En juin dernier, le consortium turco-italien
IC Holding-Astaldi a été retenu pour la réalisation du troisième pont sur le
Bosphore, à Istanbul, et d’une liaison autoroutière et routière sur une distance
de 100 kilomètres
(km). Le modèle retenu pour cet investissement très important – 2,5 milliards
de dollars – est le BOT (Build-Operate-Transfer), ce qui signifie qu’après la
construction de l’ouvrage, l’attributaire gèrera l’ensemble de l’infrastructure
pendant une période déterminée, en l’occurrence 10 ans et trois mois, avant
d’en transférer définitivement la propriété à l’État turc.
Le troisième pont de la capitale
économique viendra ainsi compléter le tunnel routier sous le Bosphore, un
projet qui a également fait l’objet d’un BOT quatre ans auparavant. D’autres
BOT ont été concédés. Ce fut aussi le cas en juin 2009 de l’autoroute entre la
cité de Gebze, proche d’Istanbul, et la ville portuaire d’Izmir. Sur ces trois projets, seul le
tunnel eurasien a trouvé, il y a quelques jours, un financement. « Les
banques turques disposent de capacités pour financer de nombreux projets, mais,
dans le contexte actuel de crise, leurs moyens ne sont plus suffisants »,
expliquait Gilles Erdogan, directeur de projets Turquie chez Vinci Concessions,
lors d’un séminaire organisé par Ubifrance, le 13 décembre au Sénat.
Le montant de l’investissement
pour le tunnel entre les rives européenne et asiatique d’Istanbul est de
l’ordre de 1,3 milliard de dollars et celui de l’autoroute Gebze-Izmir s’élève
à 6,5 milliards. Compte de la multiplicité des projets sélectionnés par l’Etat
dans les infrastructures de transport, de santé, d’énergie ou encore d’environnement,
vraisemblablement certains d’entre eux ne seront jamais réalisés. Dans le
transport par exemple, les objectifs à l’horizon 2023 paraissent très élevés :
construire 10 000
km de lignes à grande vitesse (LGV) et 5 000 km de
voies ferrées traditionnelles, rénover 6 000 km de liaisons ferroviaires
traditionnelles, réaliser 15 000 km de routes en voies séparées et 5 000 km
d’autoroutes, enfin, détenir un des dix plus grands commerciaux du monde.
Selon Eric Fajole, le directeur
du bureau d’Ubifrance à Istanbul, « le fer sera la priorité dans les vingt
prochaines années », ce qui a poussé l’agence publique à prévoir dans son
programme 2013 d’évènements en Turquie (voir fichier joint) des rencontres avec
des acheteurs turcs sur le salon Eurasia Rail, du 7 au 9 mars, à Istanbul.
Le Service économique régional
d’Ankara rapporte que le ministère des Transports a prévu une enveloppe
d’environ 23 milliards d’euros jusqu’en 2023 rien que pour la modernisation et
le développement du réseau ferré. Les Chemins de fer turcs (TCDD)
envisageraient, pour leur part, d’acquérir 200 rames de trains à grande vitesse
entre 2012 et 2016. TCDD a aussi annoncé un nouvel appel d’offres pour 62
trains à grande vitesse, équivalent à un montant de contrat de 1,5 milliard, en
2013-2014. Douze gares doivent aussi faire l’objet de partenariat privé-public
(PPP).
Pour de petites et moyennes
entreprises (PME), à condition de bien cibler leurs interlocuteurs, la Turquie
peut devenir un excellent relais de croissance. Ce pays est ainsi en passe de
devenir le premier marché, avec la France et le Royaume, du fabricant de
sélectionneurs et d’interrupteurs de moyenne et haute tensions SDCEM. A la
suite d’une mission d’identification, organisée par Ubifrance en novembre 2011,
cette PME au chiffre d’affaires annuel de 12 à 15 millions d’euros par an est
aujourd’hui engagée dans des négociations portant sur un montant global
d’affaires de « 3 millions », révèle Julien Cointepas, son
responsable commercial de zone en charge de l’électrification ferroviaire.
Toujours dans le transport, six
aéroports, dont un troisième à Istanbul et trois aéroports régionaux, sont
annoncés. S’agissant des ports, le programme de privatisation devrait être
poursuivi. Une des raisons pour Groupe Fayat d’ériger une usine de pylônes pour
le transport de l’électricité à Izmir est que cette ville possède un port
d’exportation. Une autre raison était la proximité des fabricants d’acier et la
possibilité de produire à ces coûts compétitifs avec son partenaire local Micha.
« Deux ans après, en 2008,
relate Emmanuel de Laage, directeur du pôle Levage-manutention-pylônes, nous
avons pris 60 % de BVS, le leader turc des ponts roulants, qui possédait aussi
une filiale de constructions métalliques, et, en 2011, d’une société de
distribution et fabrication de centrales d’enrobage ». Dans la santé, une vingtaine
d’hôpitaux pour une capacité nouvelle de 30 000 lits devront être
construits. Le financement de ces projets dans le cadre de PPP dépasserait la
barre des 6 milliards de dollars.
Ankara n’est pas moins ambitieux
en matière d’énergie, avec l’installation d’une capacité de 20 000
mégawatts (MW) d’énergie éolienne d’ici 2023, 600 MW d’énergie géothermique et
la construction de trois centrales nucléaires. Alléché par un marché à priori
juteux, la société RES
a repris un portefeuille de projets à un opérateur international. En 2009, sa
filiale RES Anatolia détenait ainsi deux licences, représentant 170 MW d’énergie
éolienne. Depuis quelques mois, elle dispose d’une troisième licence pour
produire 100 MW supplémentaires dans la province de Samsun. De bon augure avant
le lancement de deux nouveaux appels d’offres, portant au total sur 1 000
MW par an. « Le premier devait être lancé très prochainement »,
avance Jean-Marc Armitano, président de RES.
Parallèlement aux énergies
renouvelables (y compris biomasse, solaire…), Ankara veut promouvoir
l’efficacité énergétique dans l’industrie et le bâtiment et encourager les
réseaux municipaux de transport durable (tramways…). « En matière
d’intensité énergétique dans l’économie, l’objectif est une réduction de 20 % »,
délivre Philippe Lecrinier, coordinateur au groupe de l’Agence française de
développement (AFD).
Autre objectif, la mise aux
normes européennes en matière environnementale, un effort évalué dans une
fourchette de 50 à 70 milliards d’euros, dont 37 milliards dans l’eau et 13
milliards dans les déchets solides. En matière d’environnement, les bailleurs
de fonds multilatéraux et bilatéraux appuient largement la Turquie.
François Pargny
Pour en savoir plus:
Consulter
- 1 La fiche pays du MOCI sur la Turquie
- 2 Le GPS Business du MOCI. En tapant « Turquie »
dans l’onglet « Où », qui présente des actualités et des
dossiers d’informations, des appels d’offres, des textes règlementaires,
des listes de salons, des sites de référence et des noms d’experts membres
du Moci Club. - 3 Le dossier Turquie : Business, mode d’emploi
- 4 Le fichier joint « programmation Ubifrance
Turquie »