Business France et le ministère de l’Agriculture ont publié le 17 octobre, à l’occasion du SIAL (Salon international de l’alimentation), leur étude annuelle « Où exporter en 2023 » dans les secteurs agricoles et agroalimentaires. Tirées par le grand export, les ventes ont bondi de 12,5 % en 2021 et affichent de bonnes perspectives malgré les conséquences de la guerre en Ukraine. Revue de détail.
A l’exception, Brexit oblige, du Royaume-Uni, les principaux exportateurs mondiaux de produits alimentaires ont tous vu leurs ventes augmenter. Les échanges mondiaux, en progression de près de 14 % à 1570 Md EUR, ont enregistré une année record. Avec 70,2 milliards d’euros (Md EUR) d’expéditions à l’international de produits agricoles et agroalimentaires, la France est redevenue en 2021 le cinquième exportateur mondial, talonné par la Chine et derrière les États-Unis, les Pays-Bas, le Brésil et l’Allemagne.
L’excédent commercial a atteint 8,9 Md EUR, en croissance de plus de 3 Md EUR par rapport à une année 2020 fortement impactée par la pandémie de Covid-19 et les taxes américaines sur les vins. « Cette performance s’explique à la fois par la hausse des volumes exportés et celle des cours des denrées alimentaires, en raison de l’envolée des prix des matières premières, de la situation sanitaire et des conditions climatiques », souligne l’étude Où exporter en 2023 présentée par Business France et le ministère de l’agriculture en marge du Sial qui se tient au parc des expositions de Paris-Nord-Villepinte jusqu’au 19 octobre.
Cette somme annuelle décrit les grandes tendances de l’agriculture et de l’agroalimentaire, partout dans le monde, secteur par secteur et pays par pays. Mise en ligne gratuitement, elle peut donner de premières impressions et idées de marchés à prospecter à la multitude de PME qui composent le secteur agroalimentaire tricolore. Selon les données de l’Ania (l’Association nationale des industries alimentaires), l’industrie agroalimentaire française compte en effet plus de 15 000 entreprises, dont 98 % de TPE et PME. Les ETI et les grandes entreprises réalisent 80 % du chiffre d’affaires agroalimentaire à l’export.
Le Brexit a rebattu les cartes des marchés de proximité
En 2021, la Belgique est redevenu le premier client de la France, place qu’elle avait cédée à l’Allemagne en 2019.
Malgré l’entrée en vigueur du Brexit le 1er janvier 2021, le Royaume Uni a continué à se fournir auprès de l’Union européenne : un tiers de ses approvisionnements provient des Pays-Bas, de France, d’Irlande et d’Allemagne. S’il a sensiblement réduit ses achats en provenance d’Allemagne (- 27 %), pour se tourner vers d’autres fournisseurs comme le Brésil (+ 18,2 %), l’Inde (+ 17,5 %) ou la Norvège (+ 187 %), ses importations en provenance de France sont restées stables (- 1,7 %).
« Les changements qu’on a vu parmi nos clients proches sont liés au Royaume-Uni qui a quitté l’Union européenne et ne figure plus dans le top 5 de nos clients, observe Pascale Thieffry, directrice de département agroalimentaire de Business France. A l’inverse, l’Espagne et l’Italie sont très dynamiques. »
Plus éloignés, les pays d’Europe de l’Est montraient de belles perspectives, y compris pendant la crise sanitaire. Qu’en est-il aujourd’hui, presque 8 mois après le début de la guerre en Ukraine ?
« La proximité de la Pologne avec l’Ukraine peut refroidir certains exportateurs, pourtant nos experts sur place, mais aussi en République tchèque et en Roumanie nous disent que des opportunités sont toujours importantes et que ces marchés continuent d’offrir des opportunités en raison de l’occidentalisation des habitudes. Le repli actuel des exportateurs ne doit être que passager et il est important de rester mobilisé. »
En attendant, ce sont des régions bien plus lointaines qui tirent actuellement les exportations françaises.
Les États-Unis et la Chine en forte hausse
« Si l’Union européenne reste notre principal client et avait mieux résisté pendant le pic de la pandémie, c’est le grand export qui tire nos exportations sur le long terme et contribue au solde excédentaire de notre balance commerciale agroalimentaire », constate l’étude.
