Abrisud, c’est au départ l’histoire d’une entreprise familiale spécialisée dans l’abri de piscine. Elle passe ensuite de mains en mains, à des fonds d’investissements pour atterrir en 2020 dans le giron du groupe Akena, fabricant vendéen de vérandas et pergolas. Histoire d’une stratégie de reconquête à l’export.
Alors que la famille Chapus vend des échelles dans les foires et les salons dans les années 90’s, elle se lance en 1994 sur le marché de niche des abris de piscine. L’affaire, basée à L’Isle Jourdain, dans le Gers, commence à décoller trois ans plus tard et en 2002, elle devient le leader en Europe.
Un facteur a contribué à ce succès rapide : « depuis 2000, on commençait à parler d’une future loi de sécurisation des bassins privatifs en France. Or, on était déjà le 2e pays le plus équipé au monde, derrière les États-Unis. Ramener au nombre d’habitants, on était même le numéro 1 », souligne Fabien Rivals, directeur général d’Abrisud (Groupe Akena), dans un entretien au Moci.
Un effet d’annonce qui a permis de booster le secteur. « Certains particuliers ont anticipé la loi, qui a été effective en 2004 », explique Fabien Rivals.
La loi 2003-9 sur la sécurité des piscines impose l’installation d’un dispositif de sécurité normalisé pour les piscines enterrées, non closes, privatives, à usage individuel ou collectif. Elle a d’ailleurs laissé jusqu’au 1er janvier 2006 aux propriétaires de bassins de plein air pour s’équiper d’un des quatre dispositifs normalisés visant à prévenir le risque de noyade. Il s’agit de l’alarme, la barrière, la couverture ou le volet de bassin et l’abri de piscine.
« Le marché a alors explosé avec l’ouverture en 2005 d’une filiale en Espagne et une unité de production située à Barcelone », souligne Fabien Rivals. La famille Chapus a préféré céder l’entreprise à Atria capital partenaires, fonds d’investissement spécialisé dans les moyennes capitalisations (ou mid caps). Le chiffre d’affaires d’Abrisud tournait alors autour de 38 millions d’euros.
Changement de stratégie avec Atria capital partenaires
La stratégie change de cap et devient plus agressive avec un enrichissement des gammes de produits. Les nouveaux abris se veulent « plus discrets et plus design », notamment avec la création en 2008 de l’abri plat. En 2014, Abrisud propose le volet de piscine puis l’abri télescopique. Elle a ainsi déposé 120 brevets et compte une quarantaine d’inventions.
Côté export, elle se tourne vers des distributeurs ou la création de filiales. A la suite du succès d’Abrisud Iberica en Espagne, l’entreprise décide de s’implanter en Allemagne puis au Bénélux.
Mais cette stratégie ne rencontre pas le même succès. « Des soucis de qualité sur les produits apparaissent. Quand on a ce genre de problématiques, ça ne pardonne pas ; et, les filiales allemande et italienne ferment », précise le dg de l’entreprise. Abrisud conserve tout de même l’Espagne et le Bénélux.
2020, le retour de l’ère industrielle
Le groupe Akena, spécialisé dans les vérandas et pergolas, choisit alors de racheter Abrisud en août 2020, tout en reprenant le passif de l’entreprise. La PME gersoise s’inscrit désormais dans le projet industriel global du groupe vendéen.
La nouvelle stratégie est claire : devenir un expert dans l’outdoor en France avec des ambitions européennes. « Nous nous sommes intéressés à Abrisud, car elle avait une forte expérience à l’export et la création de filiales », souligne Fabien Rivals. Et de compléter : « pour Akena, c’est une diversification, mais sans la volonté d’éteindre la marque Abrisud, qui reste la plus connue sur le marché de l’abri de piscine ».
