Alexandre Loukachenko, souvent décrit comme « le dernier dictateur d’Europe », a été réélu, dimanche 11 octobre, à la tête de la Biélorussie pour la cinquième fois consécutive. Malgré un scrutin entaché d’irrégularités – l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a notamment évoqué des problèmes de comptage et de dépouillement des bulletins – les 28 sont prêts à suspendre les sanctions qui pèsent sur le pays depuis janvier 2011.
Une suspension de quatre mois
Le 12 octobre, à la sortie d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères au Luxembourg, le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Harlem Désir, a ainsi annoncé que l’UE donnait son feu vert à la levée des sanctions contre la Biélorussie. « La décision, c’est à la fois de pouvoir reconduire les sanctions à l’égard du Belarus, mais d’en suspendre l’application dans l’objectif d’encourager au respect des droits de l’Homme, d’une démocratisation, d’un respect des principes de l’État de droit. Et donc pour les 4 prochains mois, il y a un accord pour décider de suspendre l’application de ces sanctions, mais qui peuvent être remises en œuvre immédiatement si cela était justifié ».
Du 31 octobre au 28 février, les mesures restrictives (gel des avoirs, interdiction de visas) visant 175 personnes – dont le président lui même – et 14 entités – essentiellement des entreprises qui ont financé le régime en échange d’un traitement préférentiel – seront donc suspendues. La question d’une levée définitive sera examinée par les 28 « en début d’année prochaine, à la fin février », a précisé Frank-Walter Steinmeier, le chef de la diplomatie allemande.
Au delà des « progrès » concédés par Loukachenko en matière de démocratie – à savoir la libération, en août, de certains prisonnier politiques, et des élections qui se sont déroulées dans un « climat apaisé », comme l’a souligné Harlem Désir – les 28 visent des objectifs stratégiques. « Si nous lui fermons les portes de l’Europe, le futur de la Biélorussie ne pourra prendre qu’une seule direction… la Russie », a averti Grzegorz Schetyna, le ministre polonais des affaires étrangères. Le rôle tampon de Minsk dans la crise ukrainienne, où ont été accueillis les pourparlers de paix, son refus de reconnaître la Crimée comme russe ont également contribué au réchauffement des relations avec l’UE.
Inquiétudes russes, stratégie biélorusse
Un positionnement qui inquiète visiblement les Russes. « Alors qu’il se rapproche de l’Europe, Loukachenko semble prendre ses distances avec Moscou », peut-on lire dans le Moscow Times daté du 11 octobre. Le quotidien cite notamment le refus du leader biélorusse d’abriter sur son territoire de nouvelles bases militaires, comme demandé en septembre dernier par Vladimir Poutine. L’embargo russe sur les produits alimentaires européens aurait également servi les intérêts de certaines entreprises du pays qui auraient procédé au ré-emballage de certaines denrées alimentaires, importées de l’UE, avant de les expédier vers la Russie.
Pour Minsk, l’objectif urgent est de renflouer les caisses de l’État et de recréer – via les Européens – des liens avec le FMI. L’économie biélorusse vit toujours sous perfusion de la Russie, mais les transferts ne seraient plus suffisants, d’où la nécessité de créer de nouvelles alliances à l’ouest. Malgré les craintes de Moscou, « Loukachenko ne semble pas disposé à rompre les relations avec l’allié d’hier, mais plutôt à jouer sur les deux tableaux », estime un diplomate européen. Si la Biélorussie, qui a intégré l’Union eurasienne lancée par Vladimir Poutine, reste le plus solide soutien de Moscou, elle ne veut plus figurer sur la « liste noire » de l’UE afin de profiter des opportunités économiques et commerciales offertes aux États du partenariat oriental, dont le pays est également membre.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles