La visite d’Emmanuel Macron en Serbie a débuté le 29 août à Belgrade par la signature de la vente de 12 avions de combat ainsi que d’une dizaine d’accords sectoriels.
[Mis à jour le 2/09/24 à 10H11]
C’est fait ! Trois ans après le début des négociations et 18 mois après l’annonce du Président serbe Aleksandar Vučić, en marge de l’édition 2023 du salon IDEX à Abu Dhabi, de son intention d’acquérir des Rafale pour 3 milliards d’euros, la vente de 12 Rafale est officiellement conirmée.
Montant du contrat pour Dassault, incluant également équipements et services : 2,7 milliards d’euros. La Serbie, qui « avait précédemment acheté des missiles anti-aériens sol-air Mistral et des radars Ground Master-200 entre 2021 et 2023 » précise Air&Cosmos, devient ainsi le 8e pays au monde à se doter du chasseur français.
En parallèle, les deux pays ont signé une dizaine d’accords et de lettres d’intention dans des secteurs comme l’intelligence artificielle, le traitement des déchets, l’énergie nucléaire, l’agriculture, les métaux rares, l’environnement, la santé, l’industrie agroalimentaire, le tourisme ou encore les infrastructures. Si la vente d’avions de combat a été largement mise en avant lors du déplacement d’Emmanuel Macron, la France avance donc ses pions dans ce pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne et dont les échanges commerciaux sont plus tournés vers l’Allemagne et l’Italie.
Inauguration du terminal rénové de l’aéroport de Belgrade
Un des temps fort de la visite présidentielle en Serbie, outre la signature du grand contrat Rafale, a été, le 30 août, la cérémonie marquant l’achèvement des travaux d’extension et de modernisation de l’aéroport Nikola Tesla de Belgrade, en présence des présidents français Emmanuel Macron et serbe, Aleksandar Vučić ainsi que de Nicolas Notebaert, directeur général de Vinci concessions et président de Vinci Airports, groupe français opérateur de cet aéroport qui a assuré la conduite du projet globalement et de ces travaux lancés en juillet 2019. En 5 ans, le terminal a été rénové et étendu sur 40 000 m2, 11 portes d’embarquement et 12 place de stationnement des avions ont été construites et les accès côté ville, du parc de stationnement et de l’esplanade ont été reconfigurés. L’espace commercial s’étend désormais sur 9 000 m2.
Contexte géopolitique délicat
Si l’Elysée et Dassault se sont félicités de la signature de la vente des Rafale, cette dernière n’est pas sans poser question au regard des choix politiques et géopolitiques de Belgrade. Malgré sa candidature à l’UE, la Serbie a en effet choisi de conserver son soutien à Moscou depuis le début de la guerre en Ukraine et n’a pas mis en place de sanctions, se contentant d’envoyer de l’aide humanitaire à Kiev.
Son armée s’approvisionne également en Russie et en Chine, laissant planer la menace de récupération de technologies par ces deux pays. Interrogé à ce sujet lors de son déplacement, le Président français a préféré botter en touche. « Je vois tant de gens qui reprochent à la Serbie d’avoir des partenariats avec la Russie et la Chine, que ne se félicite-t-on quand le partenariat avec la France est formidable ? », a-t-il lancé, rapporte France 24.
Le pari d’un arrimage de la Serbie à l’UE
Dans une lettre parue jeudi 29 août dans la presse serbe, relate Le Monde, Emmanuel Macron a assuré que « l’Union européenne et ses Etats membres ont besoin d’une Serbie forte et démocratique à leurs côtés et la Serbie a besoin d’une Union européenne forte et souveraine ». Pour l’Elysée, il s’agit, grâce au processus d’adhésion, de pousser Belgrade à « consolider l’Etat de droit ».
Car les relations avec Moscou ne sont pas les seuls obstacles sur le chemin de la Serbie vers une adhésion. En décembre 2023, les élections législatives, remportées par le parti présidentiel, ont été émaillées de fraudes selon l’OCDE et le Parlement européen. Par ailleurs Belgrade n’a toujours pas reconnu le Kosovo malgré la pression de l’UE.
Pour Vuk Vuksanovic, du cercle de réflexion Centre for Security Policy, interrogé par France 24, autre cercle de réflexion de la capitale serbe, « Vučić cherche une solution pour remplacer ses Migs vieillissants ». « S’il n’en trouve pas, la Croatie voisine, avec ses propres Rafale, aura une supériorité aérienne dans les Balkans occidentaux. Et l’ego de Vučić ne peut pas accepter cela. De plus, il pense qu’en achetant ces Rafale, qui sont un produit extrêmement coûteux de l’industrie française de l’armement, il achètera la protection politique et les faveurs du président Macron. »
L’avenir dira si la position française s’avère payante. En attendant l’armée serbe continue de se fournir aussi bien en Europe qu’en Russie ou en Chine. En juin dernier, elle a ainsi reçu la livraison de missiles sol-air chinois. Et le gouvernement serbe n’a toujours pas prévu d’imposer des sanctions à l’encontre de Moscou.
Sophie Creusillet