Arrivée de Trump au pouvoir, mise au frigo du TTIP – le traité de libre-échange transatlantique – lancement des négociations pour le ‘Brexit’, passes d’armes annoncées autour du CETA, le traité commercial conclu avec le Canada : les dossiers brûlants ne manquent pas pour Malte, qui a accédé le 1er janvier, pour la première fois depuis son adhésion, à la présidence tournante de l’Union européenne (UE). Et dans la sphère commerciale, « l’UE doit redéfinir son rôle, son positionnement », admet un membre de la représentation permanente (RP) de Malte à Bruxelles. « Les Etats membres vont revenir sur le devant de la scène alors que jusqu’ici, le commerce était une compétence de l’UE », ajoute-t-il.
Outre les retards dans la mise en œuvre du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), l’arrêt de la cour européenne de justice rendu en décembre dernier sur l’accord UE / Singapour, illustre lui aussi cette évolution récente. Selon les conclusions de l’avocat général, une série de domaines tels que les transports, les investissements, le système de règlement des différends ou le droit du travail impliquent des compétences nationales, et pourraient dès lors requérir l’accord des parlements nationaux. C’est donc la capacité de l’exécutif européen à négocier seul des accords commerciaux qui est remis en cause.
« Notre politique commerciale doit s’adapter à ce contexte changeant », souligne le diplomate maltais. Si les nouvelles orientations ne seront pas définies au cours de six prochains mois, « notre rôle sera de faciliter le dialogue pour voir quelle plus value l’Europe peut encore apporter dans ce type de pourparlers », ajoute-t-il.
Autres priorités : l’Aleca avec la Tunisie et les accords avec les pays d’Asie -Océanie
D’autres accords, en cours de négociation, sont aussi inscrits au programme de la nouvelle présidence de l’UE. Priorité de La Valette? L’Aleca, l’Accord de libre-échange complet et approfondi négocié avec la Tunisie. Et la proximité géographique entre ces deux pays méditerranéens n’explique pas à elle seule ce choix de la présidence. Malte souhaite en effet aborder la crise migratoire -sa priorité numéro un- de façon globale « en liant plus étroitement les objectifs commerciaux à la politique extérieure de l’UE », peut-on lire dans un document compilant la stratégie européenne de l’île pour ce premier semestre de 2017.
Destiné notamment à étendre aux secteurs des services et de l’agriculture l’accord d’association actuel, limité aux seuls produits industriels, l’Aleca ne sera pas finalisé lors de cette présidence, « mais nous comptons user de notre influence à la tête de l’UE pour accélérer les discussions », commente-t-on à la RP maltaise.
Enfin dernier dossier chaud : l’Asie. Les discussions techniques menées avec Tokyo pourraient aboutir au cours du 1er semestre 2017. Et les accords conclus avec le Vietnam et Singapour pourraient entrer rapidement dans leur phase de ratification. Malte ambitionne également de donner le coup d’envoi pour entamer, avant l’été, les négociations officielles en vue de conclure des accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
« Le retrait des États-Unis du traité trans-pacifique (TPP) peut conforter la place de l’UE comme première puissance commerciale mondiale », estime un collaborateur de Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce. Privé d’accord de libre-échange avec les États-Unis et dix autres pays de la zone Asie-Pacifique, le Japon a lui aussi récemment réaffirmé son souhait de conclure rapidement un accord avec les 28. Même chose pour Canberra et Wellington, qui souhaitent lancer rapidement les pourparlers avec Bruxelles.
Dernier dossier à l’agenda de la présidence maltaise : l’adoption définitive des différents textes visant à moderniser l’arsenal de défense commerciale de l’UE. « Il est essentiel de redéfinir clairement nos relations avec Pékin ». Dans ce but l’équipe maltaise espère aussi faire avancer les négociations UE / Chine pour la conclusion d’un accord sur l’investissement.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
–UE / Etats-Unis : les 28 en quête d’une posture face à l’agressivité verbale de Donald Trump
–UE / Nouvelle-Zélande : Wellington veut lancer rapidement des négociations de libre-échange
–UE / Libre-échange : le pouvoir de négociation de la Commission désormais contesté à la Cour de justice
–UE / Libre-échange : après le choc du blocage du CETA, quelle politique commerciale ?