Base arrière du géant américain et membre de l’Alena, le Mexique souhaiterait se faire un nom dans l’aéronautique. Il fourbit pour cela ses atouts.
De fait, le pays cumule au moins trois avantages. Premièrement, il est membre de l’Alena (Accord de libre-échange nord-américain), l’association de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Le pays peut ainsi exporter ses biens libres de droits vers ses deux grands voisins du Nord.
Ensuite, il se trouve en zone dollar, car le peso mexicain est lié à la devise américaine. Or, on sait qu’EADS ainsi que les plus petits constructeurs comme Dassault Aviation, vont de plus en plus produire hors d’Europe et de la zone euro. En effet, la hausse de l’euro pénalise lourdement leur compétitivité. Les délocalisations des acteurs de l’aéronautique européenne et de ses équipementiers se multiplient déjà, en Inde et au Maroc par exemple. De façon obligatoire pour y obtenir des marchés, cela va être aussi le cas en Chine et aux États-Unis.
Enfin, les salaires sont bas. Le constructeur aéronautique canadien Bombardier indiquait en avril dernier le coût mensuel de ses salariés mexicains : 500 dollars américains pour un ouvrier, et de 925 à 1 390 pour un ingénieur. Avec le différentiel euro-dollar, favorable dans ce cas-là, il est bien difficile aux constructeurs aéronautiques européens de ne pas succomber aux charmes salariaux mexicains…
Pour le Mexique, la construction aéronautique est un secteur de diversification. D’ores et déjà, cette filière emploie 20 000 salariés. Les exportations 2007 de ce secteur ont atteint 400 millions de dollars. Environ 120 entreprises travaillent pour l’aéronautique et 37 ont commencé leur activité l’an dernier.
Le principal centre de production mexicain est le parc aéronautique de Queretaro, une ville située à 250 km au nord-ouest de Mexico, et dotée d’un aéroport international. Dès mai 2006, le canadien Bombardier y ouvrait une première usine pour y produire des harnais électriques. Le constructeur y en outre a inauguré une usine grand format au second semestre 2007.
On y fabrique des faisceaux de câblages électriques et des composants de structures. Bombardier, qui emploie actuellement 900 salariés au Brésil, compte monter ses effectifs à 1 200 personnes à la fin de cette année et à 2 000 vers 2010. Il indique que produire au Mexique réduit ses coûts de 25 % à 30 %. Indispensable lorsqu’il s’agit d’affronter le grand concurrent brésilien Embraer, qui a des coûts de production encore plus bas dans son pays.
Si EADS ne songe pas encore au Mexique, certains équipementiers français travaillant dans l’aéronautique ont franchi le pas. Ainsi Zodiac ou Messier Services se sont implantés au sud du Rio Grande, de même que Safran.
Le président Nicolas Sarkozy devait inaugurer un pôle de compétitivité franco-mexicain en aéronautique lors du voyage officiel prévu au Mexique ce mois-ci. Mais celui-ci a été annulé.
Jean-François Tournoud
Témoignage : Jean-Paul Herteman, président du directoire de Safran
« Une main-d’oeuvre qualifiée en zone dollar »
Le 16 mai dernier, le groupe français Safran, spécialisé dans l’aéronautique, la défense et les communications, inaugurait à Queretaro, au Mexique, un atelier de maintenance des moteurs CFM 56-5 qui équipent les Airbus A320.
À cette occasion, le président du directoire, Jean-Paul Herteman, estimait que « le dynamisme de l’économie mexicaine, associé à une main-d’oeuvre qualifiée en zone dollar, ainsi qu’une administration pas trop bureaucratique et efficace, représentent pour notre groupe l’opportunité de faire des offres au meilleur prix en assurant la qualité nécessaire ». Safran sera aussi plus proche de ses clientes que sont les compagnies aériennes des deux hémisphères du continent américain.
D’ailleurs, à l’horizon 2009, l’atelier mexicain assurera également la maintenance des CFM 56-7B des Boeing 737.
Pour Jean-Paul Herteman, impossible de faire autrement car « au cours des trois dernières années, la baisse du dollar nous a coûté 1 milliard d’euros. Pour 2008, l’effet négatif sera encore de 700 millions d’euros ».
Dès lors, Safran met le turbo au niveau des délocalisations. Au cours des derniers douze mois, le groupe a ouvert onze sites hors d’Europe, dont trois aux états-Unis et trois en Chine. Visiblement, Safran croit au Mexique puisqu’il a ouvert durant le même laps de temps trois sites dans le pays. Au total, le groupe possède désormais six implantations dans le pays, qui emploient 3 800 salariés.
J.-F. T.