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Japon-UE, les bénéfices d’un accord

Le 29 novembre, le Conseil des ministres de l’Union européenne (UE) en charge du Commerce extérieur a adopté le mandat de négociation pour un accord de libre-échange (ALE) avec le Japon. Selon la Commission européenne, cet ALE pourrait doper de 0,8 % le produit intérieur brut (PIB) de l’UE et d’un tiers les exportations européennes vers l’archipel, tandis que les livraisons nipponnes dans l’UE augmenteraient de 23 %. L’enjeu est donc de taille. Le commerce extérieur et les investissements sont considérables entre ces deux poids lourds de l’économie mondiale, qui représentent ensemble plus d’un tiers du PIB de la planète. Toutefois, il faut s’attendre à des négociations longues et difficiles, entre deux et trois ans, explique-t-on à Paris.

En premier lieu, les protagonistes ne s’entendent pas sur les chiffres de leurs échanges. Par exemple, avec la France, au premier semestre 2012, les Douanes japonaises annoncent des importations en provenance de l’Hexagone de 4,7 milliards d’euros, alors que, pour les Douanes françaises, durant la même période, les exportations tricolores vers l’archipel ont atteint 3,6 milliards d’euros. Pour le Japon, qui a vécu comme un camouflet que l’UE ait signé un ALE avec la Corée du Sud, l’objectif essentiel est d’obtenir que ses voitures entrent librement en Europe. Or c’est justement dans l’automobile que les Européens, notamment les pays producteurs (France, Allemagne, Italie), sont les plus réticents à la conclusion de l’ALE.

Tokyo demande donc la suppression des droits de douane qui se montent dans ce secteur à 10 %. Son industrie, déjà fortement implantée sur le Vieux Continent, pourra ainsi mieux contribuer à la « revitalisation » de l’automobile européenne, dont la production a chuté, notamment en France. « La stratégie des constructeurs japonais n’est pas d’exporter mais d’investir sur place, à l’instar de Toyota en France », soutient Koji Toyokuni, le directeur général de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro) à Paris. « Bien sûr, reconnaît-il, nous avons besoin d’un accès libre au marché communautaire pour exporter des pièces détachées. Mais nos constructeurs travaillent aussi avec des équipementiers et sous-traitants européens et font travailler de nombreux citoyens européens ». Conseiller principal chez BusinessEurope, l’association européenne des entreprises privées, Carsten Dannöhl tient un discours différent. Il estime que « certains modèles, produits aujourd’hui seulement pour le marché japonais, seront probablement, en cas d’accord, exportés vers l’UE ». Si les droits de douane sur l’automobile japonaise étaient supprimés, le gain pour les constructeurs nippons serait de l’ordre de 1 000 à 1 500 euros sur le prix de vente d’une voiture importée dans l’UE. Un avantage considérable, qui ne serait, quoi qu’il en soit, pas compensé par un meilleur accès des produits européens au Japon. En effet, le marché nippon est saturé et protégé par des barrières réglementaires et des standards spécifiques qui ne sont pas harmonisés aux normes internationales de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (Unece). Du coup, la part de marché dans l’automobile détenue par des marques étrangères au Japon est inférieure à 5 %. Pour la France, ce secteur représente un de ses principaux déficits commerciaux avec ce pays d’Asie.

En France, le ministère du Commerce extérieur a lancé une consultation auprès des professionnels. Le transport ou la machine-outil rejoignent l’automobile dans leur réticence à la mise en place d’un ALE. En revanche, les secteurs de la consommation, la chimie, la pharmacie et l’électronique sont favorables à un accord, parce qu’ils espèrent une levée des barrières non tarifaires (BNT). Tous secteurs confondus, pour les Européens, le principal enjeu est la fin de ces BNT, fort nombreuses au Japon. Selon le rapport de Copenhagen Economics 2009, environ les deux tiers des exportations européennes vers le Japon sont liées à l’élimination de ces barrières, contre la moitié dans le sens inverse. La baisse des tarifs n’est pas un objectif pour les Vingt Sept sauf, marginalement, dans le vin. Les droits de douane dans l’archipel étant généralement bas, voire inexistants.

Dans la pharmacie, les industriels européens continuent à se heurter à des procédures d’autorisation longues et coûteuses et à la non-reconnaissance de certaines normes internationales ainsi que des essais cliniques effectués à l’étranger. Dans ce secteur, comme dans la chimie en général, l’ouverture du marché nippon donnerait un coup de fouet aux exportations européennes.

