Le paquet fiscal adopté par le Parlement allemand le 21 mars dernier doit permettre à la première économie d’Europe de se relancer notamment grâce à des investissements sans précédent dans la défense et les infrastructures. Les effets positifs de ce plan de relance pourraient toutefois mettre du temps à se concrétiser.
L’économie allemande n’a pas dit son dernier mot. Tel est, en tout cas, le message que le leader conservateur Friedrich Merz, devenu officiellement chancelier le 7 mai, a clairement fait passer en faisant adopter un plan de relance d’une telle ampleur que le ministre-président de Bavière l’a qualifié de « plan Marshall allemand ».
La comparaison fait référence à la (très) grosse enveloppe de 500 milliards d’euros (Md EUR) sur 12 ans destinée à la rénovation des infrastructures, dont 100 Md EUR réservés aux communes et aux Länder et 100 Md EUR fléchés vers le Fonds climat et transformation (KTF). Le KTF doit permettre de financer la modernisation des routes et des ponts, des réseaux de transport d’énergie ou encore les hôpitaux.
Fin du tabou du déficit budgétaire
Une initiative bienvenue dans un pays où la vétusté des infrastructures fait régulièrement la une des journaux (effondrement d’un pont à Dresde en septembre 2024, fermeture du pont autoroutier de l’A100 pendant deux ans à Berlin…), mais qui fait figure de révolution dans un pays traditionnellement très attaché à ne pas faire flamber les dépenses publiques.
Ce méga plan inclut en effet un amendement constitutionnel permettant aux Länder d’afficher un déficit structurel de 0,35 % de son PIB (plafonnement jusque-là réservé au seul gouvernement fédéral).
Un autre amendement de la constitution (qui constitue aussi une révolution) prévoit l’exemption du frein à la dette pour les dépenses de défense et de sécurité au-delà de 1 % du PIB. Confirmé ministre de la Défense lundi 5 mai, Boris Pistorius sera chargé du réarmement de l’Allemagne, perçu comme une nécessité face à la menace russe et la fin du soutien américain à l’Ukraine.
Baisse de la fiscalité sur les entreprises
Sont également prévues des mesures d’incitation fiscale à l’investissement dans les biens d’équipement et, à partir de 2028, une baisse de 1 % par an du taux d’imposition des entreprises.
En outre, les entreprises bénéficieront d’une électricité moins chère. Alors qu’elle est de 10 centimes par kWh supérieure à la moyenne européenne, environ 5 centimes seront financés grâce à une baisse de la taxe sur l’électricité et à un plafonnement des redevances de réseau.
Enfin, le nouveau gouvernement s’est engagé à réduire la bureaucratie et les formalités administratives, en particulier pour les PME. Ce changement doit passer par une plus grande digitalisation des relations entre entreprise et administration et un ministère des Affaires digitales a été créé à cet effet.
Des effets attendus en 2026
Après deux ans d’une récession qui inquiète ses partenaires, en premier lieu la France, l’Allemagne a donc décidé de mettre les bouchées doubles et de maintenir son rang de première puissance économique européenne. A cet égard, l’annonce de ce méga-plan a produit ses premiers effets, plutôt positifs.
Après sa publication, les tendances relevées par les enquêtes de conjoncture se sont en effet nettement redressées. L’indice de confiance des analystes financiers (ZEW), publié le 18 mars, a montré une hausse de 21,6 points du solde d’opinion relatif aux perspectives économiques du pays. Le 25 mars, l’indice IFO, qui mesure le climat des affaires par secteur d’activité, a connu une amélioration dans le secteur manufacturier (+ 7,3 points par rapport à février), mais aussi le commerce de gros et les services.
Les indicateurs macroéconomiques ont également relevé la tête. L’Institut de Kiel pour l’économie mondiale (ifW) a ainsi relevé de 0,6 point ses perspectives de croissance du PIB en 2026, à 1,5 %.
Les effets positifs de ce plan de relance devraient mettre plusieurs mois à se concrétiser, « au plus tôt à l’été 2025 », selon une note de la DG Trésor française, qui précise que « l’impulsion budgétaire se matérialiserait surtout à compter de 2026 ». L’institut de conjoncture DIW estime qu’il permettrait au PIB allemand de progresser de 1 % en 2026, puis de 2 % par an au cours de dix prochaines années.
Pour appliquer ces mesures pour le moins ambitieuses, l’économie allemande devra relever bien des défis : la bureaucratie qui ralentit des projets d’infrastructures déjà étalés dans le temps, une main d’œuvre toujours en situation de pénurie ou encore la hausse des taux d’intérêt déclenchée par la hausse des rendements des obligations d’Etat après l’annonce du plan de relance. Ce qui pourrait retarder ou refroidir les investissements privés.
Sophie Creusillet