Le député (Renew) Charles Rodwell a remis le 11 décembre son rapport sur l’attractivité « d’attaque » à la Première ministre Elisabeth Borne. Il recommande une politique plus offensive, ciblée sur les investissements étrangers dans des secteurs stratégiques pour la sécurité économique et une organisation en mode « projet » à tous les échelons. Il pourrait donner lieu à des décisions du gouvernement au cours du premier semestre 2024.
Certes, la France est le pays le plus attractif d’Europe depuis 4 ans en termes d’IDE (investissements directs étrangers), mais pour Charles Rodwell (ci-contre), député des Yvelines (Renew), qui vient de remettre son rapport à la Première ministre et au ministre de l’Economie et des finances, « on ne peut pas s’arrêter là ».
Il reste des « faiblesses structurelles », comme la difficulté à attirer de grands projets industriels, et surtout, ce nouveau contexte international marqué par le regain de tensions géopolitiques et économiques : le conflit UE Russie via l’Ukraine, la fermeture de la Chine sur certains marchés, l’offensive américaine sur les marchés de la transition énergétique avec l’IRA (Inflation Reduction Act). Autant de risques qui pèsent sur les chaînes d’approvisionnement de la France et de l’Europe au moment où celle-ci veut se réindustrialiser pour gagner en sécurité économique.
« Il faut nous adapter à ce changement de contexte radical, estime le député. On ne peut pas opposer la politique d’attractivité et l’indépendance économique ». D’où sa proposition de mettre en place « les bases d’une politique d’attractivité « d’attaque« pour l’indépendance et la sécurité économiques de la France, pour cibler les entreprises sur les marchés mondiaux destinées à venir sécuriser nos chaînes d’approvisionnement stratégiques ».
Encore faut-il que le pays puisse proposer un accueil digne de ce nom à ces industriels tant convoités. Et il ne s’agit pas seulement de facilités fiscales ou financières, où de l’accompagnement à l’implantation que fournit déjà Business France. Il s’agit aussi de s’attaquer au millefeuille administratif et réglementaire si caractéristique de notre pays, un des obstacles majeurs aux IDE identifiés par le rapport.
Entre les différents échelons administratifs et réglementaires locaux et nationaux, dans certain cas, « un investisseur peut avoir jusqu’à 40 interlocuteurs différents », déplore le député, qui a fait un véritable tour de France dans le cadre de sa mission, rencontrant une myriade d’élus, d’entrepreneurs et de responsables administratifs. « Les entreprises n’arrivent pas à déterminer qui à vraiment le pouvoir de décision mais elles savent qui à le pouvoir de blocage ».
Sans compter le risque d’instabilité juridique ou réglementaire qui peut insécuriser les collectivités locales et faire fuir les investisseurs.
Bouclier règlementaire, simplification, « mode projet » : les 28 mesures
Le rapport, un document de 282 pages, émet 28 propositions pour jeter les bases de cette nouvelle stratégie, regroupées en trois grands mots clés : « sécurité », « rapidité », « ampleur ».
Pour la « sécurité », l’une des propositions phares est d’assurer aux investisseurs mais aussi aux collectivités locales, un « bouclier réglementaire » de 5 ans pour le site choisi dans le cadre d’un contrat d’implantation. Parmi d’autres, citons encore le renforcement de la qualification des sites industriels « clés en mains » ou la réduction des délais d’instruction et d’autorisation.
Pour la « rapidité », c’est la simplification des dispositifs et la facilitation de la vie administrative aux investisseurs qui est manifestement recherchée pour une plus grande efficacité. Le rapport propose de faire de Business France « l’opérateur global de l’attractivité » et de nommer auprès de chaque préfet de région un « sous-préfet Investissement et attractivité » qui sera chargé de coordonner les administrations en « mode projet ».
Le député croit beaucoup à cette approche, qui a fonctionné en plusieurs endroit, par exemple à Valencienne pour Toyota, ou à Bézier pour le projet Eden (hydrogène vert). « Une constante du succès, c’est quand l’ensemble des acteurs s’organise en mode projet, peu importe qui assure le pilotage, agglomération, Région, préfecture, entreprise », assure Charles Rodwell.
Enfin, pour « l’ampleur », toute une série de mesures sont proposées visant à « mobiliser nos ressources publiques » ainsi que les financements privés vers ces projets d’investissement stratégique émanant d’industriels étrangers : financements, garanties, incitations fiscales, commande publique, accès à certaines aides à l’export (assurance prospection, crédit export), etc.
Une cellule du SGDSN en « mode projet » pour la mise en musique
Pour la mise en œuvre, le rapport Rodwell suit la même approche en mode projet, cette fois-ci au niveau national : il préconise que cette nouvelle politique d’attractivité « d’attaque » soit mise en place par une « équipe dédiée » au sein du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Pour son auteur, cet organisme rattaché au Premier ministre à l’avantage non seulement d’être en charge du suivi des enjeux de défense, sécurité et sûreté du pays, mais il est par nature interministériel, donc bien placé pour assurer un rôle de coordination de différentes administrations impliquées. « Le meilleur moyen d’échouer, c’est d’être en vase clos » argumente le député.
Quelle suite va être donnée à ce rapport ?
L’accueil réservé par Matignon a été positif : la Première ministre partage ses orientations, selon le député. Celui-ci a également rencontré Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique à Bercy le 12 décembre. Des rencontres avec Roland Lescure, ministre délégué en charge de l’Industrie, et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, étaient à l’agenda.
Charles Rodwell s’est fixé comme objectif que ses propositions se concrétise par des textes législatifs ou réglementaires dans le courant du 1er semestre 2024, par exemple dans le projet de Loi Pacte 2 qu’envisage le gouvernement. « Peu importe le ou les véhicules législatifs ou réglementaires », conclut le député, qui compte rester mobilisé ces prochains mois pour faire aboutir ses propositions.
Christine Gilguy