La flambée de violence en Tunisie a de quoi inquiéter la France, premier partenaire commercial (1,7 milliard d´euros d´exportations au premier semestre 2010) et premier investisseur dans ce pays (312 millions d´euros en 2008 et 139 millions en 2009).
Les émeutes, qui ont entraîné 66 morts depuis un mois selon la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), traduisent un malaise social grandissant d’une jeunesse, parfois diplômée, mais souvent sans emploi. Ce sont ces nouvelles générations qui contestent aujourd´hui un pouvoir qui semble à bout de souffle. Privés de liberté politique par le régime du président Ben Ali, en place depuis 23 ans, les manifestants s´en sont pris aussi clairement à l´entourage du chef de l´Etat, accusé d´affairisme.Pour mettre fin aux émeutes, le président Ben Ali a promis hier dans un discours qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat en 2014. Il a également assuré qu’il avait demandé de cesser de tirer sur les manifestants et promis la liberté de l’information et de l’accès à Internet.
Plus de 1 250 entreprises de l´Hexagone, représentant 106 000 emplois, sont engagées en Tunisie. Des projets communs franco-tunisiens sont en cours dans le domaine de la formation, un secteur longtemps négligé et pourtant vital. Ainsi, en septembre dernier, l´Ecole nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA Paris Tech) et l´Ecole nationale d´ingénieurs de Tunis (ENIT) ont lancé une formation commune d´ingénieurs. Un mois plus tard, une nouvelle école des métiers de la mode a pu être ouverte à Ben Arous (Tunis), grâce à un partenariat avec l´Institut supérieur spécialisé de mode (MOD´SPE) à Paris.
De son côté, l´ancien ministre de l´Industrie, Christian Estrosi, a défendu en juillet le ferroviaire français en Tunisie. Parmi les grands projets évoqués, un réseau ferroviaire rapide (RFP) pouvant générer sur une période de dix ans quelque 2 milliards d´euros de contrats. Un premier projet de cet équivalent du RER parisien, d´un coût de 200 à 300 millions d´euros, concernerait le Grand Tunis. L´énergie est un autre secteur qui intéresse tout particulièrement les sociétés de l´Hexagone, comme Alstom et General Electric France (centrale à gaz entre Tunis et Bizerte d´un coût de 400 millions d´euros) et GDF Suez et EDF (projet Elmed d´interconnexion électrique avec l´Italie, estimé à 1,5 milliard d´euros).
A l´instar du Maroc ou de la Turquie, la Tunisie a lié de longue date son développement à l´activité en Europe, particulièrement en France. Contrairement à une idée reçue, la Tunisie n´est pas seulement une terre de tourisme et de sous-traitance textile. Elle a su diversifier son économie dans l´automobile ou l´aéronautique. Dans son dernier reportage sur la Tunisie, le Moci rappelait l´importance des investissements directs étrangers (IDE) dans ce pays : 2,5 milliards d´euros en 2006, 1,2 milliard en 2007, 2 milliards en 2008, 1,3 milliard en 2009.
Le 27 octobre dernier, le Fonds monétaire international (FMI) avait délivré un satisfecit mesuré à la Tunisie. Selon le FMI, l´Etat maghrébin possède « des fondamentaux solides », une « inflation modérée » et après une année de crise mondiale, il devrait connaître en 2010 une croissance de 3,8 %, « soutenue par un rebond de l´activité industrielle et des investissements ». Pour autant, le FMI qualifiait aussi de « problème tenace » le chômage « élevé, notamment chez les jeunes ».
François Pargny