Apporter de l’éclairage public dans des régions du monde déconnectées du réseau électrique ou soucieuses de leur facture énergétique, tel est le projet de cette PME girondine dont les lampadaires à énergie solaire sont installés dans une soixantaine de pays. Pour mener à bien son premier grand contrat en Afrique, elle développe une stratégie incluant les talents locaux. Et elle a reçu, le 7 novembre, le prix de l’exportateur francilien de l’année dans le cadre du Palmarès Moci 2022.
En août 2021, Sunna Design (9 millions de chiffre d’affaires, dont 89 % à l’international) annonçait son premier contrat pour des installations couvrant l’ensemble d’un territoire. Signé avec l’Agence togolaise d’électrification rurale et des énergies renouvelables (AT2ER) et financé avec le concours de la direction générale du Trésor français, sous la forme d’un prêt direct de 40 millions d’euros à l’État togolais, il prévoit la fourniture et l’installation en 24 mois de 50 000 lampadaires solaires intelligents dans des zones qui ne sont pas raccordées au réseau central de distribution de l’électricité. Une commande record qui a obligé le spécialiste de l’éclairage solaire autonome et connecté à agrandir sa ligne de production et son espace de stockage à Blanquefort, près Bordeaux.
« Grâce à une connexion Bluetooth en pied de mât, un technicien pourra envoyer un diagnostic en cas de panne à Blanquefort à l’aide de son smartphone », explique Ignace de Prest, directeur général de l’entreprise. Car cette dernière ne se contente pas de fournir une technologie. Le contrat passé avec l’AT2ER prévoit la formation de techniciens locaux, employés par l’entité de Sunna Design sur place. Huit personnes, dont une cheffe de projet franco-togolaise, travaillent à Lomé au déploiement des lampadaires de Sunna Design sur le territoire togolais.
LES CHIFFRES CLÉS DE SUNNA DESIGN
CA 2021 : 9 millions d’euros
CAI 2021 : 8 millions d’euros
Part de l’international dans le CA en 2021 : 89 %
Variation du CAI de 2020 à 2021 : +50%
Effectif : 40
Les marchés américain et européen également séduits
Le produit proposé par cette PME coche toutes les cases du développement durable : transition énergétique, part locale, facilité de déploiement et impact sociétal fort. Dans les bourgades rurales, l’éclairage publique diminue le sentiment d’insécurité et rassemble les hommes. Mais s’il est particulièrement adapté aux régions reculées des pays en voie de développement, ce lampadaire à énergie solaire séduit également les marchés américain et européen.
« Cette logique de service qui inclut l’apport d’un financement, la maintenance ou la formation de techniciens représente 10 % du chiffre d’affaires annuel sur le marché américain », se félicite le dirigeant. Ce dernier a lancé en 2019, pour une copropriété résidentielle en Floride, un système d’abonnement sur quinze ans incluant une étude des besoins et la maintenance de l’installation.
C’est en effet aux États-Unis que l’entreprise a racheté en 2020 un des leaders de l’éclairage solaire en Amérique du Nord, la société Sol. Cette acquisition lui a permis d’étoffer sa gamme en proposant les produits Evergen développés par Sol, plus puissants et permettant un éclairage en zone urbaine ou autoroutière. « Le rachat de cette entreprise qui a trente ans d’expérience dans le solaire correspond à notre volonté de nous développer aux États-Unis ainsi que dans des zones plus électrifiées et moins émergentes ».
Une forte demande partout dans le monde
De fait, les lampadaires autonomes de la PME intéressent tout particulièrement les collectivités de pays en voie de développement où l’accès à l’électricité ne va pas de soi. Ils sont présents en Afrique (Sénégal, Cameroun, République démocratique du Congo, Nigeria, Afrique du Sud, Algérie, Maroc…), au Moyen-Orient (Égypte, Jordanie) et en Amérique latine (Colombie, Chili…). Des pays qui ont en commun un fort ensoleillement et des conditions climatiques parfois extrêmes.
D’où la nécessité de proposer des produits d’une grande robustesse. Les éclairages de Sunna Design ont donc été conçus pour durer dix ans et résister à des vents de 250 km/h et des températures de -20° C à +70° C.
« Depuis dix-huit mois, il y a une forte demande pour l’éclairage publique solaire, mais notre rythme de prises de commandes s’est encore accéléré depuis cet été, se réjouit le dirigeant. La demande est très forte en Afrique, où l’originalité de notre démarche répond aux besoins locaux et nous attendons par ailleurs des progressions de 50 % aux États-Unis et en Europe. »
« Made in France » à 85 %
Très orientée vers l’innovation à ses débuts, l’entreprise a enregistré pas moins de 14 brevets et dépensé 20 millions d’euros dans la R&D depuis sa création en 2011. Elle prend un nouveau virage en 2018, avec l’arrivée à ses commandes d’Ignace de Prest.
Cet ancien de Schneider Electric en Europe et en Afrique du Nord, qui avait auparavant travaillé dix ans dans le capital-risque, est chargé de « faire passer la société à l’échelle ». Pour ce faire, le dirigeant recrute des commerciaux chargés de dénicher de nouveaux marchés avec un leitmotiv : être le plus local possible, y compris pour la production.
En outre, les produits qui sortent de l’usine de Blanquefort, labellisée « usine du futur », sont français à 85 %. Seuls les panneaux solaires viennent de Chine. « Depuis la disparition des grands champions allemands du photovoltaïque au début des années 2010, il n’y a plus de filière en Europe, regrette Ignace de Prest. C’est dommage parce qu’il y a un coup à jouer. » D’autant que, à en croire le dirigeant, la concurrence chinoise est loin de faire l’unanimité : « Des clients en Thaïlande et en Malaisie sont venus vers nous car ils ne trouvaient pas de solution adaptée auprès de fournisseurs chinois. »
Les demandes affluent de partout dans le monde, signe que Sunna Design a su se faire un nom au niveau mondial. « Notre meilleure publicité, ce sont les 115 000 mâts que nous avons installés et qui fonctionnent ! »
Sophie Creusillet
Cet article a été publié dans le numéro spécial du Moci Palmares des Leaders de l’export 2022 / Guide de l’accompagnement à l’export. Pour consulter l’intégralité de ce magazine en ligne, cliquez ICI