L´importance des normes internationales édictées en droit social par l´Organisation internationale du travail (OIT) est aujourd´hui de plus en plus sensible, y compris devant la Cour de cassation, qui vient de considérer, le 15 décembre 2010, que ces normes ont une autorité supérieure aux dispositions de droit interne.
Il est donc recommandé aux entreprises travaillant à l´international la plus grande vigilance quant au respect des normes OIT ratifiées dans les pays où elles s´implantent.
On a tous à l´esprit l´épisode du contrat nouvelle embauche (CNE), dont le régime s´est trouvé miné par des exigences issues d´une convention OIT. Il s´agissait, en l´occurrence, de la convention n° 158 interdisant qu´un travailleur soit licencié sans qu´il existe un motif valable de licenciement lié à des données objectives.
La Cour de cassation a, tout d´abord, déclaré cette convention directement applicable devant les juridictions nationales (Cass. soc., 29/3/2006, Bull. civ., V, n° 131), puis elle a décidé que l´ordonnance du 2 août 2005, instituant le CNE, n´était pas conforme à ses prescriptions notamment au motif que le texte écartait l´exigence d´une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 1/7/2008, Bull. civ., V, n° 146). Le CNE s´est trouvé du coup condamné pour l´avenir ; mais qu´en était-il pour le passé ? Lorsqu´un contrat nouvelle embauche avait été conclu et résilié, avant cette prise de position de la Cour de cassation, était-il possible d´en contester tout de même les modalités de rupture en raison de leur non-conformité aux exigences de la convention OIT ?
C´est à cette question que la Chambre sociale a répondu, positivement, le 15 décembre dernier. Sa position est claire : les conventions OIT ayant une autorité supérieure à celle des lois, il appartient aux juges de faire respecter cette hiérarchie et de tirer toute conséquence de leur non-conformité, même après que la rupture du contrat a été consommée. Pour les juges, il n´en résulte pas d´atteinte à la sécurité juridique dès lors qu´il n´est question que d´appliquer des normes déjà en vigueur à l´époque de la rupture litigieuse et d´assurer leur efficacité, fut-ce au détriment de dispositions légales internes.
Une insécurité juridique pour l´employeur
Bien sûr, la solution est rigoureuse pour l´employeur qui se voit imputer les conséquences d´une rupture jugée rétrospectivement irrégulière, alors qu´il pouvait légitimement croire que la résiliation qu´il prononçait était valable, puisque respectueuse des dispositions de droit interne alors en vigueur.
Pour la Cour de cassation, peu importe la bonne foi de l´employeur, il ne peut être fait échec à l´application des normes régissant légalement la relation contractuelle. Or, parmi ces normes, ce sont les exigences de la convention OIT qui doivent l´emporter, même s´il n´avait pas encore été jugé que les dispositions appliquées par l´employeur ne leur étaient pas compatibles. C´est dire le poids juridique des normes édictées par l´OIT, qui peuvent ainsi remettre en cause des situations juridiques pourtant conformes au droit interne à l´époque où elles ont produit leurs effets. Concrètement, leur activisme est redoutable : ayant autorité sur les règles de droit national, elles donnent la possibilité de revenir sur des situations dont la validité n´est, somme toute, parfois qu´apparente. Quoi qu´en dise la Cour, cela n´est pas sans trouble pour la sécurité juridique.
Cette décision montre aussi l´importance que les normes OIT prennent et prendront très probablement dans l´avenir dans notre environnement juridique. Aux côtés d´autres textes, comme la Charte sociale européenne, les normes OIT constituent un fonds prescriptif sur lequel il faut dorénavant compter, qu´on ne peut raisonnablement ignorer. Elles se présentent aussi, aux mains des juges, comme d´ultimes sentinelles du respect de principes fondamentaux, assurant comme telles, en tant que de besoin, la consolidation de certaines positions du droit du travail aux prises avec la mondialisation de l´économie.
Rémi Dupiré, avocat, Dupiré & Associés