Si la part des exportations tricolores de biens et de services dans la zone euro a légèrement augmenté en 2022, elle n’a pas rejoint son niveau de 2019, constate Rexecode dans son bilan annuel de la compétitivité française. La bonne performance des services et le maintien des investissements dans l’industrie témoignent cependant d’une capacité de rebondir.
Du jamais vu depuis 1948. Les échanges extérieurs de biens ont enregistré un déficit record de -161 milliards d’euros (M EUR) en 2022 (71 M EUR de plus qu’en 2021), le plus important d’Europe. Entre 2019 et 2022, biens et services confondus, la part des exportations françaises dans la zone euro a reculé de 0,9 point, à 12,4 %. Cette dégradation, de l’ordre de – 3,1 points de son PIB, est en outre plus marquée en France que dans l’ensemble de la zone où la perte moyenne s’établit à – 2,1 points.

La facture énergétique, plombée par les conséquences de la guerre en Ukraine, n‘explique pas tout : elle a participé à hauteur de 60 % au recul enregistré entre 2019 et 2022, les 40 % restants provenant de la chute du solde pour quasiment tous les secteurs manufacturiers, souligne l’étude de Rexecode.
Légère hausse des parts de marché entre 2021 et 2022
Dans le détail de ces chiffres catastrophiques, se nichent pourtant quelques lueurs. Tout d’abord, les exportations tricolores ont repris des couleurs et grignoté des parts de marché entre 2021 et 2022, avec + 0,3 point pour les biens et + 0,2 point pour les services, malgré un contexte difficile sur l’ensemble du Vieux continent. Le signal est certes faible, mais bien présent.
Ensuite, les statistiques douanières, axées sur les marchandises, font souvent oublier que les échanges de services ont eux enregistré un excédent de + 50 M EUR l’an dernier, « exceptionnel en ce qu’il reflète le rebond important du commerce mondial et des prix internationaux de transport maritime », relève Rexecode.
En outre, les investissements dans le secteur manufacturier, qu’ils soient français ou étrangers, n’ont pas ralenti depuis le début de la pandémie de Covid-19. Ils ont même fortement progressé entre 2019 et 2022, de + 7 %, tandis qu’ils chutaient de – 10 % en Allemagne.
Enfin, les analystes de Rexecode anticipent « une possible atténuation de certains facteurs exceptionnels ayant freiné la production manufacturière ces dernières années, notamment dans l’aéronautique et l’automobile (pénurie de composants électroniques et de main d’œuvre) ».
Des signaux positifs mais à nuancer
Ceci étant, des signaux moins favorables à une reconquête de parts de marché sont également à prendre en considération, dont une perte de productivité au travail qui touche la plupart des secteurs, notamment industriels et est bien plus marquée en France qu’ailleurs en Europe. Une tendance que l’étude n’explique pas, mais qui « fait craindre une perte durable de capacité de production ».
La question de la hausse des coûts de production dans le secteur manufacturier est également source d’inquiétude. Jusqu’à la fin 2022, elle demeurait moins marquée que dans les autres pays de la zone euro en raison de la réduction des impôts de production, amenée à se poursuivre avec la suppression progressive de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2023 et 2024, et à une hausse moins forte du prix de l’énergie. La persistance de cet avantage en 2023 dépendra des conditions de renouvellements des contrats d’approvisionnement des entreprises.
De plus, en France comme partout ailleurs en Europe, les conséquences de la perte du pouvoir d’achat en raison d’une inflation au plus haut depuis quarante ans, sont encore à venir. « Le partage de cette perte entre employeurs et salariés influera sur la capacité de rebond des entreprises », estime Rexecode.
Une concurrence mondiale accrue
Dans un contexte économique et géopolitique particulièrement incertain, il est difficile d’augurer de l’avenir de la compétitivité des exportations hexagonales. D’autant qu’à l’échelle mondiale, d’autres forces pourraient entraver son rebond et celui des autres pays de la zone euro. En témoigne l’intensification de la concurrence avec les États-Unis et la Chine qui bénéficient d’avantages compétitifs structurels par rapport à la zone euro, notamment en matière prix énergétiques et de financements publics.
Face à ce constat, l’étude de Rexecode en appelle à « la poursuite durable de politiques économiques permettant d’améliorer la compétitivité des entreprises et l’attractivité du territoire français ». Reste que, en ce qui concerne les dispositifs publics de soutien mis en place par les gouvernements européens, leur hétérogénéité pourrait générer à terme des écarts de compétitivité importants entre pays de la zone euro. C’est donc une partie délicate que s’apprête à jouer le commerce extérieur français s’il veut regagner des parts de marchés, en Europe et ailleurs dans le monde.
Sophie Creusillet
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