Le collectif « Export & Souveraineté » du Centre national pour la promotion des produits agricoles et alimentaires (CNPA) s’inquiète dans une récente étude des conséquences du déclin de la balance commerciale agroalimentaire sur l’économie française. Ses membres annoncent une campagne nationale de sensibilisation aux vertus de l’export.
Concurrence déloyale d’importations, accords de libre-échange, prolifération de réglementations à l’export… La colère des agriculteurs qui s’est exprimée ces dernières semaines en France s’est en grande partie arc-boutée sur des questions de commerce international. Aussi l’étude réalisé par Alterès pour le CNPA, qui réunit les organisations professionnelles de la filière, fait l’effet d’un pavé dans la marre.
Partant d’un constat connu de tous, à savoir le recul des parts de marché de la production française à l’internationale de la France, passé de deuxième à sixième exportateur mondial en 20 ans (tendance confirmée en 2023), les analystes du cabinet d’études, ont échafaudé deux scénarios à 12 ans.
Premier cas de figure : le déclin des exportations françaises en volume continue au même rythme sans augmentation de la valorisation. Cette perspective provoquerait une perte nette de 11 milliards d’euros (Md EUR) pour l’économie, de 1,6 Md EUR de recettes publiques et de 2,1 Md EUR à 3,5 Md EUR d’investissements cumulés.
Un sursaut à l’export créerait un gain de 24 milliards d’euros
Deuxième option : à l’inverse, la filière parvient à redresser la barre et à reconquérir les parts de marché perdues depuis 2010. Selon les calculs d’Alterès, le gain d’activité annuel bondirait à 24 Md EUR, créant un apport supplémentaire de 3,5 Md EUR dans les caisses de l’État et 75 000 emplois.
Des chiffres qui, quel que soit les scénarios, donnent le tournis. D’autant qu’ils s’appliquent à un vaste secteur très diversifié en termes de tailles d’entreprises, de débouchés à l’international et de problématiques réglementaires.
Pilier du commerce extérieur tricolore, le secteur est en effet en grande partie porté par les céréales et les vins et spiritueux, deux segments particulièrement sensibles à ce qu’Alterès qualifie pudiquement de « variations de marchés ». Ainsi, l’augmentation en valeur des exportations en 2022 ne contredit pas la tendance : elle fut largement portée par l’explosion du prix des céréales sur fonds de guerre en Ukraine et l’excédent devrait presque baisser de moitié pour 2023 selon l’Agreste (voir notre article sur le bilan 2023 du commerce extérieur). Si on retire les céréales mais aussi les vins et spiritueux, la balance commerciale se creuse à une allure considérable avec un déficit qui a augmenté en moyenne de 14 % par an entre 2007 et 2022…
Les organisations professionnelles en ordre de marche
« Exporter plus, ce n’est pas priver le consommateur français, c’est produire plus, gagner en compétitivité, réduire les prix, augmenter la qualité et ainsi proposer le meilleur rapport qualité-prix aux consommateurs, conclut l’économiste Nicolas Bouzou, fondateur d’Altérès. Derrière un export dynamique et un marché domestique bien desservi, il y a la même cause : une filière agricole et agroalimentaire forte parce que compétitive et dont les produits se vendent donc à la fois ici et là-bas. ». Ainsi, selon les projections de l’étude, une hausse ou une baisse de 10 % d’activité entièrement vendue à l’export implique une hausse ou une baisse de 11,5 % du bénéfice.
Forte de ce constat, le collectif « Export & Souveraineté » du CNPA, a décidé de répliquer par le déploiement d’une campagne de sensibilisation des pouvoirs publics et de la population. « Elle y exprimera un positionnement clair : un appel à retrouver la maîtrise de notre destin alimentaire grâce à une filière agricole et agroalimentaire forte car compétitive sur les marchés internationaux », précise le Centre dans un communiqué. Cette campagne comprendra notamment des événements mobilisant les acteurs des différentes filières dans les régions et un colloque au deuxième trimestre 2024. Le programme détaillé de cette mobilisation sera détaillé en ligne, sur le site https://export-agroagri.fr, qui doit être mis en ligne prochainement.
En attendant, la 60e édition du salon international de l’agriculture, qui attend 600 000 visiteurs du 24 février au 3 mars prochains à Paris, pourrait être l’occasion pour les agriculteurs de manifester une nouvelle fois leur colère. Les syndicats (majoritaires), la Fnsea et Jeunes agriculteurs ont posé cet événement comme date butoir au gouvernement pour concrétiser de premiers engagements en réponse à leurs revendications.
Sophie Creusillet
* Le Centre national pour la promotion des produits agricoles et alimentaires (CNPA) regroupe l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), l’Association nationale interprofessionnelle des vins de France (Anivin de France), l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (Apca), le Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (Cnipt), la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (Cnmcca), la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea), l’interprofession nationale porcine (Inaporc), l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), l’Interprofession céréalière (Intercéréales), l’ Interprofession de la filière des fruits et légumes frais (Interfel) , La Coopération Agricole et le Medef.