sans volume d’affaires minimum et nous avisons ensuite. »
Pour l’heure, Genoway compte renforcer ses équipes commerciales en 2024 et développer le Japon, l’Inde, le Canada et, bien sûr, sa coentreprise chinoise. « Le marché chinois est déjà important et en forte croissance. La qualité augmente et le secteur bénéficie d’une volonté politique très forte avec beaucoup d’investissements privés. Les progrès qu’ils ont fait en cinq ans sont impressionnants : ils ont triplé leurs parts de marchés des projets en phase clinique et ont rattrapé l’Europe. La Chine n’est plus l’usine de services précliniques du monde mais se voit aujourd’hui en inventeur de médicaments. »
En attendant, le dirigeant attend les premiers contrats en Chine dans les prochains mois grâce à son équipe à Shanghai.
Sophie Creusillet