Les chiffres annuels du commerce extérieur français de biens et de services pour 2023, publiés par la Douane et la Banque de France le 7 février, confirment une nette amélioration du déficit commerciale mais restent préoccupants. Revue de détail.
C’est une première dans l’histoire récente du commerce extérieur français : aucun ministre ou secrétaire d’Etat pour commenter le bilan et les perspectives du commerce extérieur français le jour de la publication des chiffres annuels par la Douane et la Banque de France, ce 7 février !
En attendant la nomination du ou de la futur(e) titulaire de ce portefeuille rattaché au ministère des Affaires étrangères, les principales tendances confirment toutefois une nette amélioration du déficit, notamment grâce à une chute drastique de la facture énergétique et une hausse des exportations, tout en révélant le chemin qu’il reste à parcourir pour rétablir la balance des échanges.
Echanges de biens : fort redressement du solde commercial
Concernant les échanges de biens, l’amélioration est très nette : le solde commercial (FAB/FAB) se résorbe de +63 milliards d’euros (Md EUR) pour atteindre -99,6 Md EUR, après le pic record de -162,7 Md EUR en 2022 (CAF/FAB, le déficit est de -123,8 Md EUR après -188,6 Md EUR en 2022).
L’ampleur de cette bascule s’explique principalement par la baisse de la facture énergétique (+46,6 Md EUR pour le solde énergétique, à -69 Md EUR CAF/FAB). Le solde des échanges de produits manufacturés a également progressé (+22,8 Md EUR, à -124 Md EUR CAF/FAB incluant matériels militaires, et + 2,6 Md EUR hors matériels militaires) mais moins fortement. Un bémol toutefois : comme le souligne la Douane dans son commentaire, « le solde commercial 2023 reste bien inférieur à son niveau de 2010 », soit 70 % de ce niveau.
Si le déficit des échanges de produits manufacturés diminue, quelques évolutions sont inquiétantes : le solde des produits pharmaceutiques se dégrade est passe d’un excédent à un déficit (-2,6 Md EUR) sous l’effet d’une hausse des approvisionnements et d’une baisse des exportations. Même tendance négative pour les produits agricoles dont le solde reste excédentaire à + 1,2 Md EUR mais bien en dessous de son niveau de 2022 (+4,8 Md EUR).
Autre tendance positive, la France a regagné des parts de marché en 2023 : à 2,7 % des exportations mondiales de biens, elle a regagné 0,2 point en un an. Elle aurait ainsi conservé son rang de cinquième pays exportateur mondial en 2023. Une performance à relativiser : sa part de marché est encore inférieure de 0,3 point à son niveau de 2019 : (3 % ). Par ailleurs, ses principaux partenaires européens ont également regagné des parts de marché en 2023 (+0,1 point pour le Royaume-Uni et l’Espagne, +0,2 point pour l’Italie, +0,5 point pour l’Allemagne).
Des exportations de produits manufacturés en progression
Grâce à la chute des achats énergétiques et au reflux des prix des hydrocarbures, les importations ont reculé de -7,1 % pour atteindre 731 Md EUR (FAB) après deux années de hausse inédite. Néanmoins, les importations d’énergies restent supérieures à leur niveau de 2019 en raison de la fermeté des prix du gaz importé. Quant aux importations de produits manufacturés, elles ne reculent que légèrement, la tendance ayant été freinée par la hausse des approvisionnements en voitures électriques et hybrides et en textile-habillement.
Côté exportations, la tendance est inverse, quoique moins prononcée qu’en 2021 et 2022 : elles ont progressé de + 1,5 % pour atteindre 607,3 Md EUR (FAB, incluant matériels militaires et montants sous le seuil). Alors que la hausse des prix a marqué le pas en 2023 après les flambées de 2022, ce sont donc les ventes en volume qui ont alimenté la tendance, ce qui est positif.
Si plusieurs secteurs enregistrent des reculs (chimie, métallurgie, bois papier, bateaux, pharmacie, informatiques et électronique…), d’autres sont au contraire en progression, avec les plus fortes hausses réalisées par les matériels de transports (+ 16,7 % pour l’aéronautique et l’automobile !) qui, selon la Douane, retrouvent leur niveau de 2019 en valeur après les trous d’air de la période pandémique. Sont également en forme à l’export les machines, les parfums, les équipements électriques et électroniques et même le textile et l’agroalimentaire (ci-après)
Evolution des exportations de biens industriels
(FAB, hors matériels militaires et données sous le seuil)Les secteurs en forme
-Caoutchouc, plastiques : 23,4 Md (stable)
-Manufacturés divers : 22,5 Md EUR (+5,3 %)
-Agroalimentaire : 62,7 Md EUR (+2,2 %)
-Parfums : 23,6 Md EUR (+8,5 %)
-Equip. électr. et ménagers : 27,2 Md EUR (+8,2 %)
-Textile, habillement : 40,2 Md EUR (+5,9 %)
-Machines 48 Md EUR (+ 8,8 %)
-Aéronautique : 55 Md EUR (+ 16,7 %)
-Automobile : 56,5 Md EUR : + 16,7 %)Les secteurs en recul
-Chimie : 53,3 Md EUR (-5,7 %)
-Métallurgie : 37,9 Md EUR (-7,6 %)
-Bois, papier : 9,9 Md EUR (-14,6 %)
-Bateaux : 3,8 Md EUR (-22,7 %)
-Pharmacie 37,1 Md EUR (-2,8 %)
-Informatique et électronique : 35,8 Md EUR (-0,9 %)
-Autres matériels de transport : 1,9 Md EUR (-3,1 %)
-Autres produits : 4 Md EUR (-0,1 %)Source : Douane
Côté services, d’après les statistiques annuelles de la balance des paiements diffusés par la Banque de France, les échanges de services marchands dégagent un solde positif à l’exception des transports qui, sans doute influencés par le retour à la normal des prix du fret en 2023, terminent l’année par un déficit de – 3,1 Md EUR (après + 21,6 Md EUR en 2022). En revanche, les voyages continuent leur redressement (+18,5 Md EUR après + 17,4 Md EUR), de même que les « services divers » (+ 11,9 Md EUR après + 6,7 Md EUR) tandis que les services aux entreprises (conseil, R&D) connaissent un certain reflux mais restent positifs (+3,5 Md EUR, après + 6,3 Md EUR).
Au total, le compte des transactions courantes se redresse : d’après les chiffres de la Banque de France, grâce à la réduction de la facture énergétique (+44,4 Md EUR) et du déficit des biens hors énergie (+10,2 Md EUR), il termine 2023 par un déficit de -34,6 Md EUR, soit un gain de + 19,3 Md EUR par rapport à 2022 (-53,9 Md EUR).
Christine Gilguy
L’analyse détaillée de la Douane est disponible en ligne : cliquez ICI.