Le rebond des exportations françaises de vin après la suppression des taxes Trump a permis aux États-Unis de se hisser au 3e rang des clients pour l’ensemble des produits agricoles et agroalimentaires en 2021. « Les États-Unis sont un marché de premier plan pour les produits gourmets et la boulangerie- viennoiserie- pâtisserie », ajoute Pascale Thieffry.
Avec une croissance similaire à celle enregistrée pour les États-Unis (+ 28 % par rapport à 2020), les exportations françaises de produits alimentaires vers la Chine, notre huitième client depuis 2015, ont été particulièrement dynamiques en 2021.
« Cette progression s’explique en grande partie par la progression des livraisons de céréales en forte hausse, Pékin souhaitant sécuriser ses approvisionnement. Les ventes de vins français se portent bien et profitent de la fin des ventes de vins australiens. En outre, un tiers des exportations françaises de viande porcine partent en Chine qui absorbent des morceaux qui ne sont pas commercialisés sur d’autres marchés traditionnels. L’accord de zonage signé en décembre 2021 avec Pékin pour limiter l’impact en cas de fièvre porcine en France laisse penser que cette tendance haussière va se poursuivre »
L’Asean monte en puissance
Autres pays friands de produits alimentaires français, les 10 membres de l’Asean* ont constitué une destinations de choix pour le vin (+ 29 %), les spiritueux (+ 36 %), l’alimentation animale (+ 23 %) ou encore les produits laitiers (+ 28 %).
« Cet engouement pour les produits français dans la zone s’explique en partie par l’accord de libre-échange avec le Vietnam qui booste nos exportations vers ce pays, précise Pascale Thieffry. L’épicerie sucrée et la boulangerie- viennoiserie- pâtisserie marchent très bien, mais tous les produits ont leur chance. La fédération française de la charcuterie, par exemple, organise en ce moment une opération de sensibilisation sur toute la zone. »
Les vins et produits alimentaires particulièrement dynamiques
Les trois quarts des exportations françaises sont constitués de produits issus de l’industrie agroalimentaire (43 Md EUR en 2021) et destinés à 62 % à l’Union européenne. Ces cinq dernières années, hors vins et boissons, les exportations de produits alimentaires ont enregistré une progression de 15 % tirée par la Belgique (+20 %), l’Espagne (+ 14 %), les Pays-Bas (+ 22 %) et la Chine (+ 19 %). Les produits agricoles bruts et les produits transformés ont tout autant profité de la reprise (respectivement + 9,2 % et + 9 %).
Les ventes de boissons alcoolisées, qui avaient subi un coup d’arrêt en 2020 avec la fermeture des établissements de restauration dans de nombreux marchés clés, les taxes américaines sur le vin français et la chute des achats chinois et britanniques (qui avait stocké en prévision du Brexit), ont repris de la vigueur.
En 2021, les exportations de boissons alcoolisées de l’Hexagone ont en effet enregistré un record historique à 16,8 Md EUR ( + 26,8 %) notamment grâce à la suspension des surtaxes américaines. La filière représente à elle seule 23,8 % des exportations agroalimentaires totales.
Le bio, un argument qui ne suffit plus
Si les tendances de 2021 se sont maintenues depuis le début de l’année, l’inflation et son impact sur les modes de consommation alimentaires pourraient néanmoins modifier la donne. L’envolée des ventes depuis le début de la crise sanitaire des produits bio, éco-responsables et bons pour la santé survivra-t-elle à celle du coût de la vie ?
Pour Pascale Thieffry, il s’agit d’une tendance de long terme : « On a certes une poussée inflationniste qui impacte l’ensemble des pays, mais on a aussi des consommateurs qui, même impactés dans leur pouvoir d’achat restent sensibles aux produits bio, sains et responsables. Sur certains marchés, le bio n’est plus un argument qui se suffit à lui-même, il doit porter une autre valeur comme l’éco-responsabilité avec des packaging adaptés, par exemple, ou des processus de transformations plus simples et plus sains. »
Malgré un contexte mondial particulièrement difficile, il reste donc des opportunités à saisir pour les l’agroalimentaire tricolore.
Sophie Creusillet
* L’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande, les Philippines, Brunei, le Vietnam, le Laos, la Birmanie et le Cambodge.
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