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Brésil : les nouveaux business de la crise

La crise économique contraint le gouvernement brésilien à engager un début de remise en cause de son modèle traditionnel de développement et à ouvrir davantage l’économie. Les investisseurs étrangers anticipent la reprise en intensifiant le rachat de sociétés brésiliennes.

 

Finis les discours optimistes sur le Brésil ! Confronté à une série de déséquilibres économiques (déficit public supérieur à 6 % du PIB en 2014, inflation élevée, balance commerciale dans le rouge), le gouvernement brésilien s’est résolu à la mise en place d’une politique d’ajustement budgétaire sévère, tandis que la Banque centrale du Brésil (BCB) a décidé de relever ses taux d’intérêt. « C’est un plan d’austérité qui s’inscrit dans une stratégie globale de redressement de l’économie brésilienne », explique Jean-Claude Bernard, ministre conseiller pour les Affaires économiques et chef du Service économique régional (SER) de Brasília.

L’impact des mesures a commencé à se faire sentir. La consommation des ménages a reculé pendant le premier trimestre de 2015 (- 0,9 %) et les immatriculations automobiles ont littéralement plongé pendant les cinq premiers mois (-20 %). À cela, s’ajoutent les conséquences de l’opération « Lava Jato » (lavage rapide), liée à la corruption au sein de la compagnie pétrolière publique Petrobras, et les difficultés de l’exécutif à faire approuver les mesures de politique économique par le parlement. La popularité de la présidente, Dilma Rousseff, réélue en octobre 2014, est tombée au plus bas (10 % d’opinions favorables). Une partie de l’opposition voudrait même la destituer, sous prétexte qu’elle serait impliquée dans le scandale de Petrobras.

« L’ajustement fiscal et monétaire n’a pas encore fait sentir tous ses effets : nous n’avons pas encore vu le pire du point de vue de l’activité économique », affirme l’économiste brésilien Alexandre Schwartsman, qui table sur une baisse du produit intérieur brut (PIB) de 2 % en 2015 et une progression de 0,5 % en 2016. La reprise, selon lui, ne serait vraiment perceptible qu’en 2017 (+ 2 %).

Les responsables de la politique économique brésilienne ne se contentent pas de prendre des mesures d’ajustement conjoncturel : ils veulent aussi s’attaquer aux problèmes structurels (absence de compétitivité de l’industrie, dépendance excessive à l’égard des matières premières, faiblesse de l’innovation, environnement des affaires peu favorable etc.) en s’inspirant d’une vision plus libérale de l’économie. Le ministre du Développement, de l’Industrie et du Commerce extérieur, Armando Monteiro, n’est autre que l’ancien président de la Confédération nationale de l’industrie (CNI), la principale organisation du patronat brésilien, l’équivalent local du Medef. Il envisage de simplifier les procédures de commerce extérieur (importations et exportations) avec la création d’un « guichet unique ».

Le ministre est également favorable à la facilitation des importations de haute technologie afin de moderniser l’économie, à la réduction des coûts et de la lourdeur des procédures d’entrée des marchandises étrangères au Brésil et à la conclusion de grands accords commerciaux, à commencer par celui entre le Mercosur et l’Union européenne, dont la négociation est bloquée depuis plusieurs mois. Les règles en matière de contenu local pourraient également être assouplies dans certains secteurs. Le protectionnisme commence à être remis en cause.

Le gouvernement avance aussi sur d’autres fronts. Il a réussi à faire voter une loi qui modernise la sous-traitance, en la mettant au niveau des pratiques mondiales. « Cette réforme peut contribuer de manière décisive à améliorer la compétitivité de l’industrie brésilienne », note Jean-Claude Bernard. Le ministre des Finances, Joaquim Levy, qui est le principal artisan de l’actuelle politique économique, s’attelle à une simplification de la fiscalité et souhaite développer de nouveaux véhicules de financement des entreprises. Le président de la Banque nationale de développement économique et social (BNDES), Luciano Coutinho, réfléchit à de nouvelles modalités de financement de l’innovation. Un nouveau plan de développement des infrastructures faisant appel au secteur privé a été présenté le 9 juin dernier (voir encadré). « Le gouvernement brésilien esquisse actuellement, par touches successives, une stratégie de réformes structurelles. La reprise de l’activité économique à partir de 2016 devrait se produire sur des bases plus solides », affirme ainsi Jean-Claude Bernard.

