L’Europe, qui avait servi de zone de repli à nombre d’entreprises exportatrices durant la crise sanitaire, subit de plein fouet l’instabilité de l’environnement économique et géopolitique et les fortes pressions inflationnistes. Résultat : la zone euro devrait entrer en récession l’an prochain, selon l’assureur-crédit Allianz Trade.
Le PIB de la zone euro devrait se contracter de -0,8 % l’an prochain. En cause : l’inflation, qui pourrait franchir la barre des 10 % au quatrième trimestre (T4) de cette année et rester supérieure à 4 % en 2023, selon les économistes d’Allianz Trade. Ces derniers estiment par ailleurs que les goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement ainsi que les attentes des entreprises en matière de prix ont déjà atteint un pic alors même que la demande s’affaiblit rapidement.
Conséquence : la surabondance des stocks dans l’industrie manufacturière et la construction, pourrait entraîner une diminution de l’inflation dans la zone euro due à près de 90 % à des contraintes de la supply chain ainsi qu’à la flambée des prix de l’énergie. Dans ce contexte, un soutien budgétaire accru à hauteur d’au moins 2,5 % du PIB en moyenne et un assouplissement monétaire limité après la mi-2023 contribueraient à rendre la récession plus courte et moins profonde, estime Allianz Trade.
Malgré de nécessaires mesures de sobriété, la croissance de la zone euro devrait entrer en récession fin 2022 début 2023, avec une reprise timide qui ne se manifestera qu’au second semestre de 2023. Les industries à forte intensité énergétique ont déjà commencé à réduire leur consommation d’énergie dans un contexte de prix élevés. La mesure dans laquelle cette situation s’aggravera (et entraînera des arrêts de production plus importants) dépendra de l’ampleur des mesures de plafonnement des prix en Europe.
La croissance mondiale ne dépassera pas 1,5 % en 2023
Après s’être contractée de – 0,6 % au deuxième trimestre 2022, la croissance mondiale repassera dans le négatif au quatrième trimestre (- 0,1 % t/t) et ne devrait pas se redresser avant la mi-2023. Allianz Trade revoit ainsi à la baisse ses prévisions pour 2023 à + 1,5 % (-1,0pp par rapport à ses prévisions du deuxième trimestre).
Les ruptures profondes et durables sur les marchés de l’énergie et l’impact négatif sur la confiance des ménages et des entreprises feront entrer le secteur manufacturier en récession dans la plupart des pays. Dans le même temps, la hausse rapide des taux d’intérêt et la baisse des revenus réels disponibles entraîneront une récession du marché immobilier résidentiel aux États-Unis. Ces derniers enregistreront une baisse de – 0,7 % du PIB, en-dessous de la moyenne des récessions précédentes.
Malgré une récession mondiale au quatrième trimestre, Allianz Trade prévoit une inflation élevée jusqu’au premier trimestre 2023, lorsque les prix du gaz atteindront un pic. Les prix de l’alimentation et des services maintiendront la pression sur les prix élevée jusqu’à la fin de l’année. Globalement, le niveau d’inflation mondiale atteindrait 5,3 % en 2023 (contre près de 8 % en 2022).
La croissance du commerce mondial restera également faible à +1,2 % en 2023, les économies avancées étant confrontées à une récession induite par la demande intérieure.
Inquiétudes sur les défaillances d’entreprises
Dans ce contexte, le retour du risque de crédit est à prévoir pour les entreprises.
Le rebond des défaillances d’entreprises s’est en effet amplifié en 2022 (+ 18 % au T2 2022, contre + 5 % au T1). La plus forte accélération s’est produite en Europe de l’Ouest (+ 26 % depuis le début de l’année). Bien que le nombre de faillites soit toujours historiquement bas aux États-Unis (- 19 % en cumul annuel au T2), en Chine (- 14 % en août) et en Allemagne (- 4 % en juin), l’Espagne, la Suisse et le Royaume-Uni affichent déjà des chiffres de défaillances pré-pandémiques.
La conjonction d’une demande plus faible, de contraintes de production prolongées (prix des intrants, pénurie de main-d’œuvre et problèmes de chaîne d’approvisionnement) et de problèmes de financement croissants (accès et coûts) fait mécaniquement grimper les prévisions de faillites d’entreprises, notamment pour les pays et secteurs européens les plus exposés aux problèmes énergétiques.
Le recul de -0,8 % du PIB de la zone euro pourrait provoquer une accélération de la hausse des défaillances de + 25 pp en 2023 (à plus de + 40 %). Dans le détail, les prévisions tablent sur une hausse de + 16 % pour l’Allemagne, de + 29 % pour la France, de 31 % pour l’Italie et de 25 % pour l’Espagne. Une situation qui, selon Allianz Trade, pourrait conduire les gouvernements européens à prolonger les aides publiques et instaurer de nouvelles mesures.
SC