L’Afrique doit mieux utiliser son énergie, il y a urgence. Sans un meilleur accès à l’électricité de sa population, ce continent a peu de chance d’émerger à l’image de l’Asie il y a quarante ans. A ce jour, près de 60 % de sa population, soit 640 millions d’habitants, n’ont pas encore accès à l’électricité, d’après la Banque africaine de développement (Bad).
Hydroélectricité, énergie fossile, solaire, éolien, géothermie, biomasse, ce ne sont, pourtant, pas les sources d’énergie qui manquent, convenaient les participants de la table ronde « Quel mix énergétique pour l’Afrique de demain ? », le premier jour de l’évènement business Ambition Africa (30-31 octobre) au ministère de l’Économie et des finances.
S. Adel (Engie) : il faut « un mix énergétique vertueux, mais stable »
Ce qui fait défaut serait plutôt d’engager un cercle vertueux, en trouvant le bon équilibre entre énergies renouvelables – à développer sur le continent – et énergies fossiles – déjà disponibles, parfois en masse selon les pays (par exemple, en Angola, au Nigeria…).
Il faut « un mix énergétique vertueux, pour respecter et protéger l’environnement », soulignait ainsi Samia Adel, chef de cabinet et affaires institutionnelles d’Engie Afrique, « mais aussi stable », ajoutait-elle, en insistant sur le nécessaire équilibre à trouver entre énergies « intermittentes » (solaire, éolien) et « permanentes » (fossiles).
Selon la dirigeante, entre éolien (Maroc, Égypte, Afrique du Sud…), solaire (Sénégal…) et thermique, l’Afrique disposerait de 3,5 gigawatts installés.
« Les réserves solaires sont immenses, le renouvelable et le stockage répondent aux besoins et leurs coûts ont diminué », affirmait aussi Abdoulaye Touré, responsable senior du développement de projets d’énergies renouvelables en Afrique subsaharienne chez Quadran International, un producteur d’électricité renouvelable indépendant (IPP). Selon lui, « les technologies sont compétitives et moins chères que les technologies au charbon, alors que le diésel représente encore 80 % du mix en Afrique ».
Angola : de l’hydroélectricité au gaz liquéfié
Dans le mix, le gaz va prendre aussi plus d’importance. C’est le cas, par exemple, en Angola, dont l’électricité est aujourd’hui générée par l’hydraulique à hauteur de 53 %. Les coûts de production et de transport, généralement élevés, rendent l’énergie thermique peu intéressante comparée au gaz naturel, qui est un sous-produit de l’exploitation de l’or noir.
Géant pétrolier, l’Angola indiquait en juin sa volonté de transformer toutes ses centrales thermiques (35 % du parc électrique national) en centrales à gaz. Il vient aussi d’ouvrir une première usine de liquéfaction de gaz d’une capacité de 750 mégawatts dans le cadre du projet Angola LNG, associant la compagnie publique Sonangol (22,8 %), l’américain Chevron (36,4 %), le britannique BP, l’italien Eni et le français Total (13,6 % chacun).
Ce pays, qui entend exploiter ses 125 millions de pieds cubes de gaz, prévoit encore de se doter d’une deuxième centrale de gaz liquéfié de même taille.
A. Touré (Quadran) : « les pays africains ne peuvent se passer des bailleurs de fonds »,
Dans les énergies renouvelables, le financement des infrastructures est souvent un obstacle. A cet égard, Abdoulaye Touré distingue trois volets :
- L’investissement initial. Il est important et il faut pouvoir l’amortir sur plusieurs décennies. Et donc, les risques sont élevés.
- Les garanties sur investissement. Les États ne disposent pas de ressources et les initiatives internationales dans ce domaine demeurent insuffisantes.
- Le coût du crédit et des transactions financières (coûts juridiques…). Lequel renchérit les projets.
Pour Abdoulaye Touré, « les pays africains ne peuvent se passer des bailleurs de fonds ». Pour autant, il est indispensable de leur « laisser la liberté de concocter leurs propres plans de développement énergétique ».
Reste alors à les persuader de favoriser les moyens « les plus abordables à long terme », à savoir les énergies renouvelables et leurs capacités de stockage, plutôt que de se concentrer sur le thermique. Le solaire, notamment, est vital dans les zones rurales qui ne peuvent être desservies par des lignes à haute tension. Développement et solaire sont donc indissociables.
François Pargny