D’ailleurs, les investisseurs étrangers se placent déjà dans cette perspective. En 2014, le nombre des opérations de fusions-acquisitions (M&A) a augmenté de 50 % et les spécialistes tablent sur une progression de 100 % cette année. La participation des étrangers à ces projets est passée de 45 % en 2014 à 55 % pendant le premier trimestre de 2015. « Les conditions d´acquisition ont changé en 2015. Les prix sont globalement plus accessibles en raison de la dévaluation du real et de la dépréciation des actifs liée à la rétractation du marché domestique », souligne Frédéric Donier, président du cabinet de conseil Crescendo, actif sur plusieurs projets au cours des derniers mois. La monnaie brésilienne, longtemps excessivement surévaluée, a vu son cours reculer face au dollar de plus de 30 % au cours des douze derniers mois (15 % par rapport à l’euro)*.

Charles-Henry Chenut, associé du cabinet d’avocats Chenut Oliveira Santiago, spécialisé dans les fusions-acquisitions, observe, de son côté, un « changement du profil des investisseurs ». « Ce sont des entreprises plus préparées, avec une trésorerie réelle, une meilleure connaissance du marché et des investissements lourds. Il peut s’agir d’investisseurs déjà présents au Brésil qui souhaitent renforcer leurs positions ou de nouveaux venus. Dans ce cas, ce sont les grandes entreprises et les ETI qui prédominent », précise-t-il, tout en insistant sur le fait qu’ « il y a une vraie difficulté à racheter une société brésilienne ». Des audits juridiques et comptables, approfondis et coûteux, sont indispensables pour déceler les passifs plus ou moins occultes. « Certains secteurs ne disposent pas de sociétés à reprendre dans de bonnes conditions, en raison de la persistance de l’économie informelle et des problèmes de gouvernance et d’insolvabilité » note, pour sa part, Frédéric Donier. Plusieurs ténors français ont surmonté ces obstacles et bouclé de belles opérations de rachats au cours de la période récente. InVivo NSA (Nutrition et Santé Animales), déjà présent au Brésil, a racheté Total Alimentos, devenant ainsi le nº 3 du marché des aliments pour animaux de compagnie. En mars 2015, Vinci Energies a finalisé l’acquisition de la société Orteng Engenharia e Sistemas SA et renforcé ses positions sur le marché brésilien, devenant ainsi l’un des leaders des services à l’industrie, ainsi que des infrastructures d’énergie et de transport. EDF Energies Nouvelles vient d’entrer sur le marché via l’acquisition d’une participation majoritaire dans la société locale Sowitec qui dispose d’un portefeuille de 800 MW de projets éoliens.

En dépit de la récession, le géant sud-américain conserve des atouts indéniables, à commencer par la taille de son marché intérieur. « Le Brésil dispose d’une classe moyenne d’au moins 120 millions de personnes », fait observer Didier Koch, directeur d’Altios Brésil. Si l’automobile ou les biens de consommation courante souffrent en raison de la baisse de la consommation, l’agrobusiness et d’autres secteurs sont porteurs : cosmétiques, pharmacie, hydrocarbures (malgré les difficultés de Petrobras), énergies renouvelables, services urbains, TIC, Internet, logistique, formation, finances, etc. Pour Didier Koch, « le Brésil reste un pays incontournable ».

Daniel Solano

*Au 6/07/2015 100 BRL = 28,7 EUR

 

Infrastructures : ouverture aux étrangers

Le nouveau Plan d’investissement en logistique (PIL) a été présenté le 9 juin dernier. Il prévoit des investissements sous forme de concessions à hauteur de 198,4 milliards de réals (56,9 milliards d’euros) dans quatre secteurs : autoroutes (66,1 milliards), chemins de fer (86,4 milliards), ports (37,4 milliards) et aéroports (8,5 milliards). Les entreprises attendent la sortie des appels d’offres pour apprécier la qualité et la rentabilité des projets. Le fait nouveau est qu’il y a une réelle opportunité pour les étrangers. Les grands acteurs du BTP brésilien, dont certains sont compromis dans le scandale de la compagnie Petrobras, ne pourront plus comme par le passé se tailler la part du lion. Le gouvernement souhaite, d’ailleurs, une participation active des groupes étrangers aux appels d’offres.

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