Désormais, Abrisud bénéficie de tous les services du groupe Akena. « Là où Abrisud se focalisait sur les possesseurs de piscine, elle propose maintenant en Europe tous les produits outdoor sous la marque Abrisud, même si c’est fabriqué par Akena », s’enthousiasme le dg du groupe. « Ça aurait été dommage de perdre tous le socle et la notoriété qu’Abrisud a créé depuis une quinzaine d’année, notamment en Espagne », ajoute ce dernier.
Côté chiffres, en 2021, l’export représente environ 18,5 % du CA de l’entreprise. L’Espagne, premier marché cible, pèse à elle seule pour 10 millions d’euros (soit 13 % du CA). Le Bénélux génère 5 % du CA. En 2022, le dg prévoit 15 millions de CA à l’export, sur 65 millions d’euros (soit 23 % du CA).
« Aujourd’hui, la stratégie n’est pas forcément d’ouvrir de nouvelles filiales dans chaque pays européen. Nous allons bien évidemment conserver les deux filiales Iberica et Benelux qui sont rentables », précise Fabien Rivals. Et d’ajouter : « l’idée est de trouver un partenaire dans le pays visé, soit par la création d’une coentreprise, soit via un contrat d’exclusivité si ce dernier décide de monter une structure par ses propres moyens, soit via un réseau de distributeurs en marque blanche ».
Consolider les marchés export existants
Pour le Royaume-Uni et l’Italie, l’entreprise a trouvé un nouveau distributeur et commence tout juste à « réinvestir ces zones ». « Nous sommes loin des performances de l’Espagne et du Benelux, où l’on a ajouté les produits fabriqués par Akena au catalogue, en plus de la crise du Covid qui a été bénéfique sur notre secteur », observe le dg.
L’entreprise ne souhaite pas forcément prospecter de nouveaux marchés à l’export. « Nous allons répondre au coup par coup, par exemple en Israël, indique Fabien Rivals. Mais nous sortons de deux ans de saturation de notre outil de production, avec une demande extrêmement forte. Nous aurions pu produire plus, de 20 à 30 % sur certaines périodes, mais nous avons été limités par les approvisionnements en matières premières ».
Les produits sont fabriqués à partir d’aluminium et de polycarbonate, matière plastique utilisée pour les abris de piscine grâce à sa forte résistance thermique. Les fournisseurs sont européens, principalement en France, en Espagne, au Portugal et dans les pays du nord de l’Europe.
« Nous n’avons pas eu de rupture de matières premières. L’effet le plus important pour nous a été d’augmenter les délais de livraison », explique ce dernier. Sur une période normale, l’entreprise était capable de livrer un abri de piscine en 6 à 8 semaines ; aujourd’hui, c’est plutôt de l’ordre de 4 mois.
Côté prix, l’entreprise a augmenté d’environ 20 % ceux de sa gamme de produits. « Alors que le coût de certaines de nos matières premières a doublé, faire partie d’un groupe avec une forte capacité d’achat a permis de jouer sur nos marges et d’impacter de manière raisonnable le prix de nos produits », précise le dg.
En septembre 2020, le prix d’un kg d’aluminium était d’environ 2,80 euros brut. Aujourd’hui, il est compris entre 5,50 euros et 5,80 euros. L’entreprise dispose de 30 jours de stock et n’a pas poussé davantage sa capacité, en raison d’un manque de place.
En 2022, Abrisud possède six unités de production. Un plan d’investissement sur trois ans a été lancé en 2021 afin de permettre une remise à niveau de l’ensemble du parc machines. En 2021, environ 1,5 million d’euros a été investi sur l’usine de Bresle , notamment l’achat d’une machine-outil pour la fabrication des abris de piscines pro afin de répondre à la montée en gamme des campings. Une nouvelle usine devrait voir le jour d’ici deux ans, représentant 4 M EUR d’investissement. « L’idée est également de favoriser les circuits courts. Lorsque la filiale a suffisamment de ventes, alors notre objectif est de fabriquer sur place, notamment en raison de l’explosion des coûts de transport », conclut Fabien Rivals.
Claire Pham