Paris s’agace aussi de l’enlisement du dossier de demande de levée de l’embargo sur la viande de bœuf française, appliqué par Tokyo depuis la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en Europe. Le dossier a été transmis le 19 décembre 2011 à la Food Safety Commission (FSC) japonaise, qui a rendu des conclusions devant permettre la reprise des livraisons françaises, après négociation d’un protocole bilatéral. Or, sur une liste prioritaire de 42 substances établie avec les autorités japonaises, seulement une quinzaine d’additifs alimentaires serait en cours d’examen. Une lenteur qui perdure puisque Tokyo aurait indiqué être prêt, sans pour autant s’engager clairement, à étudier trois d’entre eux d’ici mars 2013.

Le directeur du Jetro à Paris affirme que le Japon est prêt à supprimer les BNT et à ouvrir ses marchés publics, autre grosse pomme de discorde avec les Vingt-Sept. Du côté de Bruxelles, on commence à s’impatienter. Des tensions sont aussi palpables du côté des capitales européennes. La majorité d’entre elles était favorable à la signature d’un ALE. Une feuille de route, comprenant la suppression de 31 BNT, avait été rédigée après trois années de travaux au sein de groupes bilatéraux. Mais aujourd’hui, elles déchantent, le gouvernement de Tokyo ayant toujours considéré que, pour faciliter l’accès à son marché, il avait une obligation de moyens pas de résultat.

En avril dernier, les travaux entrepris par un organisme chargé de la réforme à Tokyo, l’Unité de revitalisation du gouvernement (GRU), ont été jugés décevants à Paris. Toutefois, le 10 juillet, le vice-Premier ministre en charge de la réforme administrative, Katsuya Okada, s’est déclaré confiant quant à la prise en compte par le gouvernement de certaines demandes des Européens dans l’automobile (reconnaissance des normes internationales, liberté d’établissement de magasins de vente) et l’alimentation (désignation des additifs).
Pour sa part, le 17 juillet, le commissaire européen en charge du Commerce, Karel De Gucht, a averti qu’il demanderait l’arrêt des négociations, « si le Japon n’a pas supprimé ses principaux obstacles non tarifaires dans un délai d’un an après le début des négociations ».

François Pargny

L’Europe affiche un déficit de 18,5 milliards d’euros

En 2011, les exportations de biens (machines, équipements de transport, produits chimiques et agricoles) de l’Union européenne vers le Japon représentaient un total de 49 milliards d’euros. Dans le même temps, ses importations (machines, équipements de transport, produits chimiques) s’élevaient à 67,5 milliards d’euros. Dans les services, exportations et importations européennes se montaient respectivement en 2010 à 12,7 milliards et 17,2 milliards d’euros. S’agissant des flux d’investissements directs étrangers (IDE), le Japon est un investisseur majeur dans l’UE, avec un stock d’IDE de 129,1 milliards d’euros en 2010.

F. P.

L’enjeu de l’ouverture des marchés publics

L’accès aux marchés publics japonais est une demande récurrente des Européens. « La discrimination à l’encontre des étrangers est patente », s’insurge un industriel européen. Ainsi, quand les autorités japonaises mettent l’accent sur les contrats remportés par Veolia Water Japan durant la période 2012-2016, elles omettent de préciser que le champion français a racheté plusieurs entreprises locales et agit sous un nom nippon. Mais c’est surtout dans le secteur ferroviaire que la mauvaise volonté du Japon est dénoncée. Une attitude qui semble surprendre le directeur général à Paris de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro), Koji Toyokuni. Selon lui, « Japan Railways étant une société privée, l’Etat ne peut intervenir ». Koji Toyokuni consent, néanmoins, à convenir que les autorités peuvent « inciter » l’ancien opérateur public à ouvrir ses marchés. Dans la pratique, Bruxelles reproche notamment à Tokyo l’utilisation abusive de la « clause de sécurité opérationnelle », par exemple, qui permet d’imposer des dispositions techniques particulières en matière sismique lors des appels d’offres. Or, il y a un an, lors de la révision de l’Accord sur les marchés publics (AMP), conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Japon, au dernier moment, s’était engagé à ouvrir le secteur ferroviaire à ses partenaires. De façon concrète, il s’agissait d’ouvrir les marchés de la reconstruction du Tohoku, région dévastée par le tsunami de mars 2011, et à employer la clause de sécurité « de façon non discriminatoire, transparente et prévisible », précise-t-on dans les milieux français. Depuis, aucun progrès n’aurait été constaté. La feuille de route, adoptée fin mai 2012, laissant suffisamment de place à l’interprétation, elle demeure lettre morte pour le moment.

F. P.

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